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L'ENTRETIEN DE LA SEMAINE Mme CHERIFA KHEDDAR, PR�SIDENTE DE L�ASSOCIATION DJAZA�ROUNA ET PORTE-PAROLE DE L�OBSERVATOIRE DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES (OVF), AU SOIRMAGAZINE
�Les mosqu�es sont des tribunes pour le lynchage des fem
Mme Cherifa Kheddar est pr�sidente de l�association Djaza�rouna et porte-parole de l�Observatoire des violences faites aux femmes (OVF). Connue pour son franc-parler et son militantisme de longue date, elle nous a fait part dans cet entretien des actions que compte mener la toute fra�che structure qu�elle repr�sente non sans revenir sur les causes qui ont concouru � sa cr�ation, � savoir les violences dont ont fait l'objet des femmes d�sarm�es et vuln�rables de Hassi-Messaoud. Le Soir d�Alg�rie : Parlez-nous de l�Observatoire des violences faites aux femmes que vous avez cr�� avec un groupe de f�ministes ? Cherifa Kheddar : C�est une instance qui a �t� initi�e par une quarantaine d�associations f�ministes, et ce, suite � une �ni�me agression contre les femmes de Hassi-Messaoud en 2010. La m�me ville a connu des incidents semblables en 2001. Nous nous sommes mobilis�es � cette �poque pour interpeller l�opinion publique et les autorit�s concern�es sur ces d�rapages qui sont pass�s sous silence. Cependant, cette agression nous a fait prendre conscience qu�il n�existe aucune prise en charge des femmes victimes de violences. Le bilan est lourd : trente-six femmes ont �t� pass�es � tabac, viol�es ou enterr�es vivantes dans le quartier d�El-Ha�cha par une centaine de jeunes apr�s le pr�che incendiaire d�un imam. Le proc�s a tra�n� en longueur et seulement deux agresseurs ont �t� condamn�s et les autres rel�ch�s. C�est dire la d�ception de ces femmes qui n�ont pas eu justice. Il y a deux ans, d�autres femmes ont �t� agress�es par des jeunes et c�est toujours sur incitation d�un imam. Elles ont �t� attaqu�es durant la nuit chez elles. Elles ont beau appeler les services de s�curit� pour qu�ils interviennent mais c��tait peine perdue. Elles ont �t� battues, viol�es, trait�es de prostitu�es et d�lest�es de leurs biens. Mais une question s'est pos�e par la suite : doit-on r�pondre, chaque fois, � des situations d'urgence ? On a r�fl�chi et on a d�cid� de mettre en place une strat�gie afin de travailler sur la pr�vention, la veille et l'alerte sur les violences faites aux femmes. Vers la fin 2010, beaucoup de repr�sentants d'associations, d�j� membres du collectif de solidarit�, voulaient lancer un autre organisme qui sera appel� plus tard Observatoire des violences faites aux femmes. Nous nous sommes donc mobilis�es pour dire basta ! Nous avons entrepris des actions. Nous avons pr�par� des �crits que nous avons adress�s � toutes les institutions, y compris au pr�sident de la R�publique et au ministre du Travail, puisque ce sont des travailleuses qui ont �t� maltrait�es. On disait d�elles qu�elles occupaient des postes qui revenaient de droit aux ch�meurs de la ville comme si elles n��taient pas des citoyennes alg�riennes. Nos �crits sont rest�s lettre morte et nous avons d� organiser une conf�rence de presse pour alerter l�opinion publique car des parties occultes essayaient d��touffer l�affaire, notamment quand des soi-disant associations de femmes de Hassi- Messaoud envoyaient des communiqu�s � la presse, sign�s par un homme, pour dire qu�il n�y a pas eu d�agression et que ces femmes �taient des prostitu�es, pour jeter l�opprobre et le discr�dit sur les victimes. Mais la question que nous avons pos�e est comment sait-on que ce sont des prostitu�es si on mart�le qu�il n�y a pas eu d�agression ? C�est un non-sens et le mensonge est tr�s mal tiss� et puis, a-t-on le droit d�attaquer des femmes juste parce qu�on