Une h�catombe. Pour la seule ann�e 2011, 4 598 vies humaines ont �t� fauch�es suite � des accidents de la circulation. Chaque ann�e, plus de 3 000 personnes sont handicap�es � vie ; plus de dix, quotidiennement. Ce bilan macabre fait froid dans le dos. L�Alg�rie occupe les premiers rangs mondiaux en termes d�accidents de la route. Triste record ! Choc violent ; t�le froiss�e ; corps d�sincarc�r�s ; sir�nes hurlantes ; blouses blanches ; traumatismes ; larmes et consternation. Ce sont l� les quelques tristes cons�quences de la violence routi�re. Toute une vie qui bascule en enfer en une fraction de seconde. Lorsque la mort n�est pas au rendez- vous, c�est une autre porte qui s�ouvre : celle des souffrances. Une autre �preuve est au bout. Coma. Enc�phalogramme h�sitant. Puis, on se r�veille t�trapl�gique, parapl�gique, invalide. Des s�quelles dues � une seule seconde d�inattention que l�on trainera � vie. Apr�s le renoncement, la r�signation. Accepter l�inacceptable. Une nouvelle vie commence. Clou� sur un fauteuil, il faudra r�apprendre les gestes simples de la vie. S�initier � faire du regard intrus et souvent malsain des autres, renoncer � certains de ses r�ves. Il y a lieu, parfois �galement, d�apprendre � g�rer son sentiment de culpabilit�. Celui d�avoir chamboul� la vie de tous ceux qui vous entourent. La vitesse, �a ne tient pas la route ! Plus jamais la vie ne sera comme avant pour Hassan, 31 ans Ce gars dynamique et sportif avait tout pour lui. Un bon job, une fianc�e, des amis et des projets pleins la t�te. Seulement voil�, il y a 5 ans, un drame a mis sa vie en lambeaux. Hassan a perdu l�usage de ses jambes. Les deux roues de sa chaise roulante remplacent aujourd�hui ses membres inferieurs qui ont perdu toute sensibilit�. Hassan a bien voulu partager son histoire avec nous en �voquant cet horrible �pisode de sa vie. �Sur la route de S�tif, en cette maudite journ�e d�hiver d�il y a cinq ans, j�ai vu toute ma vie d�filer au moment o� un semi-remorque me heurtait de plein fouet au volant de ma voiture. Je me suis r�veill� � l�h�pital apr�s trois jours de coma. Suite � une bonne quinzaine d�op�rations chirurgicales et d�innombrables contr�les et de bilans, les m�decins �taient unanimes. Avec une mine grave et compatissante, ils sont venus m�annoncer que je ne marcherai plus jamais. Le ciel me tombait sur la t�te. Je tentais de me consoler en me disant que ce n��tait qu�un cauchemar et que j�allais enfin me r�veiller, mais h�las, l�accident avait bel et bien eu lieu, et j��tais r�ellement mal en point. La v�rit� �tait tout autre. Au d�but, lorsque j�ai pris conscience que c��tait irr�versible, j�ai voulu mettre fin � mes jours. Je pleurais comme un enfant en me demandant pourquoi Dieu a-t-il �pargn� ma vie pour me r�duire � l��tat de parasite. Vivre comme un l�gume, au crochet des autres, quelle humiliation ! Mes parents, mes fr�res et s�urs �taient effondr�s. Ils m�ont n�anmoins entour� de leur ind�fectible soutien. Je m�en suis voulu d�impliquer ma famille dans ce drame. Ma m�re a d� renoncer � son travail d�enseignante pour s�occuper exclusivement de moi. En ce qui me concerne, je n�ai jamais pu reprendre mon emploi de professeur d��ducation physique. C�t� affectif, tout s�est vite d�grad� avec ma fianc�e. Au d�but, elle s��tait montr�e compatissante mais au bout de quelques mois, elle m�a quitt�, m�annon�ant que nous ne pouvions envisager un avenir ensemble. Il faut dire qu�en cette p�riode, en plus de mon handicap, j��tais invivable � cause de ma nouvelle situation. Franchement, je la comprends parfaitement et je respecte sa d�cision. � Et de poursuivre : �En soci�t�, la vie d�un handicap� est trop compliqu�e. Rien n�a �t� pens� pour faciliter le d�placement de cette