Mentir, une pratique vieille comme le monde. Mentir pour se mettre en valeur, pour se sortir d'une mauvaise passe ou épargner des souffrances inutiles à son prochain. De l'élève, qui invoque le passage de vie à trépas de sa grand-mère déjà décédée depuis belle lurette pour faire l'école buissonnière, au mari qui prétexte des missions à l'étranger pour courir le cotillon, en passant par le fonctionnaire qui invoque un enterrement pour aller faire la sieste chez lui, le mensonge se décline en mille et une façons. Depuis notre plus tendre enfance, on nous a toujours seriné : «Mentir c'est très vilain !» Tout petit, on a enfreint cette règle, une fois, deux fois, et comme nos parents n'ont pas découvert le pot aux roses, on a inventé des mensonges à chaque fois que le besoin s'est fait sentir. Mais pourquoi donc l'être humain en arrive-t-il à dissimuler la vérité ? Anecdotes des uns et des autres. Pinocchio,créé par Gepetto, a le nez qui s'allonge à chaque fois qu'il ment. Pour nous, humains, aucune transformation flagrante, à l'exception parfois d'un léger bégaiement pour les débutants ! Force est de constater que la plupart des gens mentent avec aplomb sans ciller. De vrais comédiens ! Cela va du petit bobard de votre fille qui invoque une migraine pour ne pas vous accompagner chez la famille, à l'amoureuse qui vous fait croire qu'elle révise à la bibliothèque alors qu'elle a un rencard avec son Jules, en passant par le mari volage qui invente une réunion de dernière minute pour retrouver sa maîtresse. Au chapitre «je te mène en bateau», les exemples sont légions. Salima, 37 ans, éducatrice Mentir pour se mettre en valeur est monnaie courante. Salima se souvient avoir tricoté des tissus de mensonges au sujet de sa mère quand elle était gamine. «Mon père est mort jeune nous laissant sans ressource maman et moi. Pour subvenir à mes besoins, elle faisait le ménage chez des familles aisées. A l'école, toutes mes camarades parlaient de leur maman médecin, avocate, dentiste, professeur... Moi, j'avais trop honte de leur révéler la vérité, de peur qu'on se moque de moi. Alors, j'ai inventé un métier plus gratifiant à l'auteure de mes jours : infirmière. J'avais l'impression d'être mieux acceptée par mes petits camarades, de gagner leur estime, ainsi que leur sympathie. Plutôt crever que d'avouer que ma mère était femme de ménage ! En grandissant, j'ai assumé ce fait, mais à l'époque, c'était encore tabou pour moi, je dirai même déshonorant», reconnaît Salima. Réda, 34 ans, informaticien Mentir, pour arriver à ses fins, rien de plus facile ! Cependant, la vérité finit toujours par éclater. Réda a dissimulé son véritable âge le jour où le grand amour s'est présenté à lui sous les traits d'une belle jeune femme. «Elle avait quatre ans de plus que moi. Comme je craignais de la voir filer à l'anglaise à cause de notre écart d'âge, j'ai travesti la vérité en prétendant que j'étais son aîné de cinq ans. J'ai gardé le secret pendant six mois, mais comme notre relation devenait sérieuse, j'ai dû lui annoncer la vérité. Au début, elle l'a très mal pris m'accusant de gros menteur. Puis tout s'est arrangé. Aujourd'hui, mariés et heureux ensemble, nous attendons notre premier enfant.» Sarah, 18 ans, lycéenne Sarah avoue avoir régulièrement recours au mensonge. «Lorsqu'on est issu d'une famille conservatrice comme la mienne, on passe son temps à mentir pour sortir. Je ne parle même pas de rendez-vous galants. Je mens tout le temps pour voir mes amis. Tous les prétextes sont bons : aller au centre médical, réviser avec une copine... Pour moi, mentir c'est arracher un peu de liberté.» Louisa, 44 ans, esthéticienne De nombreuses familles sont quotidiennement confrontées à un terrible dilemme lorsque le médecin leur annonce la maladie grave d'un de leurs proches. Faut-il dire la vérité au malade ou le laisser couler ses derniers jours en paix ? «Ma mère a été hospitalisée dans un état grave, nous révèle Louisa. Les médecins ont diagnostiqué un cancer du pancréas avancé. D'un commun accord avec mes frères et mes sœurs, nous avons décidé de le cacher à notre maman. On ne voulait pas lui en rajouter. On savait qu'elle était condamnée et on a fait de notre mieux pour bien l'entourer en lui assurant que les médecins étaient très optimistes et qu'elle se rétablirait bientôt. En fait, on a menti à ma mère jusqu'à son dernier souffle, mais on l'a fait par amour pour elle.» En somme, il y a les petits mensonges qui ne font de mal à personne, mais il y a aussi les grosses couleuvres qui font de gros dégâts. Dissimuler la vérité pour épargner des souffrances aux gens que l'on aime n'est finalement qu'un petit arrangement avec une réalité parfois insupportable !