Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, a pr�sid�, hier, la session ordinaire du Conseil sup�rieur de la magistrature. Mohamed Charfi, dont c�est la premi�re sortie publique, a dress� un constat accablant de l�avanc�e de la corruption dans la soci�t� et au sein m�me du corps de la magistrature. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - V�rit�s, engagement et �motion. Ce sont l� les ma�tres-mots du discours prononc� par le ministre de la Justice devant les membres du Conseil sup�rieur de la magistrature, r�unis, hier, au si�ge de la Cour supr�me. Neuf ans, presque jour pour jour, apr�s avoir quitt� pr�cipitamment le gouvernement, Mohamed Charfi a dress� un v�ritable r�quisitoire contre la corruption. �Les atteintes au plein exercice de la citoyennet� peuvent avoir des causes variables et rev�tir des formes multiples. Mais, aujourd�hui, il appara�t clairement que la cause premi�re en est cette corruption m�tastasique qui risque de gangrener le tissu social, de d�naturer l�effort d��dification de l�Etat de droit, de pervertir le fonctionnement de l��conomie nationale, de ronger les liens des citoyens avec les repr�sentants de l�Etat et pourrait m�me, s�il n�y est pas mis un frein, menacer les relations entre eux et mettre, ainsi, en p�ril la paix sociale�, a d�clar�, sur un ton solennel, le ministre de la Justice, qui a tenu � ce que la presse assiste � cette c�r�monie d�ouverture. Charfi se veut n�anmoins optimiste. �Ce sombre tableau ne doit pas nous occulter le fait que si les corrompus et les corrupteurs se rencontrent partout, ne laissant aucun service public immun de ce fl�au, il existe, heureusement, en face d�eux une grande partie des cadres de l�Etat, de tous les corps, dont l�attachement aux nobles valeurs de probit� autorise de croire que la lutte implacable qui doit �tre men�e contre la corruption aboutira, in�luctablement, � r�duire ce fl�au. Parmi ces cadres dont peut s�honorer l�Etat, ces milliers de magistrats, de personnels des greffes et des �tablissements p�nitentiaires, dont le credo est de rendre justice dans la crainte du censeur supr�me et dans le respect strict de la loi. Ceux-l� doivent �tre encourag�s � pers�v�rer dans la voie de la noblesse et de l�honneur�, a-t-il indiqu� pour rendre hommage aux fonctionnaires de son secteur. Mais Charfi reconna�t que des corrupteurs � qu�il d�signe par �les autres� � sont devenus tr�s actifs au sein de la justice alg�rienne. �Les autres doivent comprendre qu�ils ne peuvent continuer � d�fier la loi et la morale. Il est toujours temps de se ressaisir, car la lutte contre la corruption n�a de pertinence que si la justice est la premi�re � �tre immunis�e contre ce fl�au.� Les mots tonnent dans la salle de conf�rences de la Cour supr�me. Le ministre poursuit son discours en insistant sur la n�cessit� de prot�ger �les cadres honn�tes engag�s dans la lutte contre la corruption, contre les pressions multiformes qui peuvent les viser dans le but d�affaiblir leur volont�. En faisant r�f�rence au principe de �protection�, Charfi rel�ve en fait un des points faibles de la loi anticorruption entr�e en vigueur en 2006. Un constat qui laisse pr�sager une r�vision de ce texte l�gislatif. Le successeur de Tayeb Bela�z s�engage � mener un �combat pour la moralisation de l�Etat�. Dans la �s�r�nit�. �Bien s�r, il n�y aura pas de chasse aux sorci�res car la justice doit toujours �tre rendue dans la s�r�nit�, mais il y a un engagement des plus hautes autorit�s � mener ce combat pour la moralisation de l�Etat. La justice a pour r�le constitutionnel d�y apporter sa part et qui est, d�ailleurs, la plus fondamentale. � Apr�s avoir prononc� ces derniers mots et cit� un court verset du Coran, Mohamed Charfi, pris par l��motion, baisse les yeux. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux ne peut retenir ses larmes. Les journalistes quittent la salle de conf�rences. Le Conseil sup�rieur de la magistrature peut enfin tenir sa session ordinaire� la premi�re depuis quatorze mois.