Fidèle à ses inspirations musicales premières, Ali Amrane déploie une palette de rythmes tantôt groove et folk, tantôt énergiques qui nous plongent directement dans l'univers musical de l'artiste dont la voix est prompte à s'élever, à se faire haute mais aussi à se poser sur des riffs mélancoliques et langoureux. Le tout accompagnant une thématique dominée par le spleen. Tizi n Leryah, le titre emblématique de ce nouvel opus d'Ali Amrane, est cet espace temps, le nôtre, façonné par une ritournelle du mal-être et des infortunes des mauvais jours et du temps qui passe. Telle est l'atmosphère dépeinte dans ce quatrième album d'Ali Amrane qui est dans les bacs depuis quelques jours et qui aborde une thématique avec une sensibilité poétique aiguisée et une vision politique d'une indéniable pertinence. Au-delà des mots transparaît un romantisme, un certain regard qui donne du sens à des événements vécus ou ressentis pour construire la trame des textes chantés qui, d'une chanson à l'autre, égrènent une ritournelle du mal-être. L'artiste donne ainsi de la voix aux mots et aux maux de la vie. Intraduisible en français, selon les explications de ce dernier, Tizi n Leryah se donne à «lire» comme le versant métaphorique d'un état d'esprit d'un individu en situation «d'introspection », de retour sur soi et de questionnement existentiel qui exprime un sentiment de désenchantement et de pessimisme face aux vicissitudes du temps et de l'existence. Composé des mots Tizi qui veut dire col, point culminant et élevé et de leryah (les vents), Tizi n Leryah rend compte du regard impressionniste de l'artiste sur son temps et son époque. Une attitude renforcée par des indications iconiques figurant sur la jaquette et l'affiche accompagnant le CD qui symbolisent, selon l'artiste, un parcours ininterrompu mais haché par des événements existentiels et historiques. L'auteur fait référence, ici, au vécu, à l'expérience historique d'une génération contrariée dans ses quêtes et ses objectifs. Une thématique très actuelle que traduisent des chansons comme Yettruhu Lhirqui renvoie à la notion de perte de patience, d'échappée et de fuite du temps ; D yir ddunit (les temps sont durs, maudite vie)... Des chansons qui disent un pathos et un univers où s'expriment pêle-mêle le désenchantement, la lassitude, un sentiment d'inutilité, la mal-vie, la révolte, la nostalgie d'un temps qui fut et le désir de fuite à la recherche de l'amour refuge, de la paix de l'âme pour des êtres las d'être le jouet d'enjeux et de luttes qui les dépassent comme dans la chanson Kkes-iyi Akkin tameghetl-agi (éloigne de moi ce fusil), des mots qui disent le pacifisme et le refus de la violence et de conflits imposés. Dans ce nouveau produit artistique sur des textes et des musiques qui portent, contrairement à ses deux précédentes livraisons, sa signature exclusive. Ali Amrane innove sur le plan instrumental en introduisant des plages musicales de violon et de saxophone. «Je voulais apporter du nouveau sur le plan du son», déclare Ali Amrane qui justifie ainsi la nouvelle teinte musicale apportée à son nouveau produit, tout en se plaçant toujours dans une démarche de continuité et de synthèse. «J'essaie de faire le lien entre tout ce qui a nourri mon inspiration et mon univers musical quand j'étais jeune et ce que j'ai découvert plus tard dans la musique occidentale, le rock, en particulier. Cela étant, je n'ai pas tout à fait abandonné les instruments qui caractérisent notre musique folklorique kabyle mais sans pour autant qu'ils soient dominants sur les restes de l'orchestration», a déclaré l'artiste dans sa conférence de presse. Une partie du travail technique de son album sorti récemment a été effectuée au Canada.