Par Bela�d Abane J�ai rencontr� Ali Mahsas deux fois. La premi�re en 1992 pour lui donner des soins � la demande d�un ami commun, Si Bachir El Kadi. La seconde en 1997 au cours d�une rencontre organis�e par l�ONM sur Abane. Il m�avait � deux reprises tenu le m�me langage. Voici l��change tel qu�il eut lieu au cours de notre derni�re rencontre. Ali Mahsas : Je n�ai aucun diff�rend avec Abane. Mon probl�me c��tait son entourage. Moi : De qui voulez-vous parler siAli ? Ali Mahsas : Je veux parler de ceux qu�il avait ramen�s pour travailler avec lui au sommet de la R�volution. Ils ont tous pris le train en marche et constituaient un danger pour la R�volution. Moi : Vous voulez dire les centralistes comme Ben Khedda et Dahlab, et les dirigeants de l�UDMA, comme Ferhat Abbas et ses amis ? Ali Mahsas : Exact. Moi : Bessah ya siAli, m�me s�ils ont pris le train en marche, ils n�ont pas d�m�rit�. Ils se sont investis avec c�ur et conscience aux places qu�on leur a assign�es de 1955 � 1962 et, pour la plupart d�entre eux, � l�int�rieur du pays face � l�ennemi. Certains sont m�me morts sous la torture. Ali Mahsas se tut. Il avait sans doute compris mon allusion � ceux qui �taient absents du territoire national de 1952 � 1962 et qui se proclament gardiens du temple r�volutionnaire. S�agissant de son appr�ciation mesur�e sur Abane, je compris plus tard qu�� l�instar de son mentor (Ben Bella), il m�avait tenu un discours � g�om�trie variable. Car par la suite, il ne ratera aucune occasion pour d�verser sur Abane moult griefs et des accusations saugrenues mais non moins haineuses. A croire qu�il s�est choisi ce dernier comme bouc �missaire expiatoire de son fiasco politique. C�est en tout cas ce que portent � croire ses derni�res attaques sur Abane, lesquelles ont franchi les limites de la dignit�. Son entretien au quotidien El Khabarest en effet un magma volcanique bouillonnant de haine et de rancune, d�gazant la frustration et la m�galomanie insatisfaite d�un dirigeant de second ordre hyper-�gocentr�. Dans mon dernier livre ( Ben Bella Kafi Bennabi contre Abane, les raisons occultes de la haine,Koukou, 2012), j�ai tr�s peu �voqu� son r�le aux c�t�s de Ben Bella. Il a sans doute �t� bless� d�avoir �t� ignor�, une fois de plus, et supplant� par Kafi et Bennabi aux c�t�s de Ben Bella, dans la comp�tition des anti-Abane, lui qui affirme sans vergogne que �sans moi et Ben Bella, la R�volution aurait �chou�. Au moment o� j�ai commenc� � �crire cet article, M. Mahsas �tait encore en vie. Aujourd�hui, il n�est plus de ce monde. Que son �me repose en paix. Je voudrais n�anmoins porter � la connaissance du public, int�ress� par cette p�riode de notre histoire, quelques faits et �l�ments d�informations pour lui permettre de se faire une id�e sur le r�le et la responsabilit� de chacun dans certaines p�riodes tragiques de notre combat lib�rateur. Je ne pr�tends pas d�tenir la v�rit� absolue, mais seulement un avis diff�rent de celui de M. Mahsas. Pour que le public ait un autre son de cloche. Le lecteur constatera de lui-m�me que M. Mahsas est l�artisan majeur de son propre �chec politique et qu�il n�avait pas besoin de Abane pour se fourvoyer dans un combat sans issue et d�nu� de sens. Rappelons qu�il s��tait oppos� de toutes ses forces au CRUA dans les colonnes de l�Alg�rie libre, le journal du MTLD, au moment crucial o� Boudiaf et ses amis s�attachaient activement � d�passer tous les clivages politiques pour mettre en place un front de lib�ration