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FUITE MASSIVE DES CAPITAUX ET ARGENT DES GRANDS RESEAUX DE LA CORRUPTION
L'Île de Man, un des paradis fiscaux préférés des mafieux algériens
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 06 - 2013

Beaucoup d'Algériens se posent la question de savoir où va l'argent des grands réseaux de la corruption et vers quelles destinations, hors des frontières, se dirigent d'énormes capitaux non déclarés et/ou mal acquis, échappant au fisc et aux circuits bancaires autorisés ? Dans les paradis fiscaux, souvent en Europe, parfois un peu plus loin, en Asie et dans des îles du Pacifique, et bien entendu dans les pays du Golfe. En Afrique aussi, un point de chute pas très connu, un pays dit «ami et frère» qui a pour nom les îles... Seychelles ! Un paradis prisé des mafieux algériens se trouve dans les eaux britanniques : l'Île de Man, bien connue notamment des anciens dirigeants de Khalifa.
Mais qu'est-ce qu'un paradis fiscal ? Un paradis fiscal se caractérise par cinq critères non cumulatifs : opacité, fiscalité très basse, voire nulle, facilités juridiques pour créer des sociétés-écrans, absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières ou judiciaires des autres pays, faiblesse ou absence de régulation financière. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), une quarantaine d'Etats dans le monde sont considérés comme des paradis fiscaux. Il est difficile de définir les paradis fiscaux, car leurs activités renvoient à des dimensions complexes. Au niveau le plus simple, ce sont des lieux ou des pays (tous ne sont pas des Etats souverains) qui disposent d'une autonomie suffisante pour promulguer leurs propres lois et règles fiscales, financières et autres. Ils profitent de cette autonomie pour édicter des normes conçues pour aider des individus ou des sociétés non résidents à échapper aux obligations réglementaires des territoires où ces personnes physiques ou morales réalisent effectivement leurs transactions économiques. Les paradis fiscaux appartiennent ainsi au monde de l'offshore, celui qui permet de découpler le lieu réel d'une transaction et le lieu de son enregistrement juridique. Une deuxième caractéristique que partagent les paradis fiscaux est le secret — bancaire, juridique, etc. — qui permet à l'usager des structures relevant du droit local de le faire dans un anonymat total ou partiel. Une troisième caractéristique est la facilité et le faible coût d'accès avec lesquels on peut immatriculer des sociétés sur leur territoire.
Aucun changement réel en perspective
Aujourd'hui, 72% des entreprises cotées sur la Bourse de Hong Kong sont enregistrées aux Caïmans et aux Bermudes. Depuis des lustres, la lutte contre les paradis fiscaux ressemblait à la fable du pot de terre contre le pot de fer. Que pesaient, en effet, les beaux principes de la transparence financière et fiscale face à l'opacité des coffres-forts offshore de la planète ? En fait, il n'y a jamais eu de réelle volonté politique des pays riches de lutter contre les paradis fiscaux. Tous ces discours et autres résolutions n'ont jamais pesé grand-chose, en réalité, tant les sommes colossales qui se réfugiaient, en toute impunité, à Genève ou à Singapour, à Chypre ou au Luxembourg, à Jersey ou dans les îles Caïmans ridiculisaient la volonté seulement affichée des Etats de lutter contre la fraude et le blanchiment. Même la faillite de la banque américaine Lehman Brothers et la crise financière mondiale de l'automne 2008 n'avaient pas réussi, en dépit des déclarations martiales du G20, à modifier le rapport de forces. De fait, depuis la promulgation, en 2010 aux Etats- Unis, du «Foreign Account Tax Compliance Act» (Facta), qui oblige les banques étrangères à livrer les noms de leurs clients américains, l'offensive semble lancée, mais en rangs dispersés. Tout y a contribué : les crises financières mondiale et européenne (de la crise des sub-primes à celles d'Islande, d'Irlande ou de Chypre), la lutte des Etats contre leur endettement ou, récemment, l'enquête