Du simple verre � eau au peignoir de bain en passant par les gels douches, shampoings, serviettes, ceintures ou draps, certains clients d�h�tels raflent tout au moment de quitter leur chambre. Lubie, cleptomanie ou habitude ? En tout cas, ces pilleurs de chambres d�un genre sp�cial ne rougissent gu�re de leurs actes. Pour eux, rapporter un souvenir de leur s�jour n�a rien de dramatique. De leur c�t�, les g�rants d�h�tel ferment les yeux devant ces comportements. Depuis le temps qu�ils sont dans le m�tier ils en ont vu d�autres. Et puis surtout, ils connaissent par c�ur le profil du pickpocket r�cidiviste : �l�gant, courtois, souriant, charmant, confiant. Le type � qui vous donneriez le Bon Dieu sans confession. C�est une soudaine mutation g�n�tique qui se produit chez le cleptomane d�h�tel. Au moment de ranger son cabas, le gentleman cambrioleur sent ses doigts le br�ler. Il a un besoin incoercible de faire une razzia : cintre, serviette, cendrier, vase, t�l�commande� Les plus audacieux poussent le culot jusqu'� piquer des objets volumineux : tableau mural, rideau, tapis de bain, peignoir, plaid, draps� D�autres repartiront avec un truc insolite, genre le rideau de douche, comme nous l�a r�v�l� le patron d�un h�tel de la capitale. Brahim Boumazouzi, directeur d�h�tel Des clients � l�allure d�Ars�ne Lupin, il en transite r�guli�rement par son �tablissement. Amus�, il r�pond � nos questions �Du simple verre � eau, aux serviettes de bain en passant par les draps ou les piles des t�l�commandes, les clients ind�licats ne s�embarrassent pas de scrupules lorsqu�ils ont une id�e derri�re la t�te. Ils font main basse sur tout ce qu�ils trouvent au moment de boucler leurs valises. La palme d�or revient toutefois aux cendriers dont nous renouvelons le stock quasi quotidiennement. Mais le vol le plus insolite de toute ma carri�re est celui du rideau de douche. Le client a pris la peine de d�visser la tringle, d�enlever les anneaux et de remettre tout en place en emportant l�objet tant convoit� (rires). Et de poursuivre : �Souvent, nous sommes avis�s de ces ind�licatesses avant m�me que le client ne franchisse le seuil de notre �tablissement. Le pire, c�est de voir revenir ces clients malveillants quelques semaines plus tard, comme si de rien n��tait. R�cemment, en p�n�trant dans une chambre, la femme de m�nage a remarqu� que les serviettes de bain avaient disparu. Le client, sorti momentan�ment de sa chambre, les avait rang�es dans sa valise rest�e ouverte. Nous aurions pu confondre le sieur mais nous l�avons laiss� filer sans esclandre. Je peux seulement vous dire qu�il s�agissait d�un cadre moyen, affable et tr�s gentil. Comme quoi !� J�avoue que ces gestes r�p�t�s, au quotidien, finissent par cr�er un trou dans la tr�sorerie. C�est de l�argent parti en fum�e. Sans compter qu�il faut vite remplacer les objets subtilis�s pour ne pas p�naliser les nouveaux arrivants. Nous veillons � avoir toujours un stock de c�t� pour pallier ce probl�me.� Feriel, 22 ans, pickpocket professionel Bibelot, serviette, bloc-notes, stylo� tout ce qui peut �tre dissimul� dans un cabas ou une valise est bon � prendre pour les pilleurs de chambre d�h�tel. Feriel n�essaye m�me pas de s�en cacher. De ses propres aveux, elle d�valise tout ce qui lui tombe sous la main lorsqu�elle descend dans un h�tel, en Alg�rie ou � l��tranger. �Les petits shampoings, gels douches, mini-serviettes rafra�chissantes, c�est pour faire plaisir � mes petits neveux et ni�ces. Les mules, serviettes, peignoirs c�est pour moi. J�aime bien garder les cendriers frapp�s du sigle de l�enseigne h�teli�re o� je suis pass�e. �a me fait un souvenir. Je dois avouer que je n��prouve aucun remords. �Le vol le plus insolite de toute ma carri�re est celui du rideau de douche. Le client a pris la peine de d�visser la tringle, d�enlever les anneaux et de remettre tout en place.� Ma conscience est tranquille. J�estime qu�aux tarifs exorbitants affich�s par les h�tels, les patrons qui croulent sous les milliards nous doivent bien une petite compensation. Faut bien rentabiliser ses d�placements pardi !� s��sclaffe cette jeune trentenaire qui signe et persiste. Chafik, cadre, 32 ans Il est un habitu� des h�tels de ville. Chafik effectue souvent des d�placements � travers le pays pour le compte de son entreprise. Lui aussi est du genre � d�rober tout ce qui �tra�ne� � sa port�e. �Plus �a a de la valeur, plus �a m�excite, reconna�t-il. Une fois, j�ai m�me vol� le couvre-lit. Il avait de jolies motifs et je me suis dit qu�il irait bien sur mon lit. Afin de ne pas me faire gauler, j�ai une petite astuce. Je ne repars jamais dans le m�me h�tel. Il y a un plaisir indescriptible � s�emparer d�objets qu�on n�a pas pay�s, c�est ainsi ! Mais juste une pr�cision, je ne suis pas un voleur. Cette manie ne s�applique que dans les h�tels, nulle part ailleurs�, insiste-t-il. Malik, 40 ans Certains clients piquent tout ce qui leur tombe entre les mains. Et pas seulement dans les h�tels. �Je voyage souvent en car-ferry entre Alger et Marseille, nous r�v�le Malik, et il m�arrive souvent de repartir avec des draps et des serviettes, lorsqu�ils sont neufs. Les d�fra�chis, je les laisse � la compagnie maritime�, ironise-t-il. �M�me en avion, je subtilise les plaids moelleux ou les casques � musique. Je n�ai pas particuli�rement besoin de ces choses mais �a me fait plaisir de les avoir � l��il�, avoue ce cleptomane. Karim, 25 ans, la main dans le sac Il arrive toutefois que des g�rants de structures h�teli�res r�agissent � ces vols en demandant aux clients ind�licats de d�poser �le butin subtilis� au moment de quitter l�h�tel. En vacances � Hammamet, en Tunisie, avec des copains, Karim a v�cu une histoire qu�il n�est pas pr�s d�oublier. �Au moment de r�cup�rer nos passeports � l�accueil, le r�ceptionniste nous a demand�, sur un ton discret, de lui remettre les serviettes qui manquaient dans la chambre. Avec mes amis, on s�est regard� incr�dules. On lui a r�pliqu� qu�il devait s�agir d�une erreur. C�est � ce moment-l� qu�Ali, un copain qui �tait du voyage, s�est mis � bafouiller et � rougir. Il a ensuite ouvert son cabas, en pr�textant avoir pris les serviettes par erreur. Personne n�a �t� dupe de cette pirouette grotesque. Nous �tions tr�s en col�re contre lui. Subir une �hchouma� pareille, qui plus est dans un pays �tranger, �tait inadmissible�, reconna�t Karim. Entre l�indulgence des uns et l�intransigeance des autres, les pilleurs de chambres d�h�tel, eux, continuent � jouer aux gentlemen cambrioleurs