nationale. Ses violentes attaques lui vaudront d��tre exclu en repr�sailles par Boudiaf d�une r�union qui s�est d�roul�e � Berne pour la pr�paration de la lutte arm�e, r�union ayant regroup� Boudiaf, Didouche et Ben Bella en ao�t 1954 avec pour objet l�acquisition et l�acheminement des armes pour le d�clenchement de la lutte arm�e. Les frasques de M. Mahsas ont commenc� avant le premier coup de feu de novembre. Elles se poursuivront au cours de la lutte arm�e. Abane n�en est pas le fait g�n�rateur mais le facteur r�v�lateur. Qu�on en juge. Ali Mahsas se signale publiquement pour la premi�re fois au cours de la guerre de Lib�ration nationale par une lettre adress�e � Bachir Chihani, successeur de Ben Boula�d � la t�te de la zone des Aur�s-Nementchas. Saisie au cours de l'op�ration �Timgad� qui donna lieu � la meurtri�re bataille de Djeurf en septembre 1955, cette lettre, trouv�e par les parachutistes du colonel Ducourneau sur le cadavre d'un combattant de l'ALN, est attribu�e par les services sp�ciaux de l'arm�e fran�aise � Ben Bella. On sait depuis que cette lettre a �t� �crite de la main de Mahsas. Rapport�e dans le journal le Monde en octobre 1955, la diatribe de Mahsas s�me le trouble parmi les dirigeants du Caire et choquent les membres de la direction d�Alger. Et pour cause. Toute la ville en parle. La c�l�bre rubrique parisianiste du Monde est en effet enti�rement consacr�e aux attaques de Mahsas contre, non pas l�ennemi colonialiste pour sa guerre de reconqu�te livr�e au peuple alg�rien, mais ses camarades de la D�l�gation ext�rieure. L�affid� de Ben Bella se livre � un travail de division, gratuitement, si ce n�est pour satisfaire son ego et l�ambition d�vorante de son chef. Jugeons-en : �Khider et A�t Ahmed ne valent pas plus cher que les autres� Le seul qui pourrait � la rigueur se racheter ici est Yazid, et encore. Quand � A�t Ahmed, il est toujours le m�me, c'est un berb�ro-mat�rialiste� Khider est un homme cuit, il s'est embourgeois� et a vers� dans le chemin qui conduit � la d�ch�ance.� Notons au passage que le travail de sape de Mahsas adoss� � Ben Bella avait commenc� bien avant le Congr�s de la Soummam. Plus grave, dans une autre lettre (Mohamed Harbi, Les archives de la R�volution alg�rienne, T�moignage d'Ahmed Ben Rouis) adress�e au m�me Bachir Chihani, Mahsas se fait plus pr�cis et mena�ant : �Il faut liquider toutes les personnalit�s qui voudraient jouer � l'interlocuteur valable� Ben Bella, Mahsas et Boudiaf sont seuls responsables et d�positaires de la souverainet� de l'ext�rieur, les autres n'�tant que des ex�cutants.� Mahsas laisse donc clairement entendre qu�un noyau � Ben Bella, Boudiaf et lui-m�me � s�emploie � �contr�ler s�v�rement� les autres dirigeants et s�arroge l�int�gralit� du pouvoir au sein de la d�l�gation ext�rieure. Pis, il propose m�me de passer � l�acte : �La liquidation�� Ben Bella �tait-il au courant ? Dans quelles conditions a �t� r�dig�e cette lettre ? S�il est certain qu�elle l�a �t� pour le compte de Ben Bella, on ne sait � ce jour si c�est au su ou � l�insu de ce dernier. Il n'en fallait pas plus pour d�clencher l��moi des autres membres de la d�l�gation ext�rieure et les ires des dirigeants d�Alger. Dans une lettre dat�e du 4 novembre 1955 adress�e aux dirigeants du Caire, Abane, hors de lui, laisse �clater sa col�re : �Si Ben Bella est vraiment l�auteur de cette lettre, il m�rite la pendaison� Monsieur complote et se prend d�j� pour Gamal Abdenasser.