A la fin de l'audition du directeur général des Douanes algériennes, Abdou Bouderbala, par la Commission des affaires étrangères, de la coopération et de l'émigration de l'Assemblée populaire nationale (APN), son président, Belkacem Belabbas en l'occurrence, a jeté un pavé dans la mare qui aura éclipsé tous les chiffres, non moins importants, communiqués par l'hôte du jour. Lyas Hallas - Alger (Le Soir) - A en croire M. Belabbas, nos frontières sont plutôt des passoires et la contrebande réalise des chiffres d'affaires beaucoup plus importants que les réseaux légaux de distribution. «Nous ne sommes que 37 millions alors que nous importons, en produits alimentaires, de quoi nourrir 90 millions de bouches. Il y a un travail à faire à notre niveau (la commission, ndlr) pour proposer des solutions à même de juguler ce phénomène de contrebande », a-t-il déclaré, s'adressant plutôt aux membres de sa commission. Il a précisé en marge de cette audition que «certaines wilayas frontalières consomment, à titre d'exemple, 50 kg de semoule par habitant et par jour». «Cela dépasse l'entendement !», a-t-il ajouté. Ce sont donc des produits de première nécessité que l'Etat algérien subventionne à coups de milliards de dollars de transferts sociaux, et qui fuitent à travers les frontières pour approvisionner les commerces des pays de toute la région. Le parlementaire, qui n'a pas révélé la source de ces chiffres, n'a pas manqué de citer un autre produit non moins prisé par les contrebandiers : les carburants, sans donner plus de détails. 157 tonnes de cannabis saisies en 2012 Si les économistes s'accordent à dire que la seule solution à même d'éradiquer la contrebande et arrêter cette saignée est la création d'une zone de libre-échange où les prix de tous les produits évolueront suivant les règles du marché – les contrebandiers n'auront plus aucun intérêt à organiser une telle activité, les Douanes algériennes ont d'ici là du pain sur la planche. Le DG des Douanes algériennes, de son côté, a fait remarquer que son institution enregistre, à l'exception du cannabis (157 tonnes saisies par les différents services de sécurité en 2012), plus de sorties que d'entrées de marchandises. «157 tonnes saisies, les quantités qui passent à travers le maillage sécuritaire sont de combien alors ?», s'est-il interrogé. M. Bouderbala, qui devait intervenir sur les facilités au profit des émigrés algériens pour la saison estivale, a communiqué des statistiques qui donnent le tournis. Deux millions d'articles contrefaits saisies en 2012 Le DG des Douanes a suggéré de «durcir la réglementation relative à la contrefaçon». Ce sont 2 millions d'articles contrefaits, a-t- indiqué, qui ont été saisis l'année dernière par ses douaniers. Des articles difficilement différentiables des produits authentiques. La lutte doit ainsi voir se conjuguer les efforts de plusieurs institutions des douanes au ministère du Commerce en passant le Parlement. «Donnez-nous les instruments juridiques pour protéger l'économie nationale», a-t-il insisté. M. Bouderbala a aussi revendiqué une augmentation du budget de fonctionnement des douanes, insuffisant à ses yeux pour faire face aux défis de l'institution qui a vu ses prérogatives se multiplier avec l'ouverture du marché. En ce sens qu'il a souligné les exploits réalisés par les Douanes depuis au moins 2006 grâce aux programmes de modernisation des méthodes de travail et de formation des douaniers. Huit milliards d'euros de recettes fiscales «Malgré le démantèlement tarifaire que prévoient l'accord d'association avec l'Union européenne et autres accords de libre-échange, malgré les exonérations et les franchises, les recettes douanières sont passées de 280 milliards de dinars (2,8 milliards d'euros environ) en 2006 à 790 milliards de dinars (7,9 milliards d'euros environ ) en 2012, soit une augmentation de 180 %. De même que nous avons cumulé 370 milliards de dinars (3,7 milliards d'euros environ) de recettes pour les seuls cinq premiers mois de l'année en cours. Cette amélioration des recettes est due à une meilleure maîtrise des éléments de taxation. Le système informatique nous permet de détecter les fausses déclarations et lutter et contre la fraude fiscale, pour ceux qui sous-facturent leurs marchandises et contre le transfert illicite de devises pour ceux qui les surfacturent», a-t-il annoncé. Dans ce contexte, il convient de signaler que les importations algériennes ont atteint 53 milliards de dollars en 2012. Evoquant les facilités devant bénéficier aux émigrés vacanciers algériens, objet des préoccupations des députés, M. Bouderbala a estimé que son objectif est plutôt de «réduire au maximum le temps de traitement douanier à travers les enceintes portuaires et aéroportuaires ainsi que les points de passage terrestres et ce, pour tous les voyageurs sans exception, pas uniquement les émigrés durant la saison estivale, mais à longueur d'année ». Cinq millions d'Algériens ont voyagé en 2012 En matière de circulation des personnes, les Douanes algériennes ont enregistré en 2012 5,6 millions d'entrées (3,7 millions en 2010) et 5,2 millions de sorties (3,8 millions en 2010). Le traitement douanier représente 87,16 % du temps global, et toute réduction de ce délai engendre une réduction sensible dans le temps de traitement global des voyageurs aux frontières. Il a été estimé en 2012 environ 3 heures par car-ferrie, 4 minutes par personne véhiculée et une minute par personne sans véhicule, selon les chiffres communiqués. M. Bouderbala a déclaré qu'«un travail monstre d'information et de sensibilisation se fait par son institution qui a mis à la disposition des voyageurs entrant en Algérie deux sites Internet où ils peuvent trouver toutes les informations leur facilitant un passage rapide aux postes douaniers ainsi que les imprimés des documents à remplir». Et de conclure : «Nous allons poursuivre nos efforts. Un couloir vert a été même institué pour éviter aux familles et aux personnes âgées et à mobilité réduite les tracasseries du passage. Cela ne veut pas dire que nous laissons faire des gens qui s'infiltrent dans ce couloir pour passer des marchandises interdites, les contrôles se poursuivront en amont et en aval. La Direction du renseignement douanier, qui existe depuis une année et demie, collabore avec les douanes des pays avec qui nous avions signé des accords de coopération, fournit les informations nécessaires pour faire des contrôles ciblés.»