On remarque parfois dans les routes des conducteurs qui font des signaux avec les codes pour informer leurs �fr�res� qu�il y a un barrage ou un radar de contr�le routier et qu�ils doivent ralentir un peu et mettre leur ceinture de s�curit�, une sorte de fraternit� qui se moque du pouvoir avec une sorte de complicit� hypocrite, car le lendemain, au march�, on voit l'un de ceux qui aident un �fr�re� � tromper l�Etat, tromper � large �chelle cent autres �fr�res� trompe ce dernier et cent autres �fr�res�. Dans le commerce, entre autres, il n�y a plus de �fraternit�, il n�existe plus que l�int�r�t individuel et il arrive m�me que l�un d�nonce son �fr�re� pour �liminer une concurrence� En voyant ce �consensus � plusieurs fois sur la route, je me suis souvenu un jour de ce mot dont j�aime le ton et la musicalit� m�me s�il n�a pas tout � fait un lien explicite avec le ph�nom�ne : omerta. Omerta. Ce mot a une m�lodie imposante et solennelle, surtout lorsqu'on prononce le �r� avec cet accent russe, roul� et tranchant, tyrannique et r�sonnant. C'est comme un ordre de la part d�un tsar redout�, rude et qui parle d�une voix si rauque que tout le monde se met � trembler apr�s la premi�re lettre, un grand �O� majuscule, parfaitement rond comme un cercle vicieux et couvert de brume, un �O� qui traverse la Volga comme une braise qui ne s��teint jamais et dont la chaleur touche et br�le toute la population � laquelle s�adresse le tsar. La deuxi�me lettre est un �m� sournois et presque silencieux, cach� dans l�ombre comme un ren�gat attendant le dos d�un inattentif pour y planter son poignard et boire son sang. Le reste de ce mot tombe comme un marteau sur une enclume et �a produit un son avec un �cho infini : �erta�. L�ensemble du mot d�chire l��ther et fait baisser les t�tes. Ainsi, le mot �Omerta� perdit sa nationalit� italienne et les mafiosi les plus redout�s qui le pronon�aient jadis avec trop d�autorit� et menace perdent leur prestige v�tu de cruaut� et macul� de sang en laissant �le mot� aux �vrais hommes�. Soit dit en passant, si on prend seulement la prononciation de ce mot et chercher le sens de sa musicalit� on obtient, �tu as �t� ordonn�, en arabe : �Omerta�� Omerta. Tout le monde se tait. Cette loi du silence est devenue un peu diff�rente car le silence n�est plus le m�me, il a pris une voix et il parle une langue, ce silence qu�on �coute sur les cha�nes t�l�vis�es et les journaux, ce silence qui n�a pas d��cho, un silence qui se perd avec les paroles sourdes... L�indiff�rence de l�Etat, le pessimisme du peuple. Grosso modo, si le silence est d�or, la parole est du fer rouill� ; mais quoi faire, on nous a mis entre le lourd marteau oppressif du pouvoir et la froide enclume de la vie