� Tanc� et durement interrog� par ses pairs (Boudiaf, Khider, A�t Ahmed et Ben M�hidi qui �tait alors au Caire), Ben Bella finira par �tre blanchi. Il a �t� dit que Mahsas, sur demande de Ben Bella, accul� � la d�fensive, aurait accept� d�endosser la faute et de tout prendre sur lui pour pr�server l'avenir de son chef. Cette version est cependant contredite par celle de Serge Bromberger ( Les Rebelles alg�riens), selon lequel Ben Bella, entr� dans une violente col�re, aurait administr� une correction � Mahsas pour le punir de ce faux pas dont il a failli faire les frais. Toujours est-il que Mahsas est confondu. �L'auteur de ce document est Mahsas. Le fait est prouv�, lui-m�me l'a reconnu. Son cas a �t� discut� par le comit� des six et m�me par les anciens membres du comit� central qui consid�rent que cet individu n�a aucun droit de porter un jugement sur eux, lui dont l�attitude vis-�-vis du CRUA est connue pendant la crise de l�ex-MTLD�, �crit Khider. Dans sa lettre adress�e � la direction int�rieure le 2 d�cembre 1956 Mabrouk Belhocine Courrier Alger-le Caire), il conclut qu�en raison de �l�importance de Tripoli au moment o� nous travaillons pour un renversement de la situation en Tunisie, nous ne pouvons prendre la d�cision de l�en d�placer avant recevoir votre avis et de voir quelle attitude adopter � son �gard, d�une fa�on d�finitive�. Importance de Tripoli, en effet, car la capitale libyenne est le lieu de convergence de tous les convois d�armes en provenance de l�Orient. La d�signation, s�rement appuy�e par Ben Bella, de Mahsas � ce poste hautement strat�gique ne devait bien �videmment rien au hasard. Ainsi commence la deuxi�me affaire Mahsas. Nous sommes � la fin de l�automne 1956, quelques mois apr�s la tenue du Congr�s de la Soummam qui ent�rine la prise du pouvoir ex�cutif de la R�volution par les dirigeants de l�int�rieur. Aussi, Ben Bella est d�cid� � contrer, par tous les moyens, les d�cisions issues du Congr�s de la Soummam. Connaissant le talon d'Achille du CCE, il p�sera de tout son poids d�homme-lige du pouvoir nass�rien, en utilisant l'approvisionnement en armes comme moyen de pression par lequel il pense �tre en mesure de saper l�autorit� et la souverainet� de la nouvelle direction. Il va donc essayer de frapper l� o� �a fait mal. D'abord � la base de Nador, � l'ouest, o� se trouve le PC de la Wilaya V. C�est par l� que transitent obligatoirement les armes qui arrivent par le Maroc. Il prend contact avec Boussouf, le nouveau colonel commandant la wilaya oranaise o� il r�gne en ma�tre absolu depuis la d�signation de Ben M'hidi au CCE. M�me s'il n'approuve que du bout des l�vres les d�cisions du Congr�s de la Soummam, Boussouf, qui savoure sa toute nouvelle promotion, d�cline poliment l�offre d�alliance de Ben Bella et se contente de diriger tranquillement sa wilaya � partir du Maroc. Plus tard, quand il se fera tancer par Abane qui lui reprochera de g�rer sa wilaya comme une f�odalit� et de mettre en place la structure d��un Etat dans l�Etat� de type stalinien, il commencera � percevoir les politiques, surtout Abane, comme le �p�ril� qui menace son statut et sa carri�re. Il se souviendra alors de la proposition de Ben Bella et ralliera, quelques mois plus tard, sans h�siter, l�alliance des anti-Abane. Autre centre strat�gique que sollicite Ben Bella pour la r�alisation de son alliance anti-soummamienne, l'organisation logistique du FLN en Espagne, charg�e d'approvisionner l'ALN en armes. A sa t�te, M'hamed Yousfi, alias Angel, ancien responsable