Le moudjahid Belabbas Lakhdar est de ceux qui n�aiment pas parler de leur pass� r�volutionnaire, pourtant jalonn� de hauts faits d�armes qui font la fiert� de la famille et de tous les compatriotes, ni de sa vie dans le maquis qu�il a rejoint tr�s jeune, en 1956, alors qu�il avait 22 ans, estimant qu�il n�avait fait que son devoir de quelqu�un qui aime profond�ment sa patrie. Tr�s marqu� par les cinq ann�es pass�es dans l�arm�e des fronti�res et les tribulations subies durant le franchissement de la terrible ligne Morice o� il a �t� t�moin de la mort de ses compagnons d�chiquet�s par les mines antipersonnel, il a transform� une partie de son habitation situ�e au village Ahrik, � 4 km du chef-lieu de Bouzegu�ne, en mus�e d�histoire o� figure en bonne place une r�plique de l�effarante ligne �lectrifi�e �rig�e par les services du g�nie militaire de l�arm�e coloniale le long de la fronti�re alg�ro-tunisienne pour emp�cher l�approvisionnement en armes et munitions les moudjahidine dans les maquis de l�int�rieur et les couper de leurs fr�res de combat. Surprise. Devant notre curiosit�, ce moudjahid timide et placide sort soudain de sa r�serve pour dire sa douleur et �voquer ses souvenirs qui lui reviennent en cascade d�s qu�on s�est int�ress� � son mus�e d�histoire. Un r�le pourtant d�volu � la soci�t� et aux institutions de l�Etat auxquelles revient le devoir de veiller � la conservation de la m�moire et de la valorisation de la culture aux doubles plans p�dagogique et social. La vue de la maquette de la ligne Morice mont�e par notre mus�ologue de circonstance donne froid au dos. Elle illustre toute cette soif de la mort que les strat�ges militaires de l�arm�e coloniale vouaient aux combattants de l�ALN et toute l�horreur qui s�abattait sur tous ceux qui osaient la franchir avec courage et d�termination. Plus qu�un devoir de m�moire, Hadj Lakhdar qui a mis tout son talent pour exprimer son d�pit, c�est la b�tise humaine qu�il condamne en �rigeant une r�plique de ce sanctuaire de la mort o� des millions de mines attendent encore pour faire d�innocentes victimes apr�s avoir ravi aux leurs de jeunes maquisards qui avaient plac� la libert� de leur patrie au-dessus de tout autre consid�ration. Sur la premi�re bretelle, on d�couvre un tunnel creus� sous les barbel�s et les mines pour permettre aux moudjahidine de franchir une �tape de la ligne. Non loin, des portraits de moudjahidine tu�s par les d�flagrations, ainsi que tout l�arsenal utilis� pour couper les fils barbel�s. Sur l�autre partie de la maquette, on distingue les chars de combat sillonnant la route carrossable, les avions de reconnaissance, les parachutistes lourdement �quip�s et les postes de contr�le mont�s en blockhaus pour d�tecter toute tentative de franchissement. Le moudjahid, qui a beaucoup combattu dans les r�gions de A�n Kerma, Bouhdjer, Mina et Bab El Bahr �voque aussi avec beaucoup de fiert� comment les combattants de l�ALN pilonnaient au mortier 70 mm les positions de l�arm�e coloniale � partir des bases arri�re du FLN, avec quel courage ils se frayaient de nuit des passages en recourant au sabotage de la ligne au moyen de cylindres m�talliques bourr�s de TNT. Par fragments, la m�moire rappelle des souvenirs douloureux et les cauchemars de cet octog�naire aux yeux p�tillants de vie. Des drames v�cus lors des d�flagrations, il en porte encore les s�quelles. Il se souvient avec beaucoup de d�tails des consignes auxquelles devait absolument ob�ir les combattants surpris par les explosions. Des d�tails qui donnent la chair de poule et qui en disent long sur le sacrifice des moudjahidine. En aucun cas ils ne devaient c�der � l�affolement et � la panique, mais s�agenouiller et riposter dans cette position aux tirs de l�ennemi, dit d�une voix autoritaire ce moudjahid comme pour r�percuter aujourd�hui encore l�ordre de ses chefs aguerris � ce genre de danger. Il �voque aussi avec moult soupirs la diabolique tactique de l�ennemi pour essayer d��liminer les groupes ayant r�ussi � traverser le sinistre barrage sur la bande frontali�re en recourant au bouclage par le dispositif statique mis en