Après la nuée des gargotes et toutes les péripéties qu'il a vécues au cours des différentes campagnes électorales, l'heure des buffets a sonné pour Si Nator. Les centaines de brochettes avalées pour avoir rendu un petit service, font partie, désormais du terroir local. Dans la sale sphère si ce n'est pas le méchoui qui vous donne la nausée, ce sont ces buffets où défilent les petites kémia. Dans ce genre de situation, l'approche ou plutôt l'assaut diffère. Attaquer un méchoui de front, latéralement ou bien encore aller droit aux tripes pour débusquer le gros lot de foie rôti ? A chacun sa stratégie, son expérience, etc. Est-ce la même stratégie devant un buffet ? Si Nator ne dévoile pas ses pions. Alors, voyons : la cérémonie est sur le point de s'achever. Petit à petit, Si Nator sort du peloton des gens qui l'entourent et se glisse discrètement vers la table qu'on est en train de dresser. Ses papilles se dilatent, ses narines s'enflent, il lance de fréquents coups d'œil vers les plats, les évalue, suppute ses chances de s'octroyer les plus grosses parts... Des applaudissements retentissent. Ça y est, la cérémonie est finie et la foule va se rassembler autour du buffet. Si Nator est déjà arrivé, lui. Il avait bien et habilement manigancé (à l'instar des ses campagnes électorales) : il est le premier devant les petits ramequins aux anchois, les petits roulés au thon, les petits canapés aux olives, les petits feuilletés au fromage. Il n'a pas le temps d'en avaler un qu'il plonge vers une nouvelle assiette et tente autre chose. La bouche pleine, il examine les mets que l'on dispose plus loin. L'ennui, c'est qu'il est resté seul à peine le temps de quelques bouchées. À présent, des tas de goinfres, tout aussi effrénés que lui, se sont agglutinés autour du buffet, le serrent et gênent ses mouvements. Il aperçoit des petites terrines bourrées de foie encore fumant que l'on vient d'apporter. Aïe ! Pas de chance, le serveur les a posées à l'autre bout de la table. Si Nator, inquiet, voit les gens qui sont à proximité du nouveau plat se jeter dessus. Suant d'angoisse, il joue des coudes, des pieds et des mains pour se frayer un chemin, mais, lorsqu'il arrive, l'assiette est déjà vide. D'ailleurs, toutes les autres assiettes dans ce coin sont vides aussi. Un mouvement de foule essaie de le repousser, mais il s'accroche avec rage à un pied de table. Il se débat si bien qu'il parvient à se déplacer vers l'autre extrémité où il a repéré deux ou trois petits pains encore intacts. Hélas, il n'y parviendra pas à temps, le dernier petit pain vient tout juste d'être englouti...