de l'OS � Alger sous la responsabilit� de Ben Bella. Yousfi refuse de marcher avec Ben Bella, d�cide d��accepter provisoirement les d�cisions prises � la Soummam� et se r�sout � �travailler sous le contr�le du colonel Ouamrane lui-m�me subordonn� au Docteur Lamine Debaghine, responsable des affaires ext�rieures�. Il d�cline ainsi l'offre de celui dont il n�h�site pas � �crire que �la personnalit� est une pure cr�ation des services de la propagande �gyptienne� et dont le �surmenage militant� consiste surtout � �brasser du vent� (Yousfi M'hamed, L'Alg�rie en marche, Editions Enal, Alger, 1985). Les tensions entre le CCE/Abane et l�ext�rieur/Ben Bella prendront une tournure dangereuse, mena�ant gravement la coh�sion nationale et l�avenir de la R�volution, � travers ce qui fut appel� la deuxi�me �affaire Mahsas� qui mettra d�finitivement � bas la carri�re r�volutionnaire de ce dirigeant � la personnalit� controvers�e et � la carri�re politique cahotante. Ali Mahsas, dit Ahmed, fut pourtant un militant nationaliste de la premi�re heure. Il commit sans doute l�erreur de lier indissolublement son destin � celui de Ben Bella auquel il voue depuis la p�riode OSienne une fid�lit� sans faille au point de d�voyer le sens m�me de son engagement. Cette deuxi�me affaire est infiniment plus grave. Outre qu�elle aboutit � la mort de plusieurs combattants et dirigeants de valeur, peu s�en est fallu qu�elle ne m�ne la R�volution � la guerre fratricide et au fiasco. Voici la concat�nation des faits. Souvenons-nous qu�apr�s sa premi�re incartade, Mahsas est maintenu � Tripoli sur cette route des armes qu'est la Libye. C�est l� qu�il va de nouveau intriguer, toujours pour le compte de Ben Bella, en projetant de mettre � profit, cette fois, la situation confuse qui r�gne dans l�Aur�s-Nememcha. Des dissensions diverses et vari�es, y opposent en effet des coteries qui aspirent toutes au monopole de la v�rit� r�volutionnaire en se targuant, chacune, d�incarner le patriotisme authentique et la foi religieuse la plus pure. Sans entrer dans les d�tails, car ce n�est pas l�objet de cet article, essayons de d�m�ler le fil de cette situation inextricable et explosive qui r�gne � la veille du congr�s de la Soummam dans cette r�gion Aur�s-Nememcha aux r�alit�s sociologiques des plus sp�cifiques. Comme dans les autres r�gions d�Alg�rie, la prise de conscience politique dans cette r�gion n�avait gagn� que les �lites urbaines et restait tr�s limit�e dans les douars et les villages. Elle ne commencera � s��tendre qu�apr�s le 1er novembre 1954. Entrepris par Ben Boula�d, le travail de conscientisation unitaire est repris en main apr�s l�arrestation de ce dernier, de mani�re efficace et vigoureuse par Bachir Chihani. Cet ancien medersien constantinois, natif du Khroub, ne tardera pas � buter sur les r�alit�s sociologiques chaouia-nemouchia : l�ordre hi�rarchique traditionnel et les r�flexes de groupes familiaux et tribaux. Cet �chec, Bachir Chihani le payera de sa vie. Concr�tement, il y a d�abord les rivalit�s ancestrales entre Chaouia et Nememcha, mises en veilleuse tant que rayonne l�aura de Mostefa Ben Boula�d dont l�autorit� arrive tant bien que mal � maintenir les �quilibres au-dessus des diff�rends. Apr�s l�arrestation de ce dernier, en f�vrier 1955 et l��chec de l�unification men�e au pas de charge par son rempla�ant, Bachir Chihani, trois factions se disputent le leadership des Chaouia-Nememcha. La premi�re a comme t�te d�affiche l�Aur�sien Omar Ben