Par Zineddine Sekfali Alors que la c�l�bration du cinquantenaire de l�ind�pendance s�ach�ve comme elle a commenc�, c�est-�-dire sans �clat particulier c�t� officiel et dans une indiff�rence quasi g�n�rale du c�t� populaire, l�ann�e 2012 se termine, quant � elle, dans un maelstr�m de scandales aussi fangeux que putrides. La corruption � ou fassad� est partout : elle infecte la d�mocratie, gangr�ne le suffrage universel, pourrit les partis, ronge les institutions et les assembl�es �lues et atteint des niveaux jamais �gal�s, comme on va le voir, dans les cours et tribunaux. C�est d�sormais quelque chose d�insupportable et il n�est nullement exag�r� de dire que l�Etat et la nation sont en p�ril. La corruption dans la politique Le 3 d�cembre 2012, journal �lectronique TSA r�v�lait que le bureau de l�APN a �t� saisi par vingt-et-un d�put�s, de demandes de changement de parti. Ce m�me journal rapportait le 7 d�cembre 2012 que le parti TAJ cr�� il y a quelques semaines avec des transfuges d�un parti islamiste, allait constituer au sein de l�APN, un groupe parlementaire, gr�ce � d�autres transfuges et � quelques d�put�s �lus sous l��tiquette d�ind�pendants. Il y a dans ces comportements et pratiques, qui sont totalement contraires � la morale et � l��thique, des ressemblances frappantes avec ce que l�on appelle, au p�nal, l�abus de confiance et les escroqueries. En l�esp�ce, les victimes de ces �changements et retournements de vestes� sont les �lecteurs qui ne disposent d�aucun recours ni d�aucune possibilit� d�action en justice contre ceux qui les trompent aussi effront�ment. La pr�c�dente APN ayant d�j� rejet� la proposition du ministre de l�Int�rieur de prohiber le nomadisme politique, il y a donc peu d�espoir que l�actuelle APN vote une loi permettant aux �lecteurs d�attaquer en justice les �lus qui les trahissent en changeant de parti ou d��tiquette politique, au gr� des circonstances. Cette Assembl�e est malheureusement remplie de ce genre d��lus. On peut dire qu�en l�esp�ce le ver est dans le fruit pour encore cinq ann�es suppl�mentaires, car ce ver- l� n�est, h�las, pas susceptible d��tre �vacu� comme le t�nia. Le 3 d�cembre 2012, le quotidien Libert� titrait sa une : �Ces �lus qui vendent leurs si�ges � coups de milliards�. Trois jours apr�s, la tr�s m�diatique d�put�e Louisa Hanoune r�v�lait que des si�ges de pr�sident et de vice-pr�sident d�APC ont �t� achet�s dans des communes du Grand-Alger pour des sommes allant de 2 � 8 millions de dinars. Il est clair que ceux qui payent de telles sommes pour parvenir � ces postes, ne le font point �pour le seul plaisir d�avoir le titre�, mais pour les avantages �conomiques et financiers que cela va leur procurer : c�est un investissement qu�ils entendent d�abord amortir et faire fructifier au mieux et au plus vite ! C�est consternant ! Nos assembl�es locales, ou en tout cas leurs ex�cutifs, ne sont pas loin de ressembler � des �cavernes d�Ali Baba�, peupl�es de malfaiteurs ! D�autres journaux ont annonc� l�interpellation dans la wilaya de Tiaret, d�un chef de brigade de gendarmerie qui aurait per�u d�un �lu la somme de 1,2 million de dinars pour l�aider � �d�crocher� un poste de vice-pr�sident d�une APC. On a d�sormais une �mercuriale �lectorale� et �des bordereaux des prix� auxquels s�ach�tent et se vendent, en m�me temps que les consciences, les postes de pr�sident et de vice-pr�sident des ex�cutifs locaux. A propos de la fraude �lectorale, incarn�e jadis par le gouverneur g�n�ral Naegelin, nous en avons aujourd�hui une illustration vivante, gr�ce � une vid�o diffus�e depuis le 1er d�cembre 2012 sur You Tube, qui nous montre des individus en train de bourrer des urnes et de falsifier des documents, dans un bureau de vote de T�bessa. Cette vid�o qui va sans doute marquer notre m�moire collective de mani�re ind�l�bile, nous a permis de voir comment et avec quelle facilit� on falsifie les documents �lectoraux et du m�me coup on nous a r�v�l� pourquoi les taux de participation aux �lections passent en trois heures � de 15 h � 18 h � du simple au double ; il suffit en effet de signer et de voter � la place des �lecteurs qui se sont abstenus ! Les individus auteurs de ces actes d�lictueux, ont �t� identifi�s et pr�sent�s � la justice. Le 7 d�cembre 2012, on apprenait que huit d�entre eux ont �t� plac�s sous