consid�re qu�elles sont des prostitu�es en les violant et les pillant ? Cela ne r�pond � aucune logique. On veut semer la confusion pour justifier la violence contre des femmes vuln�rables que des conditions �conomiques mis�rables ont men�es loin de chez elles. Il fait signaler que l�Alg�rie a ratifi� la Convention internationale contre toute forme de violence faite aux femmes et elle n�a pas �mis des r�serves contre l�article qui traite de l�abolition de la prostitution qui stipule clairement qu�on doit prot�ger les femmes contre leur exploitation physique et morale par les prox�n�tes et les clients. Ce n�est certainement pas en encourageant les jeunes � commettre l�irr�parable en vouant aux g�monies des femmes juste parce qu�elles sont des cibles faciles. Vous dites que c�est un imam qui a pouss� ces jeunes � commettre cette agression, a-t-il �t� sanctionn� pour incitation � la violence ? Y a-t-il eu une r�action de la part du minist�re des Affaires religieuses � son encontre ? L�imam a dit dans son pr�che que la ville de Hassi-Messaoud est pollu�e par les prostitu�es en d�signant ces femmes comme cible � abattre et leur signifier qu�il fallait faire le nettoyage. L�imam en question n�a pas �t� inqui�t�. Il a m�me �t� soutenu par sa tutelle. La violence contre les femmes est le dernier souci du ministre des Affaires religieuses. Le constat en est que les mosqu�es sont devenues des tribunes pour le lynchage des femmes qu�on accuse de tous les maux. C�est une constante que d�entendre des imams critiquer l�habit des femmes, leurs cheveux s�ils ne sont pas couverts, leur fa�on de marcher. Tout ce qui a trait aux femmes est s�v�rement attaqu�. Cette id�ologie misogyne est pr�sente dans les mosqu�es et c�est comme cela qu�on attire les adeptes car ces imams sont incapables de trouver des solutions aux vrais probl�mes alors on cr�e une �chappatoire. On d�verse la haine sur les femmes en les accusant d��tre � l�origine de tous les maux. Quand on analyse l�agression contre les femmes de Hassi-Messaoud, on voit clairement que le fond du probl�me est �conomique. Les victimes ont �t� accus�es de piquer le boulot des jeunes ch�meurs. Comme on n�ose pas s�attaquer � ceux qui sont en charge de la planification et de la cr�ation de l�emploi alors on n�a pas �t� tr�s loin pour trouver un souffre-douleur et le coupable id�al pour servir de d�fouloir � la rage des ch�meurs de la ville. Vous avez dit que deux agresseurs sur les trente-six ont �t� condamn�s dans l�affaire des femmes agress�es de Hassi-Messaoud, y a-t-il eu trafic d�influence ? La majorit� des agresseurs sont des fils de notables de la r�gion de Hassi-Messaoud. Quand vous mettez sur la balance des fils de notables et des femmes d�munies, vous devinez de quel c�t� celle-ci va pencher. Le choix est vite fait. Les victimes ont subi des pressions et des intimidations. Certaines ont retir� leur plainte, d�autres ont quitt� les lieux avec le sentiment amer d�avoir �t� abus�es et maltrait�es, et d�avoir subi la hogra. Elles en garderont des traumatismes toute leur vie. Cela semble plus facile de trouver un bouc �missaire en la femme que de s�attaquer aux vrais probl�mes. O� est donc l�Etat dans tout cela ? La femme est devenue une cible facile parce que l�Etat le permet et le cautionne. L�imam est un commis de l�Etat et la mosqu�e est une institution de l�Etat. Le pr�che religieux est un discours politique qui exprime la volont� de l�Etat sans oublier le code de la famille et la l�gislation faite de fa�on � maintenir la femme dans cette situation. Les violences contre les femmes sont des violences institutionnalis�es. Tout est fait de fa�on � ce que les femmes servent de d�fouloir � ceux qui veulent ext�rioriser leur malaise. Que ce soit pour des raisons �conomiques, sociales, politiques ou religieuses. On est dans le d�ni de la femme en tant que personne et citoyenne � part enti�re. Pour notre part, nous avons, d�but 2011, commenc� � r�fl�chir � une charte de principes qui reprendrait tous les droits fondamentaux consacr�s par les trait�s et textes internationaux, tels que la D�claration internationale des droits de l'homme, la Convention internationale contre toute forme de discriminations faites aux femmes, la plate-forme d'actions de P�kin, etc. Le 17 f�vrier dernier, la charte a �t� finalis�e et adopt�e par les membres du futur observatoire. Nous comptons interpeller le prochain Parlement pour qu�elle fasse l�objet d�une proposition de loi. L'observatoire s'occupera de la formation et de la r�flexion pour trouver les moyens d�amener les autorit�s � adopter un dispositif sp�cial en faveur des femmes victimes de violences. Il interpellera les autorit�s quand un probl�me se posera. Ses membres vont travailler avec tous les acteurs de la soci�t� civile, confront�s directement � des femmes victimes de violences. Il y a les m�decins l�gistes, par exemple, qui interrogent souvent les femmes sur les raisons de l'agression, essayant, en quelque sorte, de trouver une justification � cette agression. Il y a �galement les services de s�curit� qui refusent parfois d'enregistrer la plainte d'une femme contre son mari, son p�re ou son fr�re. N�y a-t-il pas de lois qui prot�gent les femmes ? Il n�existe aucune loi qui prot�ge les femmes contre les violences. Dans le code p�nal, on a introduit un article relatif au harc�lement en milieu professionnel mais sans sp�cifier des circonstances aggravantes pour celui qui agresse une femme. On s�est arrang� pour faire passer une disposition pernicieuse pour que l�accus� puisse d�poser une plainte pour diffamation quand il est blanchi par la justice. C�est ainsi que beaucoup de femmes ont subi des humiliations sans que justice leur soit rendue. Au niveau de l�observatoire, nous revendiquons un m�canisme sp�cifique aux violences faites aux femmes qui soit dot� d�un arsenal juridique en ad�quation avec les conventions internationales ratifi�es par l�Alg�rie � cet effet. Nous �uvrons �galement pour que notre pays approuve le protocole facultatif ainsi que le protocole � la Charte des droits de l�homme et des peuples africains. Vous savez, en Alg�rie, le seul droit qu�on accorde aux femmes, c�est celui du vote quand on a besoin de leurs voix. Nous ne sommes pas dans un Etat de droit mais dans une Alg�rie � deux vitesses. Vous n�avez qu�� voir toutes ces mesures dites sociales dont les femmes ne b�n�ficient que de miettes. Quand on parle du logement social, on est cens� l�accorder aux couches vuln�rables, c�est toujours aux hommes qu�on donne les logements sociaux. Or, les femmes font partie des couches vuln�rables et pourtant dans les meilleurs des cas, elles ne b�n�ficient que de 1% � 2% de ces aides de l�Etat. Comment peut-on imaginer un Etat sexiste alors que ses missions sont tr�s claires, notamment quand il s�agit de traiter les citoyens �quitablement nonobstant leur genre ou sexe ? Tout le mal r�side dans cette �quation : les femmes figurent-elles dans la notion de citoyen ou non ? En d�pit de la Constitution qui est sans �quivoque, dans la r�alit�, les choses sont diff�rentes. Moi, je dis qu�il y a le feu et que des lois pour clarifier toutes ces notions doivent �tre �labor�es pour emp�cher que la femme ne soit une cible aux outrances et aux humiliations de quelque nature que ce soit. Nous avons besoin de lois qui prot�gent les femmes et leur application doit �tre d�une grande c�l�rit�. Apr�s tout, la s�curit� et l�int�grit� des personnes est la mission premi�re de l�Etat qui doit l�accomplir avec la s�v�rit� et la rigueur n�cessaires.