La disparition dimanche de l�ic�ne du cin�ma alg�rien Abderrahmane Bouguermouh sera de celle qui fera le plus mal � tous ceux qui connaissaient la grandeur d��me du d�funt, sa vaste culture, son amour profond pour son pays et sa force de l�espoir qui l�ont conduit � laisser un h�ritage culturel et un message humanitaire comme un refrain qui fait penser � d�autres chansons sur cette terre qui arr�te sa course faisant silence pour donner libre cours aux larmes qui emplissent les yeux des amoureux de son art. On n�oubliera pas de sit�t l�une de ses derni�res apparitions en public lors de la disparition de l�autre ic�ne de la chanson alg�rienne Cherif Kheddam. Lamin� par la maladie, Abderrahmane Bouguermouh a tenu � rendre un ultime hommage � son bin�me artistique. Tr�s mal en point, il avait tenu � marcher longtemps pour se recueillir devant sa d�pouille puis pour livrer ses impressions aux nombreux journalistes pr�sents � la c�r�monie. La mort dans l��me, il nous fit part d�un secret qui le liait � Cherif Kheddam dont il �voqua l�existence sans en divulguer la teneur pour respecter une sorte de pacte sign� dans la douleur avec son ami disparu. A Bouzegu�ne, le 21 avril 2005, o� il avait pr�sent� son film La Colline oubli�e, il nous avait accord� un entretien sur la situation du cin�ma amazigh et alg�rien � l�occasion du 25e anniversaire du Printemps berb�re. Abderrahmane se plaignait du fait que le cin�ma alg�rien n��tait pas g�r� par des professionnels. A propos de la situation du film amazigh auquel il avait donn� naissance, le conf�rencier avouait que bien avant lui d�autres cin�astes ont fait des tentatives dans le plus grand secret. Un clin d��il aux autres r�alisateurs mais aussi aux jeunes cin�astes qui ont voulu forcer le destin et suivre le chemin dress� par leurs a�n�s. D�plorant que la filmoth�que amazighe se r�sume � trois films, La Colline oubli�e, Macahu et La Montagne de Baya, le conf�rencier indiquait que l�on ne pouvait pas faire de comparaison entre un cin�ma qui a les moyens et celui qui n�en a pas car, selon lui, un film est une usine qu�il faut trimballer constamment et pour cela il faut des moyens colossaux. Rigoureux dans son travail, il s��levait contre ces films faits par des r�alisateurs de f�tes qui ont l�habitude de filmer avec des cam�ras perfectionn�es con�ues pour les mariages, un leurre consid�rant que c�est la cam�ra qui filme pas ces jeunes qui ont envie de vite arriver. Pour le d�funt, il faut une grande technicit�, une direction d�acteurs pour donner une �me au film car il y a tant de chemin � parcourir pour arriver au cin�ma professionnel. Bouguermouh aspirait � ce que les cin�astes qui arrivent sachent cela et ne d�consid�rent pas le cin�ma, surtout quand il s�agit de cin�ma amazigh. Le r�alisateur de La Colline oubli�e d�plorait l�inexistence de formation de com�diens indiquant que l��cole de formation de techniciens se r�duisait � la photo et � la r�alisation mais c��tait fait par des nonprofessionnels qui feront sortir des non-professionnels expliquant que pour la cam�ra, ce n�est pas un probl�me, l�exp�rience permettant d�acqu�rir la technicit�. Intransigeant, il avait martel� qu�il faut refuser de travailler sur des projets ambitieux si on n�a pas les moyens. Bouguermouh avouait avoir �t� appel� pour r�aliser Fadhma N�soumeur, El Mokrani et bien d�autres films mais la premi�re condition qu�il avait pos�e �tait qu�on mette sur la table dix milliards rien que pour la pr�paration car des hommes et des femmes de cette dimension historique m�ritent, selon lui, des moyens � la mesure de leur h�ro�sme et de ce qu�ils symbolisent. Tr�s critique, il estimait que le feuilleton sur Fadhma N�soumeur �tait un �chec programm�. Le combat de cette femme qui a tenu t�te � l�arm�e napol�onienne avant de mourir en prison, tout comme El Mokrani qui est mort au combat, a �t� selon lui folkloris� � dessein � la mani�re des feuilletons �gyptiens pour qu�on n�en parle plus. C�est, consid�rait-il, un combat qui ne les arrangeait pas, car il complexe leurs symboles � eux. Quant au film sur Si Mohand u Mhand, Bouguermouh avouait qu�il ne voulait pas le voir. �On a donn� le film � une �quipe qui n�a rien � voir avec le personnage. Je n�apporte pas de critique n�ayant pas vu le film mais on ne le confie pas � deux personnages ne parlant pas la langue. Symbole de la culture, Si Mohand �tait le t�moin d�une �poque cruciale de la colonisation et ses po�mes traduisent sa douleur d�assister au renversement des valeurs. �J�ai appris qu�ils en ont fait une historiette d�un �hcha�chi�.