Très tôt le matin, ils étaient déjà quelques dizaines de journalistes et cameramen stationnés, en groupes épars, à quelques mètres de l'hôpital du Val-de-Grâce où le président Abdelaziz Bouteflika est examiné par les médecins depuis samedi soir. La météo n'arrange pas les affaires des journalistes. Bien que nous soyons à la fin du mois d'avril, il fait frisquet dans Paris. Les journalistes font le va-et-vient entre l'hôpital et les brasseries de la rue Berthelot du boulevard Port- Royal. L'attente est longue et, surtout, aléatoire, infructueuse. Contrairement à la précédente hospitalisation du président Bouteflika en 2005, rien ne filtre. Pas même la moindre fuite. Les autorités françaises se refusent à tout commentaire. Le seul ministre qui a fait mention de l'hospitalisation du président Bouteflika au Val-de-Grâce, Laurent Fabius, chef de la diplomatie française, s'est borné à souhaiter prompt rétablissement au chef de l'Etat algérien, sans rien ajouter de plus. Auprès de l'administration de l'hôpital, il est carrément impossible d'avoir des informations précises sur l'état de santé du président algérien. «Il va bien, c'est tout ce que l'on peut vous dire pour l'instant», lâche un représentant de l'équipe médicale qui précise «parler en son nom» et qu'il n'est ni chargé de communiquer des informations ni de rassurer l'opinion. «Le président doit faire d'autres examens ce soir et probablement lundi et mardi. Vous saurez alors le résultat.» Savoir quoi ? C'est la bouteille à l'encre. L'hôpital ne communique pas : c'est la règle, ici, où l'on reçoit toutes sortes de grandes personnalités et où la discrétion est une obligation similaire à celle que s'imposent les banques suisses soumises au secret bancaire. Rien à attendre donc de l'administration du Val-de-Grâce. C'est clair, net et précis. À peine a-t-on appris que l'arrivée du président Bouteflika a été précédée par un branle-bas de combat dans le service hospitalier qui devait l'accueillir, des dizaines de malades ayant été transférés dans l'urgence vers d'autres pavillons de soins. Circulez, il n'y a rien à voir ! Surtout pas cette année préélectorale où, derrière chaque mot, on espère déceler l'indice qui confirmerait ou infirmerait la candidature du «président malade» à l'élection présidentielle prévue en 2014. Mais, devant le Val-de-Grâce, on reste quand même à l'affût. Il règne, cela dit, une curieuse atmosphère autour de l'hôpital du Val-de-Grâce, comme une atmosphère d'incrédulité, de frustration. Le sentiment qu'on nous cache quelque chose est dans toutes les têtes. Un médecin algérien nous affirmait, la veille, qu'un accident vasculaire à cet âge est rarement bénin. Mais comment le confirmer ? Et auprès de qui ? On spécule. En 2005, on avait fini par tout savoir sur l'ulcère hémorragique. Cette année, on est incollable sur la fameuse «ischémie». Plus personne parmi les journalistes chargés de couvrir l'affaire n'ignore que ce barbarisme médical signifie la privation d'apport sanguin et donc d'oxygène et que, le plus souvent, il est provoqué par un vaisseau sanguin qui se bouche. On a compris aussi que, dans le cas de Bouteflika, l'ischémie fut brève et donc le caillot s'est vite dissous, ce qui fait dire aux médecins algériens que l'état de santé du président algérien Abdelaziz Bouteflika «évolue bien», et qu'il n'a subi «aucune lésion irréversible». Soit. Mais pourquoi des «examens complémentaires » aussi médiatisés lorsque l'accident est jugé bénin ? Des médecins algériens qui ont fait le voyage avec le président répètent à qui veut bien les entendre que, même bref et minime, ce genre d'accident est considéré comme une alerte sérieuse puisque une personne sur trois qui en fut victime a subi un véritable AVC dans l'année qui a suivi. Cela ne semble convaincre personne. Bon nombre de journalistes qui suivent l'affaire cette année avaient couvert, en 2005, l'épisode «ulcère hémorragique», et se souviennent avoir été inondés de propos rassurants avant que, trois années plus tard, ils apprennent de la bouche du président Bouteflika lui-même qu'il avait été, en fait, «gravement malade » et qu'il a dû à la providence de s'en être sorti indemne. Comment croire en 2013 à la version rassurante des autorités algériennes ?