Les projets d'investissements nationaux et étrangers ont atteint près de 94 milliards de dollars entre 2002 et 2012. Ce montant qu'avance l'Agence nationale de développement des investissements (Andi) reflète-t-il réellement la réalité ? Chérif Bennaceur – Alger (Le Soir) - Un montant extraordinaire, certes, mais sujet, cependant, à caution. Le montant des projets d'investissements enregistrés de 2002 à 2012 en Algérie l'est assurément. Ainsi, citée hier par l'agence Algérie presse service (APS), l'Andi indique que près de 47 600 projets d'une valeur globale de 6 933,6 milliards de dinars, soit 93,7 milliards de dollars, ont été enregistrés durant la décade écoulée. Selon cette agence, 47 170 projets déclarés sont des investissements locaux, soit 99,1% du total des engagements. En termes de valeur, ces investissements locaux ont représenté 4813,1 milliards de dinars (69%). Quant au 0,9% restant, l'Andi le décline en investissements impliquant des étrangers (partenariat ou investissement direct étranger, IDE). Soit 423 projets d'un montant de 2120,5 milliards de dinars. Au-delà de la faiblesse des engagements étrangers, malgré une hausse sensible par rapport à 2010, année durant laquelle 360 projets ont été réalisés par des étrangers sur un nombre de 25 015 projets enregistrés, et du nombre d'emplois prévus (755 170 emplois dont 664 057 au titre des investissements locaux et 91 113 emplois par le biais des IDE et du partenariat), les données de l'Andi restent, ce faisant, imprécises. Les données de l'Andi, pertinentes ? Ces montants sont-ils présentés en termes de flux ou de stocks ? Ces investissements ont-ils été concrétisés sur le terrain ou sont-ils restés au stade des intentions ? Ont-ils été avalisés en amont ou en aval par les différents organes d'habilitation économique (Conseil national de l'investissement, CNI, Conseil des participations de l'Etat, CPE et autres organes concernés) ? Ces projets déclarés sont-ils structurants ? Ont-ils généré réellement de la valeur ajoutée, de la richesse ? Quel est leur coût ? L'Agence reste dans le flou, même si elle détaille avec minutie les montants par secteur d'activité, par valeur et nombre d'emplois prévisionnels. Les statistiques de l'Agence Ainsi, l'on note «la forte prépondérance » des secteurs des transports (26718 projets), soit 56,14% du nombre global, et du BTPH (9 081 projets, 19,08%), outre un nombre de 4 809 projets de services (10,10%). Ce qui démontre clairement l'intérêt pour l'investissement non productif. Cela même si l'Andi avance un nombre de 5 413 projets industriels (11,37%) d'une valeur assez importante (2 960 milliards de dinars, soit 42,70% du montant global). En outre, l'on indique que 612 projets ont été enregistrés dans le secteur de l'agriculture (1,29%), 545 dans la santé (1,15%), 409 dans le tourisme (0,86%) et seulement 4 projets dans les télécoms (0,01%). En termes de valeur, l'Andi indique des montants de 1 057 milliards de dinars dans le BTPH (15,24%), de 9 68,4 milliards de dinars dans les services (13,97%), de 781,9 milliards de dinars dans le tourisme (11,28%), de 6 55,5 milliards de dinars dans le transport (9,46%) et de 347,8 milliards de dinars dans les télécoms (5,02%). Pour les emplois, l'Agence relève que le secteur de l'industrie est le premier pourvoyeur d'emplois durant cette décennie, puisqu'il a permis la création de 220 467 postes (29,19%), suivi par le BTPH (188 349 emplois, 24,94%), les transports (138 855 postes, 18,39%), les services (81 806 postes, 10,83%), le tourisme (49 780, 6,59%) et le commerce (15 500 emplois, 2,05%). Concernant les investissements étrangers, l'on relève un engagement assez soutenu pour le secteur industriel avec 239 projets (56,50%) pour un montant de 978,7 milliards de dinars, suivi par les services avec 81 projets pour 504,5 milliards de dinars, le BTPH en troisième place avec 64 projets d'un coût de 41 milliards de dinars. Par secteur juridique, l'Andi a enregistré 47 028 projets privés, soit 98,81% du chiffre global déclaré pour une valeur de 4 417,8 milliards de dinars et 509 projets d'investissement public (1,07%) pour 1 837,3 milliards de dinars (26,50%) et 56 projets mixtes (public privé), soit 0,12% pour un montant de près de 678,4 milliards de dinars (9,78%). Des données décalées de la réalité ? Des données censées démontrer la forte dynamique économique durant la décade écoulée mais qui suscitent, cependant, l'interrogation par rapport à leur réalité, leur pertinence et l'impact réel des mesures gouvernementales liées. Et d'autant que cette forte dynamique supposée n'aurait pu être possible si l'économie nationale n'était pas dépendante des hydrocarbures et que la dépense publique n'avait pas suppléé à l'absence d'engagements effectifs tant publics que privés, au-delà des errements de la politique économique... Ainsi, l'agence en charge de la promotion des investissements considère tacitement que les changements récurrents de la règlementation demeurent sans effet sur l'évolution des engagements, sans toutefois prendre en considération l'échec de projets nationaux et étrangers en raison justement de cette instabilité juridique. Et une instabilité juridique couplée à des distorsions, de l'illisibilité que le Forum des chefs d'entreprises FCE) n'avait pas manqué, en janvier 2012 déjà, de stipendier, en considérant l'existence d'un hiatus entre les données institutionnelles et celles patronales. En attendant la révision du code des investissements Notons, néanmoins, que l'Andi se félicite des résultats de 2012, indiquant que 7 715 projets d'investissements, d'une valeur de près de 816 milliards de dinars et devant créer plus de 91 400 emplois, ont été enregistrés. Pour les investissements impliquant des étrangers, l'agence indique qu'ils ont atteint 17 projets pour un montant d'environ 42 milliards de dinars, et ce, dans le contexte où une révision, voulue davantage stimulante pour les engagements nationaux et étrangers, est en cours concernant le code des investissements. Ainsi, et selon les propos récents du ministre de l'Industrie, de la PME et de la Promotion des investissements, Cherif Rahmani, cette relecture de la réglementation régissant l'investissement est basée sur une vision globale, la cohérence, une démarche de modernisation et de mise à niveau aux standards internationaux et la stabilité réglementaire et institutionnelle. Ce réaménagement réglementaire et sa traduction sur le terrain suffiront-ils à donner de la crédibilité aux différents montants d'investissements annoncés ? A apprécier.