Boula�d, fr�re de Mostefa. La seconde, le Nemouchi Abbas Laghrour. La troisi�me, Adjoul Adjoul, autre Aur�sien qui ambitionne d��tre khalife � la place du khalife. C�est ce dernier qui fera assassiner Bachir Chihani le 29 novembre 1955, se dressera contre Ben Boula�d apr�s son �vasion de la prison du Coudiat sur laquelle il avait, semble-t-il, �mis de s�rieux doutes (d�apr�s un t�moignage recueilli aupr�s de Tahar Zbiri), avant de rendre � l�arm�e fran�aise une ann�e plus tard. Ces hommes exercent chacun une influence dont la sph�re ne co�ncide pas toujours avec les contours des appartenances tribales. Le retour de Ben Boula�d, �ph�m�re � il mourra en mars 1956, moins de 4 mois apr�s son �vasion de la prison de Constantine � ne suffira pas � remettre de l�ordre dans la confusion g�n�rale qui r�gne dans la r�gion. A cet imbroglio se grefferont d�autres antagonismes sur la fronti�re Est et en Tunisie, o� ne cessent d�affluer les maquisards de la Base de l�Est (r�gion de Souk-Ahras) et surtout ceux de la Wilaya I (Aur�s-Nememcha). Au point o�, aux dires de Salah Goudjil (compagnon de Mohamed Lamouri) rencontr� r�cemment, le PC de la Wilaya I s�installa carr�ment en territoire tunisien. Car c�est pr�cis�ment dans les r�gions frontali�res et en Tunisie, pays de transit et de stockage, que s�engage une comp�tition f�roce pour la captation des armes en provenance d�Egypte, via la Libye que contr�le Mahsas. Ces armes constituent un enjeu majeur car elles sont indispensables pour s�assurer une part du pouvoir et de la rente de plus en plus juteuse qu�il g�n�re. Les rivalit�s alg�riennes ne tardant pas � d�border sur les affaires internes tunisiennes, un autre antagonisme opposera les partisans du mod�r� Bourguiba � ceux du radical Salah Ben Youssef, lesquels sont �galement acquis au r�gime nass�rien, lui-m�me hostile � la toute jeune R�publique tunisienne. En toute logique la mouvance Ben Bella/Mahsas penche plut�t du c�t� des Youss�fistes pronass�riens et ne se g�ne pas pour le faire savoir. Tandis que le CCE m�nage l�autorit� bourguibienne en place et ne veut surtout pas que la R�volution alg�rienne s�immisce dans les affaires tuniso-tunisiennes. Sur le terrain, r�gne une situation politico-militaire dont la complexit� n'a d'�gale que l'extr�me fragilit� des �quilibres que seul le prestige d'un Mostafa Ben Boula�d avait su tant bien que mal pr�server. L'arrestation de ce dernier en f�vrier 1955, lors de son �quip�e libyenne en qu�te d'armement, puis sa mort au d�but du printemps 1956 lib�rent des forces centrifuges de toute nature, transformant la r�gion en th��tre d�affrontements fratricides sans fin. Chaque chef, qu�il soit chaoui, nemouchi ou de la r�gion de Souk-Ahras (Base de l�Est) affirme son autonomie par rapport aux autres, et se d�marque de la direction d'Alger et de celle du Caire, poursuivant pour son propre compte un combat lib�rateur auquel il donne la forme et le sens qui lui conviennent. Les Aur�s-Nementchas entament alors leur descente aux enfers dans �les crimes et les b�tises inh�rents � l'orgueil�, la zizanie et les r�glements de compte entre factions qui n'ob�issent qu'� leur chef. Comme en t�moigne le r�quisitoire plein d�amertume de ce commandant anonyme d'un camp d'instruction de l�ALN en Tunisie cit� par Gilbert Meynier dans son histoire int�rieure du FLN : �La soif de briller, la vanit� et l'arrogance se partagent vos c�urs alors que vous pr�tendez tous servir l'Alg�rie. Laissez-moi vous dire que vous la servez