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A FONDS PERDUS
Le CNES revient à la charge
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 06 - 2013


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Le CNES revient au-devant de la scène en convoquant un forum économique et social, du 18 au 20 juin, au Palais des Nations. Quelque cinq cents participants y sont conviés. Ils viennent des institutions (ministères, SGP, entreprises, banques et assurances, agences de régulation), de la société civile (associations et syndicats ouvriers et patronaux), des universités, centres de recherche et de réflexion. Les échanges prévus au sein de quatre ateliers, selon un plan de discussion établi à cet effet, portent sur quatre grandes thématiques :
- la quête d'un nouveau régime de croissance ;
- la réhabilitation de l'entreprise comme levier privilégié de cette croissance ;
- la gouvernance et les institutions ;
- le capital humain et l'économie du savoir. A travers ce rendez-vous, M. Mohamed-Séghir Babès, le président du Conseil national économique et social, entend établir un bilan pour chaque thématique, avant d'afficher une vision, de fixer un cap stratégique, de dresser une feuille de route consensuelle et de décliner les axes matriciels d'implémentation des recommandations qui ressortiront des assises. S'agissant du premier point inscrit à l'ordre du jour (la quête d'un nouveau régime de croissance), les documents préparatoires déplorent le caractère faible et volatile de la croissance en raison de sa dépendance des hydrocarbures. Sa caractéristique première est d'être désindustrialisante puisque la contribution de l'industrie au PIB est tombée de 15-16% dans les années 1980 à 5% aujourd'hui. Les rares industriels qui opèrent encore se sont convertis dans le secteur des biens non échangeables ; l'industrie n'intervenant que pour 6% dans la valeur ajoutée générée par le secteur privé. Le CNES impute cela à quatre grandes séries de facteurs :
- un investissement modeste et des délais de récupération très courts ;
- un système bancaire indigent qui ne partage pas les risques ;
- un environnement des affaires globalement répulsif ;
- une anticipation négative concernant les effets de l'ouverture liée à l'accord d'association avec l'Union européenne et à l'accession à l'OMC. La croissance actuelle est alimentée par des ressources provenant d'une structure du commerce extérieur jugée «très fragile», faute de diversification. Pire, on assiste à un processus de «reprimarisation de la spécialisation » puisque le programme d'investissement de Sonatrach pour la période 2012-2016 reste rivé sur l'amont des hydrocarbures, pétrole brut et gaz naturel – à hauteur de 82% d'une enveloppe de 80 milliards de dollars. Illustration parfaite de cette «reprimarisation de la spécialisation » : en 2010, les produits raffinés et pétrochimiques n'intervenaient que pour 27% dans l'ensemble des exportations d'hydrocarbures – contre 37% en 1996 et davantage encore autour de la moitié des années 1980. Certes, notre pays peut se targuer d'afficher une croissance à fort contenu d'emplois : il a réduit son taux de chômage de 20 points en une décennie seulement (1999-2008). Toutefois, cela s'accompagne d'une baisse vertigineuse de productivité :
- 1,4% en moyenne annuelle entre 1999 et 2007. L'évolution de l'emploi et de la productivité indique qu'il ne sera pas possible de soutenir la résorption du chômage sur le moyen et le long terme. Le nouveau régime de croissance se veut en rupture avec l'économie administrée et ses pratiques clientélistes et opaques. La nouvelle croissance se veut inscrite dans la durée, sans inflation et sans déficit budgétaire. Elle doit être l'œuvre d'un Etat stratège, planificateur en cher, régulateur et ultime arbitre. Pareilles perspectives sont étroitement associées à la mutation, impérative et immédiate, d'un pacte distributif à un pacte de croissance avec comme actions fortes : la restructuration du PIB au profit des secteurs productifs et des services nobles, l'orientation du secteur privé vers les secteurs à haute valeur ajoutée, l'introduction de variables de contrôle de l'économie autres que le prix du pétrole et le taux de change du dollar, la refiscalisation de la société et de l'économie, la stabilisation de l'environnement des affaires et des institutions, la rentabilisation des infrastructures qui ont absorbé l'essentiel de l'effort d'investissement public lors de la dernière décennie. L'effort porte, pour l'essentiel, sur une «endogénéisation» de la croissance, de ses facteurs et de sa régulation. Second centre d'intérêt : l'entreprise, une entité jugée «sinistrée », alors qu'elle est la pierre angulaire de tout dispositif de croissance durable. L'objectif affiché à l'horizon 2025 est de créer deux millions de PME productrices de richesses, compétitives. Dans l'ensemble, il s'agira d'inverser la tendance actuelle du formel vers l'informel et de réduire sensiblement le taux de mortalité des PME. La «réindustrialisation» de l'économie est la condition préalable à toute entreprise de redressement ; l'histoire économique témoignant de ce que «les pays qui s'en sont le mieux sortis sont ceux qui ont réussi une réappropriation des techniques de production industrielle avant la phase actuelle de globalisation », comme le relève à juste titre Georges Corn dans une récente livraison parue à Alger (*). Troisième domaine d'échange : la gouvernance et les instituions. Il sera ici, notamment, question d'exigence et de demande, sans cesse renouvelées, de sécurité juridique et d'obstacles à sa mise en œuvre Si le droit a pour valeurs classiques la justice, le progrès et la sécurité, c'est en cette dernière qu'il retrouve sa plénitude. La sécurité juridique concerne les modes d'expression et de réalisation du droit. Comme telle, elle assure la réalisation de l'ordre social qui va au-delà de la protection contre l'anarchie ou l'arbitraire : elle œuvre au développement harmonieux des rapports entre les sujets de droit. La notion recoupe trois exigences du droit : accessibilité (le droit doit être clair et lisible) ; stabilité (du droit, des droits et des situations individuelles régulièrement constitués) ; prévisibilité. On attribue à deux grandes séries de facteurs techniques l'insécurité juridique qui frappe dans notre pays : un grave déficit de légistique et un bijuridisme enfanté par un bilinguisme inavoué. Une construction inachevée, parfois contrariée, de l'Etat de droit vient également accroître cette instabilité. Quatrième et dernier chantier : le capital humain et l'économie fondée sur la connaissance. Il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'une économie fondée sur l'innovation et le savoir peut contribuer à accélérer la croissance économique et à accroître la compétitivité. Selon un récent rapport de la Banque mondiale, l'ampleur du changement dans notre région dépendra dans une large mesure «de la manière dont l'économie du savoir prendra racine. Pour créer des emplois, il faut investir davantage dans les secteurs du savoir et mettre l'accent sur les moyens de créer des économies compétitives, productives et viables» (**). Qu'il s'agisse de l'accès à l'éducation, des technologies de l'information et des communications (TIC) ou de la mise en place d'un environnement institutionnel plus favorable à une croissance tirée par le secteur privé, rien en ce domaine ne doit être négligé. Autant de pistes qui annoncent une rencontre féconde, parce que tournée sur l'avenir.
A. B.
(*) Georges Corm, Le nouveau gouvernement du Monde (Idéologie, structures et contrepouvoirs), Editions APIC, Alger 2013, 301 pages. Nous reviendrons plus en détails sur cette livraison dans notre prochaine chronique.
(**) http://cmimarseille.org/ke/eve nts/ke-rabat.html


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