Et� 1958. Alors qu�il venait de rejoindre les maquis de la Wilaya III historique, le lieutenant A�t-Mehdi Mohamed Amokrane d�couvrait, horrifi�, les d�g�ts de la �bleuite� dans les rangs des moudjahidine de l�ALN... C��tait lors de son s�jour dans la for�t de l�Akfadou. Le colonel Amirouche, qui y avait �tabli son PC, l'avait charg� de la formation acc�l�r�e d�une compagnie de djounoud. Le stage se passait plut�t bien, sauf que circulaient des rumeurs persistantes sur la torture, les tra�tres, les �retourn�s�. Et puis, Si Mokrane fut le t�moin de sc�nes �tranges : des hommes encha�n�s, d�autres subissant les pires s�vices corporels. �Cela se passait au mois de juillet 1958, et je ne comprenais rien�, �critil dans son livre-t�moignage. Et puis vint ce triste jour d�ao�t de la m�me ann�e o�, dans une clairi�re de la for�t, le colonel Amirouche avait rassembl� les moudjahidine. C��tait, ajoute l�auteur, �pour assister � la lapidation de certains bleus qui avaient subi la torture. Au cours de ce grand rassemblement, des cadres ont �t� tu�s apr�s avoir �t� tortur�s durant plusieurs jours�. Cette fois, le lieutenant Si Mokrane en savait un peu plus sur cette fameuse bleuite qui rongeait les combattants de la Wilaya III, provoquant une h�catombe dans leurs rangs, surtout parmi les cadres et les plus instruits. En fait, la bleuite est une op�ration de guerre psychologique mont�e par le capitaine L�ger et les services de l�arm�e fran�aise. De l�intox que toutes ces �taupes� et ces �tra�tres� qui activeraient au sein de l�ALN. Mais la ruse a march�, les responsables de la Wilaya III sont tomb�s dans le pi�ge... �Ces purges furent une trag�die�, ass�ne l�auteur. Dans cet ouvrage percutant, il d�nonce les d�rives qui ternissent la lutte arm�e, dont la torture et la bleuite. �La barbarie et les �gorgements rel�vent d�un crime et non point de l�erreur ou de l�exc�s de patriotisme�, souligne Si Mokrane. Mais, d�abord, � qui incombe la responsabilit� des purges et des tortures ? Au seul colonel Amirouche ? Temp�te sous un cr�ne... �Je suis persuad� que personne de son entourage n�a tent� d�attirer son attention ni l�appeler � la r�flexion�, �crit l�auteur. Pour lui, la plus grande part de responsabilit� est partag�e entre l��quipe des tortionnaires et les collaborateurs du colonel (les chefs de zone). �On pourrait citer, pr�cise-t-il, l�exemple de Mahiouz Ahc�ne appel� ��Hc�ne la torture��, connu de tous et promu par la suite au grade de commandant par le colonel Mohand Oulhadj, ou encore celui du nomm� Rachid Adjouad. Ceux-l� d�tiennent une grande part de responsabilit� car ils sont instruits �. H�las, les arrestations se multipliaient, et la bleuite continuait d�emporter de nombreuses victimes innocentes. Pour donner un meilleur �clairage � son propos et aider � bien comprendre cette trag�die, Si Mokrane int�gre dans son ouvrage les pr�cieux t�moignages de Mohamed Ouled Moussa (un rescap� des purges et tortures), du colonel Ali Kafi (chef de la Wilaya II) et du commandant Rabah Zerari (dit Si Azeddine). Mais les combattants de l�ALN n��taient pas au bout de leurs peines. Apr�s la bleuite et tout ce que cela avait g�n�r� comme suspicion, parano�a et doutes, survient l�op�ration �Jumelles�, une sorte de rouleau compresseur que cette strat�gie mise au point par le g�n�ral Challe pour r�duire � n�ant la lutte arm�e. Lanc�e par l�ennemi le 22 juillet 1959, l�op�ration allait laminer les rangs des moudjahidine de la Wilaya III. La situation �tait intenable, d�autant plus que le colonel Amirouche, tomb� au champ d�honneur le 29 mars 1959 � Djebel Thameur, n�avait pas laiss� de successeur. Mohand Oulhadj ? L�auteur reste sceptique : �Un jour, il faudra certainement tirer les choses au clair. A un moment donn�, la Wilaya III, sous l�autorit� de Mohand Oulhadj, fut � l�abandon et livr�e � l�injustice.� C�est dans un tel contexte particuli�rement d�l�t�re que se tint �le congr�s dit des officiers libres�. Une cinquantaine d�officiers et de sousofficiers �taient r�unis, ce 14 septembre 1959, �pour d�noncer et mettre fin � la d�rive qui mettait en p�ril la poursuite de notre id�al qu�est le combat�. Parmi eux Si Allaoua, Si Sadek Ferrani et Si Mokrane. Une r�action salutaire que la tenue de ce congr�s qui demeure toutefois un �pisode tr�s peu connu de la glorieuse R�volution arm�e. Le lecteur en saura un peu plus sur cette page de l�histoire de la Wilaya III gr�ce � l�importante documentation (des textes d�archives authentiques, des correspondances, des photos, des t�moignages...) souvent in�dite et qui accompagne chacun des chapitres du livre. En plus de la consultation de ces documents d�une grande valeur historique, le lecteur pourra suivre avec int�r�t le parcours de ce combattant de l�ALN depuis son enfance, sa scolarit�, se formation militaire puis sa vie de maquisard et jusqu�au cessez-le-feu et l�apr�s-ind�pendance. Tout cela racont� dans un style direct et sans fioritures, le langage de la v�rit� faisant n�cessit�. Pour avoir une id�e sur la teneur du livre, cet exemple : la rencontre de Si Mokrane avec Mahious Ahc�ne apr�s l'ind�pendance. Il lui fit la r�flexion suivante : �Comment as-tu �t� capable de torturer et tuer autant de moudjahidine ?� R�ponse de son vis-�-vis : �Si je ne l�avais pas fait, Si Amirouche m�aurait tu� !� Ecrit avec le concours du journaliste Mustapha A�t Mouhoub, l�ouvrage est publi� � titre posthume. Si Mokrane est d�c�d� en juin 2011 � l��ge de 80 ans. Il rate de peu la c�l�bration du cinquantenaire d�une ind�pendance ch�rement acquise gr�ce surtout � tous ces martyrs anonymes auxquels il rend hommage. Hocine T. A�t-Mehdi Mohamed Amokrane, Le dur et invraisemblable parcours d�un combattant. Editions Rafar, juillet 2012, 258 pages, 650 DA