mal, tr�s mal� Laissez-moi vous rappeler que le peuple alg�rien a son mot � dire aujourd'hui comme demain. Laissez-moi vous dire que vous pouvez le sacrifier � vos ambitions et � vos querelles intestines, que vous pouvez continuer � lui faire perdre le b�n�fice de ses sacrifices, son ind�pendance, cette ind�pendance que vous pr�tendez lui acqu�rir ; mais qu'il n'a r�pondu � l'appel de la R�volution que pour secouer son esclavage, celui que voudrait lui imposer votre bon plaisir. Pendant que vos fr�res de l'Oranie et de l'Alg�rois se battent uniquement contre les Fran�ais, vous m�lez � ce m�me combat un combat fratricide, par gloriole personnelle et oubli de l'int�r�t national qui demeure le seul but de la R�volution�. S'ajoutant aux nombreuses pertes de la bataille de Djeurf du d�but de l'automne 1955, d'autres maquisards, d'autres chefs, tombent sans que l�arm�e coloniale, l�ennemi principal, faut-il le rappeler, n�ait � bouger le petit doigt. Et rien ne semble en mesure d�arr�ter l�engrenage infernal. Ni la mission d'Amirouche charg� par le congr�s de la Soummam de ramener l�ordre dans l�Aur�s � Zighoud qui fut charg� de la m�me mission pour les Nememcha est remplac� par Benaouda et Mezhoudi apr�s avoir trouv� la mort dans un myst�rieux guet-apens �, ni l�intercession du colonel Si Nasser, alias Mohammedi Sa�d, qui aggrave la situation en d�faisant ce que Amirouche mit tant de mal � mettre en place, ni les diff�rentes tentatives destin�es � r�tablir l'ordre et la hi�rarchie. Les ambitions personnelles s�exacerbent, les d�tournements de caravanes d'armes destin�es aux wilayas du centre (II, III IV), les rackets, les razzias et les massacres perp�tr�s sur les troupes de passage, parfois dans un esprit r�gionaliste, se multiplient. Ayant � lutter sur deux fronts, contre l'arm�e fran�aise et contre ses rivaux, chacun ne pense qu�� aff�ter son potentiel militaire et � d�velopper sa capacit� de nuisance. C'est le rush vers la Tunisie toute proche o� les armes envoy�es par Ben Bella d'Egypte, sont r�parties par Mahsas, son homme de confiance, d�p�ch� � cet effet d�s la fin de l'�t� 1956. Ce dernier r�partit les quotas selon le degr� d'all�geance des demandeurs qui d�cident d'ailleurs souvent de rester en Tunisie, arm�s jusqu'aux dents, plut�t que de refaire le long chemin du retour, r�put� difficile et dangereux. D�cid� � contrer par tous les moyens le congr�s de la Soummam, Ben Bella trouvera dans la n�buleuse Aur�s-Nememcha son meilleur terreau. La rencontre d�Ifri n�a pas encore pris fin, qu�il mobilise ses client�les pour les dresser contre la nouvelle direction dont il sait d�avance qu�il sera exclu. Mahsas, la cheville ouvri�re de ce travail de sape, entreprend habilement d�unifier les diff�rentes factions contre un ennemi commun, ce congr�s de la Soummam qu�il accuse de d�daigner la repr�sentation des Aur�s-Nememcha et surtout de rabaisser ses chefs au rang subalterne de �militaires� devant se soumettre au bon vouloir des �politiques�. Pour arriver � ses fins, Mahsas s�appuie sur les Chaouia contre les Nememcha. C�est en tout cas ce que croient ces derniers dont le chef Abbas Laghrour se rebiffe et projette d��liminer l�affid� de Ben Bella. La direction issue de la Soummam qui ne prend pas l�exacte mesure de l�opposition qu�elle suscite et du branle-bas de combat qui se pr�pare contre elle, se r�jouit m�me de la mission Mahsas qu'elle croit anim�e de nobles intentions unitaires en vue de r�tablir un peu d�ordre dans cette r�gion, les Aur�s-Nememcha, qui n�en finit pas de s�enfoncer dans la guerre fratricide. Dans une lettre touchante de candeur, dat�e du 8 septembre 1956 et adress�e aux responsables de la Wilaya II, Abane rassure : �Ben Bella a envoy� Mahsas � Tunis pour essayer de r�gler l'affaire des Aur�s-Nememcha.