En marge du Festival national de la musique diwan, des conférences débats sur la sémiologie du corps ont eu lieu à la maison de la culture de Béchar. La première, intitulée « Notre corps parle à travers la danse, hypothèse d'une sexualité symboliquement exprimée », a été animée, hier, par Moni Djekrif, enseignante au département de psychologie à l'université de Constantine. L'intervention de la spécialiste a reposé sur une analyse d'une danse-transe : le tehoual qui est un élément fondamental d'une thérapie traditionnelle féminine à Constantine appelée aussi la nechra. Cette danse s'exécute au sein du sanctuaire des Ouasfane, Dar Diwan. En quoi consiste le tehoual ? C'est une pratique ancestrale à Constantine qui consiste à soumettre le corps à une rude épreuve physique. Le corps est fortement secoué sous la cadence de musique et de chants, et ce, jusqu'à l'aboutissement à la transe ou à une pseudo transe, souligne la chercheuse. Moni Djekrif s'est ensuite interrogée sur la fonction, ainsi que sur le sens profond du tehoual lors de cette danse cure, et les rapports qu'entretiendrait le corps dansant avec la nechra. Si le corps adopte la danse comme mode d'expression détourné ou symbolique, qu'exprimerait-il alors ? Elle tentera d'expliquer le dispositif du rituel de la nechra afin de comprendre et de décoder en même temps le non-dit de cette forme d'expression. L'origine de l'hypothèse de la sexualité symboliquement exprimée à travers le tehoual s'est développée lors d'un travail ethnographique sur le rituel de la nechra, indique l'enseignante. La deuxième communication a été animée par Benyakoub Azeddine de l'université de Béchar intitulée « La dimension érotique de la danse de diwan ». Le conférencier a d'abord mis en exergue la fonction de l'interdit dans les rites du diwan. Il s'agit, selon lui, d'une interprétation du protocole rituel gnaoui à la lumière de l'anthropologie moderne, notamment par René Girard, auteur des concepts opératoires de la Rivalité mimétique et le mécanisme victimaire dans le sacré, pour prémunir la communauté contre l'usage de la violence. C'est la gestion de la violence par le religieux archaïque dont il est question ici, souligne-t-il. Mais la question ethnologique fondamentale a porté sur la compréhension de la fonction de l'interdit. Or, celui-ci a pour fonction essentielle, indique l'universitaire, d'écarter la rivalité mimétique qui menace la cohésion de la communauté et sa pérennité. Au cours des débats, des intervenants se sont interrogés sur l'usage de la violence. Celle-ci s'exprime durant la transe dans le cadre ritualisé dans l'univers du sacré et obéissant à des règles, a-t-il rétorqué.