� Sur la composante du CNCA et de l�absence de critiques cin�matographiques, il estimait que ramener des professionnels qui exigeront des moyens professionnels n�arrangeait pas les d�cideurs en charge du secteur. �On ne veut pas d�un B�djaoui ou d�un Laskri, car ils d�fendront les vrais r�alisateurs. C�est un recul, car un pro n�accepterait jamais de revenir � un cin�ma mis�reux. Quant aux critiques, ils critiqueront quoi ? Depuis quelque temps, on ne produit rien, on ne s�occupe que du cin�ma international.� Apr�s Kahla ou ba�da, d�di� � l�Entente de S�tif, on avait demand� au r�alisateur s�il accepterait de r�aliser un film sur la JSK. Nostalgique, il avait r�pondu que le film sur l�Entente a �t� r�alis� dans des circonstances exceptionnelles. Renvoy� par Ahmed Taleb El-Ibrahimi, des amis s�tifiens � l�humour d�capant lui avaient propos� de le faire et il avait accept�. En quatre jours, il a �crit le sc�nario qu�il a pr�sent� � B�djaoui qui l�avait appel� 3h du matin pour lui dire qu�il le trouvait fabuleux. Un mois apr�s, le tournage avait commenc�. Ils lui avaient promis 57 millions pour redescendre finalement � six millions au point o� B�djaoui avait failli d�missionner de la direction de la production. Il avait continu� le tournage gr�ce aux S�tifiens. Quant au film sur la JSK, Bouguermouh affirmait qu�il ne se refusait pas. �C�est une identit� qui descend sur l�ar�ne.� Mais tout comme la JSMB, au lieu de l�appeler, ils ont appel� quelqu�un d�autre, sinon tout �tait fin pr�t. Pour la JSK, c�est comme pour La Colline oubli�e, film pour lequel il avait d�bours� 250 millions de sa poche. �Je suis un pro et les films co�tent cher. Ce sera un plaisir de le faire avec un bon sc�nario �largi � quelque chose qu�on n�a pas l�habitude de voir.� A propos de la nouvelle cha�ne berb�re appel�e � �mettre quelques mois plus tard, le d�funt expliquait qu�� la cr�ation du HCA, trois personnes avaient refus� d�y �tre Tassadit Yacine, Salem Chaker et lui-m�me, �car nous savions qu�ils voulaient en faire une structure de contr�le de tamazight sous pr�texte de s�en occuper. Ce sera le sort de cette cha�ne pour laquelle un directeur qui n�a pas cess� de saquer la Kabylie a �t� nomm�.� Quels seraient ses chantiers prioritaires s�il �tait responsable du secteur du cin�ma �Je ne saurais dire sinon que je ne serai jamais responsable. D�ailleurs, je n�y pense jamais.� Po�tique, Bouguermouh concluait que ce qui est beau est notre r�ve � tous et qu�il �tait inutile de l�exhumer. �Il y a tellement dire sur notre cin�ma que ce n�est pas la peine de d�courager les jeunes qui croient encore. Continuons � croire avec eux � ce militantisme absolu.� Salem Hammoum BEJAIA Il sera enterr� aujourd�hui � Ifri Ouzellagu�ne Le cin�aste Abderrahmane Bouguermouh s�est �teint � l��ge de 77 ans dans l�apr�s-midi de dimanche � l�h�pital de Birtraria d�Alger, des suites d�une longue maladie. L�enterrement aura lieu aujourd�hui mardi dans son village natal Ifri Ouzellagu�ne (B�ja�a). Pr�curseur du cin�ma amazigh, Abderrahmane Bouguermouh s�est rendu c�l�bre en tant que r�alisateursc�nariste en 1996 avec le long m�trage en kabyle la Colline oubli�e. Une adaptation du roman �ponyme de Mouloud Mammeri. C�est en 1968 qu�il d�pose son projet au niveau de la Commission nationale de censure. Dans sa lettre d'intention, Abderrahmane Bouguermouh avait pr�cis� que ce film ne pouvait se faire qu'en kabyle. Un projet qui sera rejet� sans explication. Il aura fallu attendre l�ann�e 1989 avec l�av�nement de la d�mocratie pour que le projet en question se concr�tise. Abderrahmane Bouguermouh a tourn� depuis la fin des ann�es 1960 plusieurs courts-m�trages. Apr�s son retour au pays en 1963, Abderrahmane Bouguermouh participe � la cr�ation du CNCA Centre national cin�matographique alg�rien) avant de se faire exclure pour ses id�es en 1964. Militant inv�t�r� de la cause amazighe, il tourne sur un texte de Malek Haddad Comme une �me, un moyenm�trage en berb�re en 1965. Le