� Coup de th��tre le 22 octobre 1956 ! Un acte de piraterie a�rienne, perp�tr� au nom de l�Etat fran�ais, d�tourne l�avion transportant les dirigeants du Caire dont Ben Bella, lesquels devaient rencontrer Mohammed V et Bourguiba pour se pr�parer � la n�gociation avec l�autorit� coloniale. La d�l�gation ext�rieure est d�capit�e. Les Fran�ais, sans le savoir, viennent de mettre fin � une crise de l�gitimit� qui couvait entre le CCE et �les fr�res du Caire� et qui �tait le point d��clater au grand jour. Mais Mahsas, lui, est toujours l�, d�sormais affranchi de la tutelle benbellienne. Tout en pers�v�rant dans la ligne trac�e par son chef, Mahsas d�cide de travailler pour son propre compte et ses ambitions personnelles. Utilisant la Base de l�est et les troupes stationn�es aux fronti�res, il se rend ma�tre de la route des armes. Le CCE, par la voix d�Abane, d�cide de r�agir en restant toutefois conciliant et apaisant. D�s le 21 novembre 1956, Abane rappelle que �le comit� de Tunis est compos� de Mahsas, Brahim, Benaouda et Ga�d�. Moins de deux semaines plus tard, encore plus conciliant, il s�adresse de nouveau aux �aux fr�res de Tunis, Mourad (Benaouda) et Brahim (Mezhoudi)�. Tout en souplesse contrairement � ses habitudes, Abane, au nom du CCE, passe l'�ponge sur les ant�c�dents de Mahsas. Il �crit : �Nous vous confirmons que vous �tes accr�dit�s par le CCE pour repr�senter la R�volution � Tunis. Si Mahsas accepte de se joindre � vous pour former une �quipe qui travaillera sous les ordres du CCE nous ne demandons pas mieux. Sinon, laissez le tomber et mettez- vous au travail seuls� Pour revenir � Mahsas voyez-le une derni�re fois, expliquez-lui que tout le monde reconna�t l'autorit� du CCE et accepte les d�cisions du congr�s� Nous avons demand� une lettre � Ben Bella pour rappeler � l'ordre Mahsas� Si malgr� tout cela, Mahsas persiste dans son aveuglement, nous allons l'exclure publiquement. Mais t�chez d'�viter que l'on en arrive l��� Ma�tre A�t Ahc�ne, repr�sentant du FLN en Allemagne, tire �galement la sonnette d�alarme sur la situation qui r�gne en Tunisie et sur la fronti�re, du fait du travail de sape de Mahsas. Dans une lettre adress�e de Berne le 15 d�cembre 1956 au docteur Lamine, chef de la d�l�gation ext�rieure, l�avocat constantinois �crit : �La situation s'est aggrav�e, � Ali (Mahsas, ndla) a donn� l'ordre aux hommes de Amara (Bouglez, responsable de la Base de l�Est, ndla) et de Taleb (Taleb Larbi commandant les troupes de l'ALN stationn�es � la fronti�re, dans la r�gion de Tozeur, ndla) d'arr�ter tous les Alg�riens se dirigeant vers l'Alg�rie ou en provenance d'Alg�rie� Ali devient de plus en plus intransigeant� Brahim (Mezhoudi), Benaouda, Rachid (Ga�d) (repr�sentants du CCE � Tunis, ndla)) en danger, Ali de plus en plus m�chant� Le mat�riel bloqu� (� cause, ndla) du travail n�faste que fait Ali au nom de Ben Bella.� A�t Ahc�ne va m�me jusqu'� sugg�rer une intervention de Ben Bella par le biais de ma�tre Boumendjel, l'avocat des cinq, pour tenter de ramener Mahsas � la raison et le sommer de �rester tranquille et de cesser de nous mettre les b�tons dans les roues�. Je suis s�r qu'Ali ob�ira�, conclut ma�tre A�t Ahc�ne. B. A.