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KIOSQUE ARABE
Aujourd'hui comme hier et...
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 06 - 2013


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Cette chronique est dédiée à notre regretté ami et confrère, Kheireddine Ameyar, qui nous a quittés le 9 juin 2000, il y a treize ans. Plus l'absence est longue, plus triste est la sensation de manque qu'elle suscite.
Ahmed HALLI
L'une des dernières sorties publiques de la sociologue égyptienne Nawal Saadaoui, Place Tahrir : «Il est préférable d'avoir affaire aux militaires qu'aux Frères musulmans. Avec les militaires, tu peux parler, parce qu'ils s'expriment en leur nom, mais avec les Frères musulmans, c'est impossible. Ils s'adressent à toi en tant que représentants de Dieu, et tu ne peux pas contredire Dieu, n'est-ce pas ?» La vénérable octogénaire et éternelle opposante qu'est Nawal aurait pu citer l'exemple de ce non-dialogue, rapporté sur la chaîne satellitaire Dream II par l'un des acteurs de la révolution du 25 janvier. Ce jeune révolutionnaire, prénommé Kamel, rencontre, dans un restaurant du Caire, Mohamed Badie, le «Guide» du mouvement islamiste au pouvoir. Il s'approche de la table du dirigeant des Frères musulmans, à la suite de plusieurs personnes venues le saluer avec déférence, et lui dit : «Le restaurant où tu te trouves est américain.» Une manière détournée de lui signifier qu'en fréquentant ce restaurant, le «Guide» soutenait des produits américains. Karim ajoute : «Vous ne resterez pas longtemps au pouvoir, vos jours sont comptés !» Et Mohamed Badie de répliquer : «Moi, mon Dieu m'a donné pour mission de ne pas répondre à des gens comme toi.» Ce qui était une confirmation avant la lettre du constat irrévocable de Nawal Saadaoui, sur l'impossible débat contradictoire avec les prophètes autoproclamés. Quant à la fréquentation de l'Amérique, il y a longtemps que les Frères musulmans ne s'en offusquent plus, ils s'en félicitent même puisque c'est avec l'aide «providentielle» de Washington qu'ils sont arrivés au pouvoir. À la pointe du combat politique contre la dictature islamiste naissante, le quotidien Al-Tahrir, dirigé par Ibrahim Aïssa, adversaire impitoyable et irréductible des islamistes. Pamphlétaire à succès sur la chaîne Al- Kahéra Oual-Nass, Ibrahim Aïssa publie en bonnes feuilles, dans le quotidien qu'il dirige, le livre de Tharwat Al-Kharbaoui, «Les imams malfaisants - Les Frères et les chiites». Ancien membre des Frères musulmans, Al-Kharbaoui démonte pièce par pièce le mécanisme de l'alliance du mouvement islamiste avec les Etats-Unis. Pour lui, il ne fait aucun doute que l'accession des Frères musulmans d'Egypte au pouvoir est un choix stratégique, dont le dossier est géré par la CIA sous l'intitulé «Why not ?» (Pourquoi pas ?). Le livre de l'ancien dirigeant du mouvement islamiste se veut être, avant tout, une dénonciation de la collusion, contre nature, des Frères musulmans avec la révolution iranienne, sous parapluie américain. D'où son titre «Les imams malfaisants» qui fait référence aux deux dirigeants de l'Islam politique, Hassan Albana en Egypte et Khomeiny en Iran. Une collusion qu'il faut reconsidérer à la lumière des la guerre qui oppose actuellement sunnites et chiites en terre syrienne. Pour Tharwat Al- Kharbaoui, tout a commencé déjà, alors que Khomeiny était exilé en France, et que les Américains avaient organisé une rencontre entre lui et une délégation de Frères musulmans, conduite par le sulfureux Youssef Nada. Ce milliardaire égyptien, qui posséderait plusieurs nationalités, a été mal récompensé pour ses services rendus à la CIA. Après les attentats de septembre 2001, l'administration Bush l'a porté sur la liste noire des terroristes, en l'accusant d'être l'un des principaux financiers du mouvement Al-Qaïda de Ben- Laden. L'auteur revient encore sur les premiers contacts du fondateur du mouvement des Frères musulmans, Hassan Al-Bana, en vue de rapprocher («Taqrib») chiites et sunnites, pour les mêmes objectifs politiques. Selon Al- Kharbaoui, ce sont les divergences de vues au sein du mouvement des Frères musulmans, à propos du rapprochement, qui auraient provoqué la campagne antichiite actuelle (1). Toujours à propos de Hassan Al-Bana, l'écrivain revient, par ailleurs, sur la thèse de l'assassinat du leader par ses propres troupes de l'organisation secrète. Le gouvernement avait fait arrêter en 1949 tous les dirigeants du mouvement à l'exception du «Guide», qui aurait été laissé en liberté, à charge pour lui de livrer les noms des membres de l'organisation secrète. C'est dans ce contexte qu'a été réédité au Caire un recueil des textes de Taha Hussein, sous le titre «Min Baï'd» («De loin»), dont certains passages donnent une impression saisissante d'actualité, comme le rapporte le magazine Shaffaf. Taha Hussein est d'actualité lorsqu'il commente l'article 149 de la Constitution de 1923, qui stipule que «l'Islam est la religion de l'Etat, et l'arabe sa langue officielle». Le grand écrivain estimait, en effet, que cet article était une source de discorde et de division, susceptible d'être exploitée de façon éhontée. C'est ainsi que des intolérants s'en saisirent pour s'en prendre à l'auteur du livre «L'Islam et les fondements du pouvoir», Ali Abderrazak, en 1925. C'est aussi cet article qui a permis à l'institution d'Al-Azhar, une année plus tard, d'assigner devant les tribunaux Taha Hussein pour son livre sur «La poésie antéislamique». On appréciera mieux encore ce commentaire qui résonne des clameurs d'aujourd'hui : «La dangereuse finalité de tout ceci, c'est qu'il s'est constitué en Egypte un parti qui combat la liberté et le progrès, et qui s'appuie, pour son combat, sur la religion et sur les religieux. Jamais l'Egypte n'a connu un tel exemple de répression de la liberté d'opinion avant la promulgation de cette Constitution.» Comme aujourd'hui ressemble à hier, dirait le poète désenchanté.
A. H.
(1) Campagne à laquelle nous participons activement, du reste, dans nos quartiers. (2) Pour ceux qui seraient éventuellement intéressés, ce recueil est disponible sur ce lien : http://dar.bibalex.org/webpages/ mainpage.jsf?PID=DA F-Job:152377
Ahmed Halli
http://ahmedhalli.blogspot.com/


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