[email protected] Une cit� d�j� dans le rouge ne devrait pas trop s'affliger d'�tre plong�e dans le noir, me disais-je en lisant samedi dernier le r�cit des plaies de Constantine, sous la plume incisive de Boubekeur Hamidechi. A l'�vocation du dernier black-out qui a frapp� l'antique Cirta, j'ai encore eu une pens�e admirative pour la ville, et surtout pour son tandem d'�ternels amoureux que Boubekeur forme avec notre comp�re Madjid Merdaci. Il faut, en effet, poss�der de sacr�es r�serves de passion et de tendresse pour s'accrocher encore � cette vieille dame suppurant sous ses guenilles. Il y en a qui ont pr�f�r� prendre leurs jambes � leur cou, et choisir un exil oublieux pour beaucoup moins que �a. Je n'ai pas le talent de mes deux amis pour raconter ma ville, puisque je n'ai pas de ville, mais je pourrais longuement vous parler de mon quartier. Je le ferai plus tard, c'est promis, d�s que je me serai d�lest� des multiples soucis de la vie quotidienne, aid� par les lumi�res vacillantes de la Sonelgaz(1) et si ma connexion internet ne me fait pas des crises d'�pilepsie. Mais � l'aune des avatars, il n'y a aucune commune mesure entre mon quartier et la ville de province ch�re � Hamidechi. Et je sais que �a ne d�couragera gu�re ce dernier si j'ajoute que la seule ressemblance avec un �tre humain que m'inspire la ville du Rocher, c'est avec �Sidna Job�. Constantine est frapp�e d'une s�rie de plaies dont on ne retrouve l'�quivalent que dans l'�gypte de Moussa, le Mo�se arabe. Mais, elle a la chance dans son malheur d'avoir des gens qui l'aiment encore et qui le chantent, m�me si leurs chants ressemblent � des sanglots. Il est 11h30, et cela fait plus de trois jours que les autorit�s �gyptiennes ont coup� le courant � la cha�ne satellitaire �Les Pharaons�. Jeudi dernier, la cha�ne qui se sp�cialisait dans une opposition r�solue, voire parfois outranci�re, au pr�sident �lu, Mohamed Morsi, a �t� suspendue de diffusion pour un mois. Elle risque m�me l'interdiction d�finitive pour avoir appel�, selon les attendus de la d�cision, � l'�limination physique du pr�sident �gyptien, issu du mouvement des Fr�res musulmans. Un tribunal du Caire a �galement intent� des poursuites judiciaires, avec mandat d'amener, contre Tewfik Okacha, le propri�taire de la cha�ne. Depuis l'�lection d'un pr�sident islamiste, le journaliste n'a cess� de d�noncer un complot du �sionisme islamiste �. Il affirmait notamment que le mouvement des Fr�res musulmans �tait en train de mettre en place sa strat�gie pour s'emparer des principaux leviers dans l'�conomie. Il avait notamment accus� Khayrat Chater, une des figures de proue du mouvement, de susciter des gr�ves dans certaines usines sid�rurgiques pour les mettre en faillite et les racheter � un prix symbolique. Il a affirm� aussi que le m�me personnage �tait � la t�te d'un r�seau de blanchiment d'argent, dont l'un des principaux animateurs est le cheikh Karadhaoui. Tewfik Okacha avait �galement appel� � une insurrection populaire pour le 24 ao�t prochain, et il disait disposer d'une �arm�e� d'un quart de million de personnes, pr�te � lancer le mouvement insurrectionnel. En r�alit�, les rodomontades et les provocations de Tewfik Okacha dissimulent une r�elle inqui�tude des m�dias devant les menaces � peine voil�es que les leaders islamistes prof�rent contre la libert� de la presse. D'ores et d�j�, le nouveau ministre de l'Information, connu comme militant du mouvement, a annonc� la couleur en faisant nommer des sympathisants � la t�te des journaux publics. Pour donner un semblant de l�galit� � ces nominations, le pouvoir a fait nommer les promus par le nouveau Parlement, � majorit� islamiste. En signe de protestation, les trois grands journaux priv�s, El- Watan, Al-Misri-Al-Youm(2) et Al-Tahrir, ont paru jeudi dernier avec des encarts en blanc en guise d'�ditorial. Ils entendaient d�noncer les r�centes d�signations dans les m�dias publics et les menaces r�p�t�es � l'encontre des journalistes trop critiques. �Cet encart reste blanc pour protester contre la tentative des Fr�res d'imposer leur contr�le � la presse et aux m�dias appartenant au peuple �gyptien �, �crivait notamment El- Watan. Les journaux ont surtout relev� que la m�thode utilis�e pour nommer les responsables de la presse publique �tait la m�me que celle utilis�e du temps de Moubarak. Ce qui d�note la volont� du mouvement des Fr�res musulmans d'assurer sa mainmise sur des titres � grand tirage que les pouvoirs successifs ont toujours gard�s sous leur coupe depuis 1952. Quant � la suspension de la cha�ne �Les Pharaons�, elle est per�ue comme un coup de semonce en direction de journalistes lib�raux comme Ibrahim A�ssa. Celui-ci anime une chronique quotidienne sur la cha�ne �Al-Kahira-Oual- Nass�, dans laquelle il brocarde r�guli�rement les nouveaux ma�tres du pays. Samedi dernier, il a fustig� ceux qui pr�tendaient que la justice �tait ind�pendante en �gypte. �Il y a sans doute des magistrats ind�pendants, mais il n'y a pas de justice ind�pendante�, a-t-il affirm�. Sous Moubarak, Ibrahim A�ssa avait �t� �vinc� de la r�daction en chef du quotidien Al-Destour par un tour de passe-passe. Son journal avait �t� purement et simplement rachet� par un milliardaire proche du parti national d�mocratique au pouvoir. Il faudra suivre particuli�rement dans les prochains jours les prestations de notre confr�re sur Al-Kahira-Oual-Nass. Ce sera sans doute l'une des prochaines cibles du pouvoir. A. H. (1) A l'heure o� j'�cris, cela fera plus de 15 heures que je suis sans �lectricit�, dans mon quartier que j'ai surnomm� affectueusement Ghaza pour de multiples raisons, dont le vacarme que font les d�vots des lieux pour montrer leur pi�t� � qui ne veut pas les entendre. La �panne� intervenue samedi soir � 20h30 m'a oblig� � aller demander asile chez des amis, en priant le ciel que la Sonelgaz ne m�y poursuive pas de ses �assiduit�s�. Inutile de vous pr�ciser que depuis samedi soir, le num�ro d'appel de d�pannage sonne occup� en permanence. Derni�re minute : le courant a �t� r�tabli � 13h15, soit 16h45mn apr�s la coupure. Quelle rapidit� d'intervention ! (2) Journal d'opposition qui publie notamment une chronique hebdomadaire de l'�crivain Ala Aswani. Ce dernier a men� campagne contre le haut conseil militaire auquel il reprochait notamment de vouloir remettre le pouvoir aux islamistes. Cependant, il a quelque peu infl�chi sa position, apr�s l'�lection de Mohamed Morsi, en demandant notamment que les �gyptiens donnent le temps au nouveau pr�sident de d�montrer la sinc�rit� de ses intentions.