Au d�but de notre internat lyc�en, les heures d'�tudes apr�s les cours prirent la place de notre temps de libert� d'autrefois quand nous sortions de l'�cole, pour jouer et nous amuser : finie la joie de la balle ronde dans les terrains vagues ou celle du jeu du gendarme et du voleur dans nos ruelles... On n'aura plus peur, chaque soir tardif, du p�re debout � l'entr�e de la maison ; mais il est remplac� par un autre ange gardien bien plus s�v�re. Notre parole n'est autoris�e � sortir de la bouche qu'� son consentement bien vaillant, le silence pour lui est de rigueur dans les couloirs au moment des rangs et � la mont�e aux dortoirs. Le seul bruit tol�rable qu'il aimait entendre c'est ce glissement de nos pas sur les marches d'escaliers. Apr�s le dernier cours de l'apr�s-midi, chacun court pour �tre parmi les premiers de la file pour un morceau de pain et un b�ton de chocolat qu'on s'empresse d'engloutir tellement notre estomac est vide. Apr�s, c'est la cour qui va prendre la rel�ve des classes pour juste un bout de temps. Au r�fectoire, on ne peut s'asseoir sur les chaises encadrant les tables garnies de couverts et de corbeilles de pain que si le �pion� nous en donne l'ordre, en tapant des deux mains. Les sept gourmands que nous sommes attendons que le chef de table nous serve les plats chauds venus de la cuisine o� s'activent plusieurs employ�s entre cuisiniers et serveurs. Durant l'hiver, gare aux coupures d'�lectricit�. Il faut s'attendre au grand chambardement qui fait la joie des plus grands ; les plats servis par Habib, l'inoubliable serveur, prendront un tout autre chemin. Ces mets atterrissent partout avec une pr�dilection pour nos t�tes. En guise de flocons de neige en train de fondre ou de guirlandes ornant notre tenue de soir�e dans une f�te. La plus grande envol�e de ces �charters� l�gers, guid�s soigneusement par nos mains, prennent toujours la m�me direction de ce pauvre surveillant qui �tait, avant l'extinction des feux, si redout� ! Ce pion deviendra pour nous internes, l'ennemi d�clar� car ses gifles laissent des traces sur nos frimousses et chacun de ces pions aura un surnom qu'on lui collera et qui ne changera pas au fil des g�n�rations fr�quentant l'�tablissement. Un bouquin continuellement sous son bras, dans sa poche ou entre ses mains comme un objet f�tiche, en �tudes, en permanences comme en temps libre, c'est son compagnon de toujours, comme une cigarette pour un fumeur. Ces �s�ries noires� nous sont interdites pendant l'internat, par contre ceux qui sont tol�r�s sont les livres de litt�rature plus... �s�rieuse� et g�n�ralement incluse dans nos cours de fran�ais. Dans les salles d'�tudes, nous disposions de nos petits casiers de bois fix�s aux murs et qui faisaient office de meubles dans ce d�cor aust�re. Pendant l'heure d'�tudes, le pion est l� � �pier de temps � autre nos petites t�tes et veut les voir baiss�es sur les livres et les cahiers. G�n�ralement, nous consacrions ces heures d'�tudes � la pr�paration des devoirs du lendemain. Durant cette observation, le pion note les noms des perturbateurs qui sont appel�s, � la fin de l'�tude, pour �tre grond�s ou carr�ment inscrits sur le registre des consignes. Pire, des punitions car elles signifiaient que l'on ne pourra pas aller, le dimanche prochain, au cin�ma de la ville o� l'on projette de superbes longs-m�trages. Ce registre prendra la direction de le Surveillance G�n�rale des internes � chaque fin d'�tudes. La fen�tre de cette surveillance donnait sur une cour ouverte sur cette immensit� verte qui s'�tendait � perte de vue : qu'elle �tait belle la Mitidja ! Notre surveillant g�n�ral Mohamed Slimani, que Dieu ait son �me, aimait parcourir la cour du lyc�e, les mains derri�re le dos, contemplant le va-et-vient des internes ainsi que la beaut� de la nature qui se laissait voir au-del� du lyc�e. C'est ainsi que nous avons pass� nos tendres ann�es et nous n'oublierons pas de citer les externes, le seul lien que nous avions avec le monde ext�rieur. Ils nous apportaient les nouvelles de la ville et du monde, nous achetaient les petites g�teries ou les affaires scolaires dont nous avions besoin. C'�taient les belles ann�es de l'adolescence. L'internat nous a appris la rigueur de la discipline, l'hygi�ne et la bonne organisation. C'�tait un peu comme la caserne. Certes, on en voulait aux pions qui nous giflaient pour n'importe quoi, mais, aujourd'hui que nous sommes grands, nous leur sommes reconnaissants de nous avoir appris � compter sur nous-m�mes et � avoir un comportement exemplaire.