Pour affronter le froid, les Guelmis ont besoin d�une alimentation appropri�e. Ils optent le plus souvent pour un plat chaud, consistant et riche qui n�est autre que la soupe aux pois chiches, hommasse malah ou b�nine. Il s�agit d�un plat tr�s populaire � Guelma, � base de pois chiches et d'une soupe parfum�e au cumin � l�ail. Ce mets est tr�s pris� par les gastronomes de l�antique Calama, non seulement pour son originalit� et sa succulence, mais parce qu�il est aussi � port�e des petites bourses, notamment � la fin des ann�es 1960 d�but des ann�es 1970 o� bon nombre de familles guelmies vivaient dans des conditions socio-�conomiques d�favorables. Qui parmi les citadins de Guelma ne s�est pas r�gal� en savourant ce plat raffin� chez ammi Djelloul lahmamssi� le c�l�bre vendeur de soupe aux pois chiches de toute la r�gion. Ils auront sans doute un profond sentiment de nostalgie de se rem�morer ce brave homme dont nul ne peut contester les qualit�s humaines. Dans sa petite baraque de la rue de la Mosqu�e, appel�e commun�ment �Haite Edjama�, des dizaines de personnes attendent impatiemment leur tour pour go�ter � cette soupe embl�matique de la cuisine guelmie, dans une ambiance tr�s particuli�re, qui associe tradition et convivialit�. Tr�s t�t le matin, une file d'attente interminable se masse devant ammi Djelloul, surtout pendant le week-end. En attendant d��tre servis, les adeptes de malah ou b�nine animent des discussi qui tournent essentiellement autour des prestations de l�Escadron noir, le grand club de football de l��poque. Ammi Djelloul sert sa recette dans un bol creux tr�s sp�cial, la sahfa, histoire de pr�server toute sa saveur, disait-il. D�aucuns se rem�morent avec �motion sa fameuse question pos�e � chaque fois au client �double harr, double zit ?� devenue un c�l�bre refrain dans le milieu gastronomique de la r�gion, c�est de savoir doubler ou non la dose de harissa et d�huile d�olive, qui sont pour les fins gourmets les ingr�dients indispensables � rajouter � ce plat populaire. Ce personnage c�l�bre qui a apport� un plus au patrimoine gastronomique de Guelma fait partie d�une g�n�ration ayant vu le jour au d�but des ann�es 1930. De son vrai nom Messa�d Djelloul, originaire de Ferdjioua, dans la wilaya de Mila, �tait p�re de cinq enfants dont trois gar�ons et deux filles. Jeune, il s�est install� � Guelma avec ses parents, dans les ann�es 1940, dans le quartier arabe B�b Es souk. C�est durant cette p�riode qu�il s��leva au milieu des gargotiers les plus distingu�s de la rue d�Announa, sur les hauteurs de Guelma, o� il a d�couvert tous les rouages de ce m�tier. Notre illustre cuisinier est descendant d�un milieu de sp�cialistes culinaires qui auraient appris la recette de cette d�licieuse soupe aux pois chiches, qui remonte � loin dans l�histoire culinaire du Maghreb, puisqu�elle fait partie des mets les plus pris�s de Tunisie et du Maroc et connu sous le nom de lablabi. Si Djelloul avait le privil�ge d�am�liorer cette recette en rajoutant des pieds de mouton, ce qui lui avait valu le titre du roi du hommasse malah ou b�nine dans la r�gion de Guelma. Achet�es � tr�s bas prix chez les bouchers du coin, ces pattes de moutons sont traditionnellement coup�es et pr�par�es soigneusement � la maison et dans des conditions d�hygi�ne irr�prochables. Selon lui, �il s�agit d�une recette ramen�e du Maroc qui nous donne un repas consistant, suffisamment riche, mais � un prix tr�s raisonnable, donc � la port�e de tous, m�me des plus n�cessiteux, ce qui explique donc cet engouement fort des Guelmis pour cette restauration traditionnelle�. Ammi Djelloul nous a quitt�s cela fait presque cinq ans ; beaucoup de citadins de sa g�n�ration l�ont connu, mais peu de jeunes savent qui �tait cet homme d�bordant de g�n�rosit� et de bont�, mais aussi de talent et d�amour de son m�tier, ayant laiss� derri�re lui un pr�cieux patrimoine culinaire qui reste � jamais grav� dans les m�moires des autochtones. �Sa personnalit� chaleureuse et sa grande sociabilit� nous manqueront beaucoup�, nous r�v�lent ses anciens clients et surtout tous les amis qu�il aimait rencontrer pour parler des plus grands matches de football de la glorieuse �quipe de la ville, l�Esp�rance de Guelma, dont il �tait l�un des plus fervents supporters.