internationale «OffshoreLeaks», menée par un consortium international de journalistes mettant à nu le maillage tentaculaire de la finance de l'ombre. Même les pays les plus récalcitrants font semblant de s'y employer en acceptant le principe de l'échange automatique d'informations sur les comptes bancaires des non-résidents. Même le Luxembourg a déclaré s'engager dans cette voie, mais avec lui, les volte-faces sont... monnaie courante ! L'Autriche —réceptable de beaucoup de capitaux des dictateurs des pays arabes et africains — a clairement affiché récemment son opposition à tout accord qui réduirait à néant sa pratique du secret bancaire. Le président du Conseil européen a fait de la lutte contre les paradis fiscaux l'un des dossiers-clés du prochain sommet des Vingt-Sept. Et l'OCDE doit faire un rapport au prochain G20, en juillet 2013, sur la mise en œuvre technique de ces règles nouvelles de transparence. Un rapport de plus ? Certes, on est encore loin du
Les grands pays y trouvent le moyen de cacher leurs pratiques peu avouables
En la matière, le diable est dans les détails et l'imagination juridique de tous ceux qui veulent contourner la législation est inépuisable. Il faudra convaincre le reste du monde de jouer le jeu, ce qui n'est pas une mince affaire quand on sait que la moitié du commerce mondial transite par les paradis fiscaux. De même, il faudra imposer davantage de transparence aux personnes morales, trusts et autres sociétés-écrans, plus ou moins fantomatiques, qui permettent les montages les plus opaques. Enfin, tout démontre que le système offshore a de la ressource. Les grands pays y trouvent le moyen de cacher leurs pratiques peu avouables et les mafias de tous les pays chercheront, à l'évidence, à protéger leurs circuits de blanchiment. Bref, la lutte du pot de terre contre le pot de fer n'est pas terminée. L'Algérie des grands capitaux et de l'argent de la corruption n'est pas près de se sentir concernée, et pour cause, par cette lutte contre les paradis fiscaux... L'Île de Man, un des paradis fiscaux préférés des mafieux algériens : ils y ont domicilié nombre de sociétés-écrans. Cette toute petite île de 80 000 habitants dépend directement de la Couronne britannique et a son propre Parlement. Elle vit principalement de son secteur financier. L'impôt sur les sociétés y est inexistant et le système de «trust» permet de déléguer la gestion de fortunes privées ou de sociétés dans des conditions optimales pour leurs propriétaires. Dans le centre-ville de Douglas bat le cœur de Man : outre le siège du gouvernement, banques internationales (HSBC, Barclays, BNP Paribas...), compagnies d'assurances et cabinets d'avocats spécialisés se concentrent dans un périmètre guère plus grand qu'un terrain de cricket. «Les services financiers représentent 40% du PIB local, témoigne John Spellman, directeur d'Isle of Man Finance, l'organisme gouvernemental chargé de faire la promotion de la place de Douglas. Mais, si on prend en compte toutes les activités qui en dépendent, on dépasse largement les 50 %.»
Quelque 30 000 sociétés pour... 80 000 habitants !
La spécialité locale, c'est le trust, une structure qui permet de confier ses biens, à perpétuité, à un gestionnaire, le trustee, qui en assure la garde au profit d'un tiers, le bénéficiaire. Le trust a surtout pour avantage, dans ces juridictions anglo-saxonnes qui ignorent le secret bancaire, de garantir la confidentialité. Les 109 trust compagnies de l'île sont ainsi largement utilisées à des fins d'«optimisation fiscale», selon l'euphémisme en vigueur ici. Outre de grandes fortunes, nombre d'entreprises internationales y ont recours : compagnies pétrolières, sociétés minières sud-africaines, groupes exportateurs chinois ou encore studios de Bollywood. Au total, pas moins de 30 000 sociétés sont enregistrées sur l'île. Près de 1 pour 2 habitants... Le groupe Khalifa en avait profité, une partie de «ses avoirs» avait été transférée et était gérée à l'Île de Man...


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