Le gouvernement se penche actuellement sur les moyens législatifs de la répression de ses auteurs. Une commission intersectorielle d'experts chargée de se pencher sur le blanchiment d'argent sera installée la semaine prochaine. C'est le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mohamed Charfi qui en a fait l'annonce hier, lors d'une conférence-débat autour de la problématique de la réforme de la justice au centre de presse d'El Moudjahid. La mise sur pied de cette structure vient en réaction à l'ampleur sans cesse grandissante du phénomène de blanchiment d'argent, a expliqué M. Charfi. A telle enseigne que le gouvernement se penche actuellement sur les mécanismes juridiques de réglementation de ce phénomène ainsi que sur les moyens législatifs de la répression de ses auteurs. La réflexion du gouvernement aboutira à l'élaboration d'un avant-projet de loi qui sera soumis à la prochaine session de printemps du Parlement. Si une telle initiative, au demeurant louable, compte tenu de son importance et de la nature du phénomène qu'elle escompte combattre, pose par contre un problème de timing, pourquoi son installation intervient-elle maintenant ? L'actuel ministre de la Justice réputé être un fidèle parmi les fidèles du président Bouteflika, ne prépare-t-il pas le terrain à ce dernier à l'approche de la campagne pour la présidentielle 2004 ? Toute la question est là. Parallèlement au blanchiment d'argent, le département de M. Charfi s'intéresse à la corruption chez les magistrats. Sur cette question, le ministre de la Justice a annoncé le recensement prochain du “patrimoine des magistrats”. Une comparaison sera par ailleurs établie entre ce patrimoine et le salaire que touchent les membres de cette corporation, a expliqué l'intervenant. Cette initiative, qui devrait être chapeautée par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) présidé par le chef de l'Etat lui-même, devrait être menée de pair avec la nécessaire amélioration des conditions socioéconomiques des magistrats, a martelé le conférencier. Dans ce même contexte, M. Charfi a dénoncé les lenteurs dans la mise en œuvre des décisions de justice et le refus de leur application par les juges. Pour illustrer l'ampleur de ce phénomène, il a donné l'exemple de 6 000 travailleurs licenciés dont la décision de réintégration dans leur lieu de travail avait été prononcée par la justice, mais demeure, à ce jour, inappliquée. Le gouvernement exigera l'application des décisions de justice, dès juin prochain, affirmera M. Charfi. “Il est attendu des mécanismes normatifs, organiques et fonctionnels qui seront mis en place, de redonner aux décisions de justice l'autorité morale et sociale qui doit être la leur et qui constitue le substrat même de la fonction de juger”, a affirmé, M. Charfi dans sa déclaration liminaire. Interrogé sur l'affaire du groupe El Khalifa, le ministre, qui a refusé tout commentaire sur cette question, a recommandé aux journalistes de laisser l'instruction judiciaire suivre son cours. S'exprimant par ailleurs sur la réforme de la justice, l'intervenant a annoncé un plan d'urgence dans ce secteur. Ce plan, dont la finalité est l'accélération de la réforme et sa concrétisation, s'articule autour de huit chapitres : “Parachèvement de l'exécution du programme d'urgence ; renforcement de l'indépendance du juge ; élaboration d'un programme législatif ; adaptation du système judiciaire pour mieux répondre aux besoins des citoyens, à travers la réorganisation judiciaire spatiale et qualitative ; adaptation des structures et moyens matériels et techniques pour une justice plus performante ; élaboration d'une loi de programmation judiciaire ; amélioration du management des différents corps et professions concourant au fonctionnement de la justice ; mise en œuvre de la réforme pénitentiaire”. Dans ce cadre, le garde des Sceaux a annoncé l'élaboration prochaine du nouveau statut de la magistrature et du CSM. Mais il a omis de signaler que l'élaboration de ces deux textes de lois est tributaire de leur programmation en Conseil des ministres dont ne peut décider que le chef de l'Etat. N. M.