frange de la population. Les discours hypocrites des pouvoirs publics ressortent invariablement le 3 d�cembre, Journ�e internationale des handicap�s. Mais le quotidien est amer. Ch�mage, pension minable� Las de devoir transporter mon fauteuil sur quatre �tages, mes parents ont d� �changer notre bel appartement pour un autre au rez-de-chauss�e. Maigre consolation. Sur le plan relationnel, ma paralysie a fait le vide autour de moi. Moi qui comptais des dizaines d�amis et copains, je me suis retrouv� compl�tement esseul� au fil des mois, si ce n�est quelques rares visites amicales. Mes copains avec lesquels je faisais des footings, de la p�che sous-marine et des vir�es au Sud ne veulent plus s�encombrer d�un handicap� ! N��taient le soutien de ma famille et ma foi en Dieu, je crois bien que je me serais suicid� !� conclut-il, le regard charg� d�amertume. Mounir, 27 ans, s�est retrouv� au mauvais endroit, au mauvais moment La b�tise humaine, �a tue ! Perte de contr�le du v�hicule, d�passements dangereux, exc�s de vitesse, d�faillance m�canique, d�faut de signalisation� les facteurs accidentog�nes sont nombreux, mais le coupable supr�me d�un accident de la circulation est toujours l��l�ment humain. Un panneau ind�ment install�, des freins qui l�chent ou un trou au milieu de la chauss�e, cela rel�ve �galement des n�gligences de l�homme. L��l�ment humain est de mani�re directe ou indirecte au centre de toutes ces h�catombes routi�res. Que toutes les victimes des accidents aient une part de responsabilit� ou pas, il y a quand m�me la main de l�homme derri�re chaque carnage. Mounir �tait un mordu de moto. Il roulait tranquillement lorsqu�un v�hicule l�ger effectuant un d�passement dangereux l�a pr�cipit� dans un ravin. �Cette image hantera mon esprit jusqu�� la mort. Je me r�veille souvent la nuit en sueur, en revivant la sc�ne o� je bascule dans le vide. Pendant deux ans, j�ai subi des s�ances de r��ducation et plusieurs op�rations. Les m�decins m�ont dit que j�ai eu beaucoup de chance. Aujourd�hui, j�ai retrouv� l�usage de mes jambes mais je boite. J�ai d�affreuses cicatrices sur divers endroits de mon corps. Mes jambes, mon dos et mon cou.� Mounir avoue aussi avoir parfois d�insupportables douleurs musculaires. �Mais devant l�ampleur de l�accident, je me dis que j�ai eu beaucoup de chance !� admet-il. �Je pr�f�re encore claudiquer que de me retrouver sur chaise roulante !� En ville, sur l�autoroute ou en rase campagne, le danger nous guette partout. Le �terrorisme routier� recrute ses proies, sans distinction d��ge ni de couleur. Il se nourrit de la folie des hommes. M�me les pi�tons ne sont pas � l�abri de chauffards gris�s par la vitesse de leur bolide. Nac�ra, jeune lyc�enne de 17 ans, en a fait les frais �Je m�appr�tais � traverser la route, lorsqu�un conducteur roulant � tombeau ouvert m�a violemment percut�e avec son immense 4x4. Je suis tomb�e dans les paumes. J�avais du sang partout, cinq dents cass�es et l�arcade sourcili�re �clat�e. R�sultat des courses : des semaines de l�thargie totale, de longs mois d�hospitalisation, une ann�e scolaire foutue et des migraines insupportables que je n�avais pas avant mon accident !� nous r�v�le cette rescap�e d�outre-tombe. D�cid�ment, � l�allure o� vont les choses, l�on devrait instaurer le �permis de bien se conduire� avant le traditionnel permis de conduire. Car, force est de reconna�tre qu�on est confront� un �vident probl�me d�incivilit� routi�re. Et � d�faut de s�vir s�v�rement par de lourdes sanctions, nos routes ressembleront encore et toujours � de cruels champs de batailles, livrant leurs lots de victimes. Apparemment, le handicap, avant qu�il ne devienne physique, il est d�abord mental. Une b�tise humaine� souvent fatale !