L'�uvre magistralement interpr�t�e par El Hachemi Guerouabi ne cesse de susciter des commentaires �logieux et dithyrambiques, � juste titre au demeurant, sur la toile. Rarement, un texte aura fait couler autant d'encre concernant sa paternit�. Comme c'est souvent le cas pour les textes anciens notamment du �melhoun�, puis�s des terroirs du Maghreb, les auteurs sont difficiles � identifier en raison principalement du mode de transmission oral, qui a la particularit� de conf�rer une pr�pond�rance au texte au d�triment de son auteur. Cette forme de communication ancestrale, outre les dangers d'une modification, voire d'une alt�ration du texte originel, risque de voir le souvenir de l'auteur s'estomper petit � petit pour s'effacer � jamais de la m�moire collective. Comme la nature a horreur du vide, certains tenteront de s'approprier ind�ment une propri�t� intellectuelle tomb�e de facto dans le domaine public. En ce qui concerne le texte, structur� pour une narration publique, rendu c�l�bre par la gr�ce de la sublime interpr�tation de Guerrouabi et d'un support musical appropri� (la touche de Skandrani est patente), ce n'est pas tant l'auteur (qui n'int�resse apparemment pas grand monde) qui a donn� lieu � ces d�bats, mais bizarrement la nationalit� de son auteur. Ainsi, l'auteur �tant inconnu du grand public, il a �t� d�cid� (vox populi vox dei) de nationaliser le texte en d�cr�tant d'une mani�re p�remptoire qu'il narrait les exploits des corsaires alg�riens lors de la bataille de Malte. Or, une probit� intellectuelle minimaliste nous contraint � restituer sa v�rit� � l'histoire, � savoir que ce texte fait l'apologie des corsaires de Sale (Maroc) et pas des corsaires d'Alger, m�me si notre orgueil national doit en souffrir. Pour la bonne compr�hension, il est utile de rappeler le contexte. Les pirates de Bouregreg Au XVIIe si�cle, suite aux �dits d'expulsion promulgu�s en 1609/1610 (janvier), par le roi Philippe III d'Espagne, une vague de nouveaux saletins (plus de 30 000 andalous et 10 000 hornacheros), s'installa � Sale-le-Neuf (RABAT actuellement) et sur l'autre rive de l'oued Bouregreg (d'o� l'appellation des pirates de Bouregreg). Mus par un d�sir de vengeance � l'encontre des Espagnols, ils s'alli�rent aux pirates �trangers (hollandais, portugais, anglais, mais aussi tunisiens et alg�riens) qui partageaient les m�mes objectifs*. Parmi ces pirates, qui deviendront pour certains des corsaires d�s lors qu'ils activaient pour le compte (du moins en partie) de leurs autorit�s, un certain Mourad Ra�s, qui deviendra le 1er gouverneur de la R�publique (�ph�m�re) de Sale fond�e en 1627. (Mourad Ra�s le jeune, Jan Janssen ou Janszon, hollandais, captur� en 1618, aux �les Canaries a �t� envoy� comme captif � Alger o� il se convertit � l'islam. Le puits qui prit son nom musulman de Mourad Ra�s serait (?) son don, � l'occasion de sa conversion, comme la coutume l'exige des ren�gats. Mais lass�, il revient � Alger en 1627. Captur� en 1638, par les chevaliers de Malte, il s'�chappa quelques mois plus tard. La p�riode de gloire des corsaires de Sale ne dura que 2 si�cles (17e et 18e si�cles), elle prit fin lorsque le sultan Mohammed III signa des trait�s de paix avec les puissances europ�ennes. C'est ainsi que Sale tomba dans l'oubli. Alger, qui commen�a la course avant le XVe si�cle, perdura dans cette activit�. Cependant, � partir de la fin du XVIIIe si�cle et d�but du XIXe si�cle, cette activit� s'�tiolait et devenait de moins en moins lucrative pour les corsaires, eu �gard aux trait�s de paix conclus avec les puissances de l'�poque, comme le fit Sale un si�cle plus t�t et l'affaiblissement progressif, voire la d�cadence de l'Empire ottoman. La conjonction de l'ensemble de ces �v�nements permit aux Espagnols, Fran�ais et autres puissances europ�ennes d'instaurer une domination sans partage de la mer M�diterran�e. Durant ces si�cles d'apog�e, la marine saletine rayonnait sur l'Atlantique pendant que les corsaires d'Alger �tendaient leur pouvoir sur la M�diterran�e, ce qui n'emp�cha pas des actions conjointes des deux marines, notamment en Islande. N. B.1 : Le texte sublimement interpr�t� par Guerrouabi a �t� l�g�rement adapt� en introduisant un istikhbar puis� du domaine public et modifiant quelques strophes. Il est clair que sans la magistrale interpr�tation de Guerrouabi associ�e � un support musical fusionnel, ce texte du melhoun serait demeur� inconnu du grand public. N. B. 2 : Les corsaires ont �galement jou� un r�le important dans la vie �conomique et sociale de la cit�. En effet, les butins contribuaient � la richesse de la cit� gr�ce aux transactions de toutes natures qui ont lieu � l'arriv�e et apr�s le retour des corsaires. Ainsi, les captifs qui augmentent l'importance de la population donc le chiffre d'affaires des commer�ants, apportent �galement une main-d'�uvre et un savoir-faire, � moindre co�t, d'une part, et les marchandises de toutes natures sont soit vendues localement soit export�es, d'autre part. Toutefois, circonscrire la course dans un but purement �conomique serait la vider de sa substance patriotique. En effet, la pratique de la course s'apparentait �galement � des actions subversives sous la forme d'une gu�rilla maritime qui avaient l'avantage de cr�er une ins�curit� pour les puissances chr�tiennes de l'�poque, leur d�montrant ainsi qu'elles n'avaient pas la mainmise maritime. N. B. 3 : Ce type de r�cit (tel celui qui fait l'apologie du corsaire) est repris dans les places publiques par des narrateurs publics. N. B. 4 : La digression relative � Mourad Ra�s nous a conduit in�vitablement � prendre un raccourci pour aboutir, trop rapidement, au puits et � la fontaine de Bir Mourad Ra�s ; cette l�g�ret� dans mon cheminement est symptomatique de l'importance accord�e � un seul r�f�rant, en l'occurrence le nom (ou surnom). Or, en 1581, selon Diego Haedo, donc ant�rieurement au Mourad Ra�s en question, on recensait � Alger pas moins de 3 Mourad Ra�s : Mourad Ra�s le grand (ren�gat albanais), Mourad Ra�s Maltrapillo (ren�gat espagnol) et Mourad Ra�s le petit (ren�gat grec). Attribuer la donation de la fontaine ou du puits � l'un ou � l'autre est hypoth�tique ; les dates suppos�es de cette r�alisation sont trop divergentes pour �tre fiables et ne concordent pas, en outre, avec l'�poque des faits. N. B. 5 : C'est ce m�me Mourad Ra�s le jeune (Hollandais) qui ira livrer batailles en Islande et � Boston (Am�rique).