place par les unit�s d�infanterie et les unit�s mixtes compos�es de blind�s et de halftracks plac�s le long de la ligne de bouclage. Si Lakhdar a transform� une partie de son habitation situ�e au village Ahrik, � 4 km du chef-lieu de Bouzegu�ne, en mus�e d�histoire o� figure en bonne place une r�plique de l�effarante ligne �lectrifi�e �rig�e par les services du g�nie militaire de l�arm�e coloniale le long de la fronti�re alg�ro-tunisienne. C��tait, se souvient-il, le pot de terre contre le pot de fer, mais il arrivait que la terre �rode le fer, sourit notre interlocuteur encore heureux de raconter la bravoure de ses compagnons dont il �gr�ne les noms comme une m�canique bien huil�e. Hadj lakhdar �tait parti un certain �t� 1957 avec une compagnie form�e d�une centaine d�hommes conduite par Hidouche, neveu du colonel Yazouren Mohand (Vrirouche). La procession dont la moiti� seulement �tait arm�e car il fallait revenir avec deux armes et des munitions s�est �branl�e de la zaou�a de Sidi M�hand Oudriss tout pr�s de Sidi Abderrahmane El-Illouli, lieu mythique de l�histoire, de la r�volution et de la d�votion. Le trajet a dur� 45 jours et la travers�e par Ghardimaou s�est sold�e par la mort du chahid Ali Cherif Belkacem et la grave blessure de Rachedi Mohand Ouamar dont la jambe a �t� d�chiquet�e par l�explosion d�une mine antipersonnel C��taient toutes ces images de d�solation qui ont inspir� � Hadj Lakhdar l�id�e de r�aliser un mus�e original par son essence patriotique. L�ouvrage a co�t� � son initiateur beaucoup de sacrifices. Mais ce n��tait rien devant la d�termination de cet authentique moudjahid qui a v�cu la guerre dans toute son horreur. Une r�volution men�e � bon port gr�ce au courage du peuple alg�rien qui a �t� aux c�t�s de l�ALN, souligne-t-il avec �motion. �Le peuple �tait le grenier, les yeux et les oreilles de la R�volution�, martelait-il tout au long de sa plaidoirie pour la r�volution. Ce rescap� de plusieurs accrochages et embuscades tendues par l�ennemi a �t� t�moin de celle de Tana�mt tendue par l�ALN � un convoi du 27e BCA. En souvenir de cette op�ration unique dans les annales de la guerre par sa strat�gie et le g�nie de ses concepteurs, le moudjahid a r�cup�r� une quille sur un soldat du contingent tu� lors de l�attaque d�crite avec d�tail. Il la montre mais ne l�exhibe jamais comme un troph�e. Sans doute a-t-il une pens�e pour ce jeune soldat du contingent qui attendait impatiemment sa d�mobilisation pour rejoindre sa famille en France ? Mais lui au moins �tait arm� et savait � quoi s�en tenir en faisant la guerre m�me malgr� lui. Qu�en �tait-il de tous ces civils innocents, des femmes et des enfants sans d�fense ex�cut�s sommairement sans avoir aucun moyen de d�fense ? lisait-on dans ses yeux. Plus loin, une balle est accroch�e � un fil surplombant la maquette. Elle a �t� extraite du cr�ne d�un soldat inconnu tomb� dans une m�morable op�ration sur les monts d�Ath- Zikki. C��tait lors de la r�inhumation d�une douzaine de combattants victimes de bombardements � Aderdar sur un terrain nu. Aujourd�hui, le moudjahid Belabbas Lakhdar m�ne une vie tranquille parmi les siens dans son village natal qu�il aime par-dessus tout. Fier de son �uvre qu�il expose � chaque �v�nement historique, il a sollicit� un artiste des beaux-arts pour recomposer certaines parties de la maquette qui reste perfectible en d�pit de l�authenticit� et du s�rieux ayant pr�valu dans son travail. Plein d�imagination, il songe � son expansion et � son implantation dans un site strat�gique du village. D�une grande sagesse, il est souvent sollicit� pour interc�der au r�glement de conflits, mission qu�il accomplit avec bonheur tant ses conseils sont recherch�s et �cout�s par tous. Pour cet homme qui fait du respect de la personne humaine son credo, rien ne vaut la paix. Raison pour laquelle il a fait la guerre. Plut�t fait la guerre � la guerre. Le verbe toujours bas, il n�a jamais interrompu ses interlocuteurs, faisant de l��coute et du partage des alli�s id�aux sur lesquels il a toujours compt� pour garder ses amis. Raison pour laquelle on ne lui conna�t aucun ennemi.