mandat de d�p�t et que les 5 autres ont �t� laiss�s en libert�. On ignore quelles circonstances att�nuantes nos juges et procureurs ont pu reconna�tre � ces fraudeurs et faussaires. Ces individus, qui ne sont que des employ�s subalternes, sont en l�occurrence ce qu�on appelle, dans les palais de justice et les prisons, du �menu fretin �. Leurs commanditaires, qui sont forc�ment des gens �bien plac�s�, n�ont �t� ni identifi�s ni d�nonc�s. On imagine par ailleurs que la fraude ainsi film�e � T�bessa n�entra�nera aucune sanction administrative ou politique contre quelque �responsable � politique ou administratif que ce soit ! L�affaire semble d�ores et d�j� class�e, par les politiciens, tous partis confondus, par la haute administration et par les procureurs territorialement comp�tents, dans la rubrique des faits divers sans importance. Mais ceux qui pensent que la banalisation de la fraude en diminue l�impact sur les gens devraient savoir qu�ils se trompent gravement. En s�installant partout et � tous les niveaux, la culture de la fraude et de la corruption a toujours des effets d�vastateurs tant sur les personnes que sur les institutions. Pots-de-vin, d�tournements et soultes occultes Comme pour souligner l�ampleur et la profondeur atteintes par la corruption � politique et morale � dans notre pays, notre presse r�v�lait � la m�me p�riode, deux informations. La premi�re est relative aux poursuites p�nales engag�es par le minist�re public italien contre un cadre sup�rieur de Saipem, soci�t� italienne en �troites relations d�affaires avec Sonatrach. La justice italienne reproche � ce cadre italien d�avoir vers�, � titre de pots-de-vin, 200 millions de dollars � des Alg�riens. D�apr�s certains observateurs dont Hocine Malti, que je crois tr�s volontiers, cette somme modeste par rapport au montant global des affaires conclues, ne serait qu�un �� valoir� ou plus simplement dit �une avance�� Si on sait comment s�appelle cet Italien corrupteur, et quel est son grade hi�rarchique dans la soci�t� Saipem, on continue � ignorer quels sont les corrompus qui, eux, sont bien de chez nous, et combien ils avaient l�intention de soutirer aux Italiens ! Or, rien n�est plus facile � savoir : il existe une coop�ration judiciaire inter�tatique et il suffit d�y recourir. La seconde information nous apprend que l�Alg�rie a �t� class�e par l�ONG Transparency International, parmi les pays les plus corrompus du monde. Nous qui regardions nagu�re avec un profond m�pris les Orientaux pour leur pratique d�brid�e du �bakchich� � tous les niveaux, ce classement est un choc ! Il est vrai que nous avons invent� la �tchipa � pour dire �bakchich� et que ce ph�nom�ne est en plein essor. Pour les autorit�s, cela devrait �tre un s�rieux signal d�alarme. Il ne sert en effet � rien de s�en prendre � Transparency International : on n�arr�te pas la fi�vre en cassant le thermom�tre ! Dans une interview accord�e � Jeune Afrique-Economie du 4 d�cembre 2012, l�homme d�affaires Issad Rebrab confirme � ce que beaucoup savaient d�j� � qu�il avait saisi en temps utile les autorit�s alg�riennes comp�tentes, de son intention d�investir dans la r�alisation du complexe sid�rurgique de Bellara. Son offre ne fut pas retenue, et on n�en conna�t toujours pas la raison. L�int�ress� r�v�le aussi qu�il avait r�it�r� sa demande aupr�s des autorit�s concern�es, lorsque la soci�t� Renault qui avait envisag� de r�aliser sur ce site de Bellara une usine de construction d�automobiles, a publiquement annonc� son d�sistement. Une fois de plus, sa candidature ne fut pas agr��e. Le projet a en d�finitive �t� confi� � un groupement form� d�une soci�t� publique alg�rienne et une soci�t� qatarie. Rebrab regrette non sans une certaine amertume, que les autorit�s lui aient pr�f�r� des �trangers. Le quotidien national El Watan du 9 d�cembre 2012, a repris l�essentiel de l�interview de l�homme d�affaires, dans un article intitul� : �Petites r�v�lations d�Issad Rebrab sur Bellara�. Les propos de M. Rebrab, bien que prudents et mod�r�s, laissent � penser qu�il y a �comme anguille sous roche� dans ce projet industriel d�envergure. A l�accusation � peine voil�e de parti pris en faveur des investisseurs qataris, s�est r�cemment ajout�e une autre information assez surprenante. On a en effet appris, � l�issue de la visite d�Etat