film est refus� par le minist�re de la Culture de l��poque qui exige une version en arabe. Il retourne alors en France, plus pr�cis�ment � Paris o� il postsynchronise son film en fran�ais, ce qui lui vaudra un deuxi�me licenciement, la confiscation et la destruction des positifs et des n�gatifs. Le film ne sera jamais diffus�. Dans sa riche carri�re cin�matographique, Bouguermouh a �galement travaill� comme assistant r�alisateur pour Lakhdar Hamina dans son long-m�trage Chronique des ann�es de braise ayant obtenu, pour rappel, la Palme d�or au Festival de Cannes en 1980. Cin�aste de talent, Abderrahmane Bouguermouh a r�alis� aussi deux longs-m�trages pour la RTA, Les Oiseaux de l��t� (1978) et Kahla wa ba�da( Noir et blanc), ayant connu un grand succ�s populaire en 1980. A. K. L�hommage des artistes et des hommes de culture Des artistes et des hommes de culture ont salu�, dans des d�clarations � l'APS, l'engagement de Abderrahmane Bouguermouh, d�c�d� dimanche � Alger, en faveur de la promotion du cin�ma alg�rien et son r�le de �pionnier du film amazigh�. Le cin�aste Abderrahmane Bouguermouh, qui souffrait d'une maladie chronique, est d�c�d� � l'�ge de 77 ans � l'h�pital Birtraria d'Alger o� il avait �t� admis deux semaines plus t�t. L'ancien directeur de la Cin�math�que d'Alger, Boudjema� Kar�che, a salu� les grandes qualit�s humaines de Bouguermouh et le �po�te� qui s'est r�v�l� depuis son premier court m�trage La grive, r�alis� en 1967. Pour lui, la sensibilit� po�tique de Bouguermouh a �t� confirm�e par l'adaptation de La colline oubli�e, roman de Mouloud Mammeri. Avec ce long m�trage, r�alis� en 1996, le cin�aste disparu a sign� une �uvre �d'une grande qualit� esth�tique�, rendue en outre avec �pr�cision et fid�lit� au romancier, affirme ce sp�cialiste du 7e art. Bouguermouh a �t� consacr� au 12e Festival du film amazigh de 2012 o� il a re�u pour ce long m�trage l'Olivier d'or, la plus haute distinction du festival que le d�funt a toujours accompagn� depuis son institution en 1999, comme en t�moigne son commissaire Si l'Hachemi Assad. �Abderrahmane Bouguermouh a beaucoup donn� pour le cin�ma en tamazight en apportant son soutien au festival, dont il a pr�sid� la 7e �dition, en particulier par l'encouragement constant apport� aux jeunes talents� dans le cin�ma, estime Si l'Hachmi Assad. De son c�t�, le com�dien Abdelhamid Rabia rappelle que Bouguermouh a fait partie du �premier noyau� de r�alisateurs et d'hommes de culture qui avaient lanc� les premi�res structures cin�matographique de l'Alg�rie ind�pendante, � commencer par le Centre national cin�matographique alg�rien (CNC), cr�� en 1963 avant d'�tre dissous quatre ans plus tard. Le com�dien Ahmed Bena�ssa �voque, pour sa part, les grandes qualit�s humaines et professionnelles de Bouguermouh : �C'�tait un r�alisateur d'une grande sagesse, un intellectuel convaincu, un homme � principes, jaloux de son identit�, doubl� d'un po�te � l'humanisme extraordinaire�, a-t- il t�moign�. Hacene-Lhadj Abderrahmane, proche parent du d�funt, qui a dirig� plusieurs structures culturelles, insiste, lui aussi, sur les qualit�s humaines de Bouguermouh que l'on retrouve, dit-il, dans ses �uvres cin�matographiques. �Abderrahmane Bouguermouh �tait un po�te du cin�ma, un homme g�n�reux et tr�s sensible, autant de qualit�s qui ont marqu� ses films�, insiste Hacen-Lhadj Abderrahmane. L'acteur Sa�d Hilmi, son ami de longue date, se rappelle, pour sa part, de ses d�buts � la radio o� il animait une toutes premi�res �missions radiophoniques pour enfants, produite par Bouguermouh. N� en 1936, Abderrahmane Bouguermouh a travaill� comme assistant r�alisateur, apr�s des �tudes � l'Institut hautes �tudes cin�matographiques (Idhec) de Paris en France. Il avait r�alis� vers la fin des ann�es 1960 des courts m�trages avant d'assister Mohamed Lakhdar Hamina dans le film Chronique des ann�es de braise, prim� de la Palme d'or au Festival de Cannes en 1975. Outre La colline oubli�e, Bouguermouh a r�alis� trois autres longs m�trages, Les oiseaux de l'�t� (1978), Kahla oua beida en 1980, d�di� aux supporters de l'�quipe de football de S�tif et Cri de pierre (1986). Le d�funt sera enterr� aujourd�hui dans son village natal � Ighzer Amokrane, commune de Ouzellaguen, dans la wilaya de B�ja�a.