Le journaliste et écrivain Benali El Hassar vient de faire paraître aux éditions Edilivre à Paris une nouvelle contribution à l'écriture de l'histoire de l'Algérie traitant cette fois-ci de la mouvance moderniste en Algérie au début du XXe siècle. Editorialiste chroniqueur et ancien rédacteur en chef régional de l'APS, il aborde sous de grands traits la vie militante prônée par la première génération de l'élite algérienne appelée «Jeunes Algériens» entrés de plainpied dans les préoccupations de leur pays jetant les ponts de la culture politique et religieuse algérienne moderne. Ce mouvement de l'élite a compté dans son vivier les premiers instituteurs et les élèves des médersas officielles créées dès 1840 pour dispenser «un enseignement indigène». Le sujet concernant les Jeunes Algériens, explique l'auteur, est resté encore en Algérie terra incongnita moins qu'ailleurs, en Egypte ou en Tunisie, avec les Jeunes Egyptiens ou les Jeunes Tunisiens, où il a fait l'objet de nombreuses études. Pour la première élite de la période de l'occupation, le terrain de l'affrontement était surtout politique, visant essentiellement l'acquisition des droits et des libertés. La jeune élite, formée à l'école franco-arabe, allait ainsi relayer les tenants de l'autorité morale, les notables et les religieux, au sein de la société. Le problème posé pour elle, tout juste après la longue lutte menée par le héros national l'Emir Abdelkader et les chefs des insurrections populaires, était surtout quelle alternative fallait-il choisir pour l'avenir : l'enfermement ou le dialogue ? Motivés, ils tenteront alors de franchir le pas avec les premières formulations politiques des droits avant l'exigence nationale. Les Jeunes Algériens allaient apparaître à ce moment comme une bulle de liberté dans un climat lourd et de méfiance généralisée où les colons résignaient les «indigènes» à être «bienveillants» ou «indifférents», dans leur propre pays. C'est dans un pays totalement déstructuré que les forces de renouveau vont alors, pour la première fois, s'exprimer depuis la conquête de l'Algérie, en 1830. Au tournant du XXe siècle, sous l'influence de la culture de l'occupant, la résistance politique va ainsi ouvrir la voie à la prise de parole, par la création de cercles ou «nadis», de journaux... Les formulations politiques vont se faire autour de la revendication des droits et des libertés, contre la loi inhumaine et répressive du code de l'indigénat. Les principaux protagonistes en lice sur la scène seront, notamment, les jeunes formés à l'école franco-arabe, étiquetés Jeunes Algériens, en rapport avec le mouvement, jeunes Turcs, sous l'influence des réformes ou «Tanzimats», en Turquie et, également, des idées de la «Nahda» appelant à la renaissance dans le monde musulman à la fin du XIXe siècle. C'est là, un moment productif qui a donné naissance à l'expression des premières tendances politiques, en coloration en Algérie : nationalistes, réformistes, progressistes... Cet ouvrage s'attarde sur le courant avant-gardiste, Jeune Musulman, en faisant le portrait de deux personnalités intellectuelles et politiques qui ont joué un rôle de pionniers parmi les jeunes de la mouvance de l'élite algérienne, les années «1900», à savoir, les deux frères Larbi et Benali Fekar, le premier, instituteur et fondateur du journal Jeune Algérien, El Misbah (la lanterne), à Oran, en1904 ; le second, juriste, le plus diplômé de son temps ès sciences politiques et économiques, premier docteur en droit en Algérie. Avec ces deux grandes figures de l'histoire contemporaine de l'Algérie, c'est déjà l'ouverture et les grands débats sur l'entente, le dialogue, la tolérance et toutes les questions liées à l'avenir et à la «libération» du monde musulman, des contraintes imposées par les doctes de la foi, les foqahas, imposant une lecture zélée de l'Islam. Ils ont mis leurs talents d'écrivains et de journalistes engagés en faveur d'un Islam rénové et épuré «ramené aux premières sources de la Révélation ettenzil ». Ce livre de trois cents pages publie les textes rattachés à la pensée de ces jeunes de la première élite qui ont inauguré l'épisode des Jeunes Algériens marquant les temps modernes en Algérie ainsi que des documents inédits sur l'association des oulamas «ahl sounna oua-l-djamaâ » (de la sounna et de la communauté) qui a défendu l'autre version, celle-ci moins orientale de l'Islam maghrébin. Le journaliste écrivain Benali El Hassr publie également chez le même auteur un autre ouvrage consacré au Maghreb, intitulé : Maghreb. Lectures.