effectu�e en Alg�rie les 19 et 20 d�cembre 2012, par le Pr�sident de la R�publique fran�aise que l�apport de Renault, sera de 50 millions d�euros. Quant au milliard d�euros annonc�s du c�t� alg�rien, ils seraient � la charge de l�Alg�rie et destin�s, selon un cadre fran�ais de Renault, � financer de nouveaux am�nagements dans le port d�Oran, les travaux de terrassement du site � Oued-Tl�lat, les infrastructures routi�res induites par le projet, la viabilisation du site de l�usine ainsi que son raccordement au r�seau �lectrique et au r�seau d�alimentation en eau. Or, il faut se rappeler qu�un grand port et que d�importantes infrastructures du type indiqu� pour Oued-Tl�lat, ont �t� r�alis�s � grand frais, sur le site de Bellara. A mon avis, cela rend encore moins compr�hensible la �d�localisation � de cette usine de montage vers Oued- Tl�lat. Le monde des affaires est d�cid�ment bien opaque et myst�rieux ! La justice dans tous ses �tats Lors de la pr�sentation � la presse de son rapport sur les droits de l�homme, Me Farouk Ksentini, pr�sident de la CNCPPDH, parlant de la r�forme judiciaire, d�clarait entre autres choses tr�s peu am�nes, ceci : �Je rappelle�. que le Code de proc�dure civile et administrative est un texte totalement inadmissible�.De l�avis g�n�ral, c�est une vraie catastrophe !�, quant au projet de loi sur la profession d�avocat, �il contient des dispositions compl�tement d�biles� ( Le Soir d�Alg�rie du 13/12/2012). On peut aussi se r�f�rer � deux autres articles publi�s le 12/12/2012 par deux quotidiens �lectroniques, Alg�rie1 et Alg�riefocus, l�un sous le titre de : �Le syst�me judiciaire emp�che l�Etat de droit� et l�autre sous le titre de : �La Justice alg�rienne n�est pas ind�pendante �. Ces propos sont assez percutants, et pour cela, ils m�ritent d��tre soulign�s ! Or, et comme pour enfoncer le clou, la presse nationale r�v�lait presque concomitamment que : 1� Le tribunal de T�bessa a acquitt� le 12/12/12 le nomm� Garboussi, un notable local riche et puissant, contre lequel le minist�re public avait pourtant requis 10 ans d�emprisonnement pour enl�vement, s�questration et torture du malheureux journaliste Belyardouh, aujourd�hui d�c�d�. Cette affaire a par ailleurs donn� lieu � un �change de mises au point entre M eF. Ksentini et le quotidien El Watanqui affirme que cet avocat, qui est en m�me temps pr�sident de la CNCPPDH, avait repr�sent� Garboussi devant la Cour supr�me. 2� Le tribunal de B�ni Saf a acquitt� le 13/12/2012, trois magistrats, un directeur administratif d�une caisse d�assurances sociales, un commissaire de police et de jeunes dames exer�ant, selon des renseignements, �le plus vieux m�tier du monde�. Ils ont tous �t� surpris ensemble, la nuit, dans un bungalow d�un �tablissement h�telier de B�ni Saf, Interpell�s pour prox�n�tisme, prostitution et cr�ation d�un lieu de d�bauche, puis pr�sent�s au procureur territorialement comp�tent, ils ont �t� directement renvoy�s devant le tribunal correctionnel. Bien que n�ayant que tr�s peu de ressemblance avec l�affaire du �Carlton de Lille�, dans laquelle sont impliqu�es quelques personnalit�s fran�aises influentes, des dames de petite vertu et un certain Dodo La Saumure, l�affaire du �Nabil de B�ni Saf�, bien que moins retentissante, a fait beaucoup de bruit, � l�ouest du pays et quelques �chos sont parvenus jusqu�� Alger. Or, � l�audience � laquelle la plupart des pr�venus n�avaient pas daign� se pr�senter, il ne fut question ni de prostitution ni de prox�n�tisme, ni de d�bauche, mais d�une simple rencontre entre personnes de bonne compagnie, venues l� pour c�l�brer l�anniversaire de la plus jeune des femmes interpell�es. Ces derni�res entretenaient apparemment de bonnes relations avec des magistrats, un grad� de la police et quelques chefs administratifs locaux, pour la plupart surpris dans cette �f�te d�anniversaire�, peu commune, il faut en convenir. Le comble de l�histoire, c�est qu�en plus de la relaxe g�n�rale qu�il a prononc�e, le tribunal, juge et procureur confondus, faisant montre d�un rigorisme proc�durier qui en a �tonn� plus d�un, a annul� pour vice de forme, l�enqu�te diligent�e par la Gendarmerie nationale. D�o� ce titre �Magistrats arr�t�s avec des prostitu�es : le monde � l�envers de B�ni Saf� ( Alg�rie 1 du 16/12/2012) 3� Des documents essentiels auraient disparu d�un dossier p�nal du tribunal de Batna o� un homme d�affaires �tait poursuivi pour avoir d�tourn� les �conomies de plusieurs �pargnants attir�s par une promotion immobili�re ( Echorouk du 14/12/2012). L�homme d�affaires se serait enfui, avec leurs �conomies, � l��tranger. Il ne reste pour les �pargnants que leurs yeux pour pleurer. La question qui se pose est : pourquoi l�escroc n�a-t-il pas �t� plac� sous mandat de d�p�t et pourquoi des mesures conservatoires n�ont pas �t� prises ? Y a-t-il eu, du reste, ouverture d�une information judiciaire pour abus de confiance, � tout le moins ? 4� Le pr�sident de la cour de S�tif et le pr�sident de la chambre d�accusation de la m�me cour auraient �t� invit�s � partir � la retraite, pour leur �viter, voil� bien une curieuse fa�on de faire, la comparution devant le Conseil sup�rieur de la magistrature pour des faits de corruption, dans laquelle est impliqu�, comme corrupteur, un membre de la �mafia� locale. Il se murmure aussi qu�un cadre du minist�re serait, lui aussi, impliqu� dans la mesure o� il aurait �t� le donneur d�ordres ( El Watan du 16/12/2012 et Alg�rie 1du m�me jour). Comme pour �ajouter une couche� � cet incroyable scandale d�Etat, le quotidien �lectronique Ennahardu 17/12/2012, rapportait que d�autres magistrats seraient impliqu�s et que le pot-devin touch� par le chef de la cour, par l�interm�diaire d�un conseiller � la cour, s��l�verait � 1 milliard de centimes ! Voil� donc la cour de S�tif que l�on classait jadis parmi les plus importantes cours du pays, transform�e par ses propres chefs en une pitoyable cour des miracles. Conclusion Le 9/12/2012, le ministre de la Justice d�clarait lors d�une c�r�monie organis�e pour c�l�brer les 50 ann�es de l�institution judiciaire alg�rienne, qu�il allait proposer de compl�ter la loi relative � la pr�vention et � la lutte contre la corruption, par des dispositions assurant une meilleure protection des d�nonciateurs, des t�moins et des victimes, et par un train de mesures de nature � permettre la r�cup�ration des fonds et biens publics d�tourn�s ou vol�s. Tout le monde approuve cette initiative pertinente et n�cessaire. Mais force est de constater que ce qui est attendu par les citoyens, c�est l�instauration d�une justice form�e de magistrats int�gres, comp�tents, respectueux des droits de l�homme, et dans le m�me temps, implacables contre ceux qui portent atteinte aux int�r�ts mat�riels et moraux de la soci�t�. Il est temps en effet de sortir de l�interminable spirale des amendements et modifications sporadiquement pr�sent�es comme des �panac�es�, et de passer � l�application des textes d�j� existants. Il est d�sormais imp�rieux que l�Etat en g�n�ral et les services de s�curit� et les institutions judiciaires plus particuli�rement fassent leur travail en r�agissant, comme c�est leur droit, de leur propre initiative, avec courage et fermet�, contre les faussaires, les corrompus, les corrupteurs, leurs complices, sans oublier leurs commanditaires. Quoique l�on dise ici et l�, la s�v�rit� reste la meilleure pr�vention, dans la mesure o� elle est le meilleur moyen de faire reculer les criminels et la criminalit�. Souvenons-nous : il y a un peu plus de quarante ans, la justice a condamn� � la peine capitale, dans deux affaires diff�rentes, un Fran�ais faux-monnayeur qui avait introduit en Alg�rie des milliards de francs en fausse monnaie, et un Alg�rien kidnappeur qui avait enlev� un mineur et exig� contre sa lib�ration, le versement d�une importante ran�on. Apr�s rejet de leur recours en gr�ce par le chef de l�Etat, les deux condamn�s � mort ont �t� fusill�s. Depuis ces deux ex�cutions qui datent donc de presque un demi-si�cle, on constate, primo que personne n�a jamais tent� d�introduire en Alg�rie, une aussi importante quantit� de fausse monnaie �trang�re (les trafiquants pr�f�rent aujourd�hui fabriquer de faux dinars en France ou en Italie, pour les refiler aux gogos alg�riens de passage), et secundo, qu�il n�y a pas eu, jusqu�� l�apparition du terrorisme, de rapt ni d�enl�vement pour des motifs crapuleux. J�ajouterais pour terminer que, sans pour autant �tre un anti-abolitionniste, je constate que depuis l�entr�e en vigueur du moratoire sur la peine de mort, il y a chez nous de plus en plus d�assassinats et d�enl�vements crapuleux et circonstanci�s.