Dans un pays où la maternité est glorifiée, plébiscitée et portée aux nues, ils font tache. Qui ça ? Les non- parents pardi ! Mais oui, mais oui, ne faites pas ces yeux de billes ! Bien sûr que ça existe ! Nous ne parlons pas de couples atteints de stérilité mais de personnes avec zéro problème organique. Des couples dont les contraceptifs sont les meilleurs alliés. Et pour cause ? Ils refusent de se reproduire. Jouer à papa-maman, no way ! Un choix qu'ils assument parfaitement en dépit de l'incompréhension de leur entourage. Pas de malformation utérine, ni d'oligospermie (nom savant désignant la faible production de spermatozoïdes), encore moins d'ovaires bouchés. Pourtant, ces "no-kids", rétifs au biberon, couche-culotte et poussette n'en démordent pas. Ils sont complètement réfractaires à la procréation. Leurs vies sont réglées comme du papier à musique et ils n'entendent pas chambouler leurs habitudes en accueillant un petit lutin qui fera la pluie et le beau temps. Djamel, 45 ans, professeur d'université «Avec ma femme, nous ne souhaitons pas avoir d'enfants pour de multiples raisons. Nous pensons que c'est suicidaire de mettre un mioche au monde dans un pays allant à vau-l'eau. Il y a tellement d'enfants qui souffrent aujourd'hui du manque de moyens ou d'affection ou les deux à la fois, alors pourquoi en rajouter dans un bled où l'avenir est incertain. Que peuvent espérer les enfants d'aujourd'hui quand ils seront adultes demain, sinon être confrontés au chômage, à la crise du logement et autres calamités induites par les changements climatiques ? Certains diront que je suis pessimiste, moi je pense que je suis plutôt réaliste. D'ailleurs, les gens qui nous entourent nous harcèlent de questions du genre : «Alors, c'est pour quand ?» Lorsqu'on leur fait part de notre décision d'être des non-parents, ils nous traitent d'égoïstes, de fous et d'irresponsables. Personnellement, ça me fait rire surtout lorsque j'ai en face de moi un couple qui a trois ou quatre mioches, qu'il n'arrive même pas à nourrir et à habiller convenablement, sans parler des études et des loisirs. D'autres me serinent qu'il faut procréer pour trouver quelqu'un à son chevet lorsque la vieillesse pointera le bout du nez. Alors comme ça, les gens font des enfants juste pour leur servir de baby-sitter quand sonnera l'heure de la gériatrie ? C'est d'un égoïsme ! L'hypocrisie de cette société est pathétique. En tout cas, pour mon épouse et moi, c'est tranché : pas d'enfant qui nous servira de béquille pour nos vieux jours !» Feriel, 37 ans, Abed, 42 ans Le refus de parenté est motivé par d'autres raisons chez certains couples. Feriel et Abed préfèrent donner la priorité à leur carrière et privilégier une vie sociale bien remplie. «Nous ne voulons pas changer notre mode de vie», confient-ils. Nous voyageons beaucoup dans le cadre de notre travail, avons une vie sociale plutôt riche et souhaitons garder le même rythme. Avoir un bébé est très contraignant. Cela impose des horaires stricts, une organisation millimétrée, une routine étouffante et une croix sur les sorties improvisées. Finie la liberté et bonjour l'esclavagisme. Et que ceux qui ne pensent pas tout bas ce que nous exprimons tout haut, nous jettent la première pierre !» insistent-ils. Dans un pays où on adore faire des bébés, ces propos peuvent déranger, voire choquer. Les non-parents sont désignés du doigt comme des parias. La société se gargarise à leur propos : «C'est sûr qu'il est impuissant. Je pense que c'est elle qui est stérile... et blablabla ». Les rumeurs vont bon train, exacerbant ces couples qui n'ont rien demandé sauf qu'on respecte leur intimité et leur choix. Salima, 41 ans, Mourad, 46 ans Mariés depuis une dizaine d'années, Salima et Mourad ont choisi de ne pas endosser la casquette de parents. «Mon père a abandonné ma mère alors que j'avais à peine six mois, raconte Mourad. J'ai tellement souffert de son absence. Pour rien au monde je ne prendrai le risque de reproduire la même erreur en faisant endurer à un môme le même calvaire. Mettre au monde un innocent qui me crachera un jour à la figure : ‘‘après tout je n'ai pas demandé à venir au monde !'' n'est pas envisageable.» Salima, la compagne de Mourad, abonde dans le même sens : «On peut être tout à fait épanoui même sans enfants. Avant de faire de nouvelles victimes, il faut s'assurer de pouvoir leur procurer une vie confortable et leur donner beaucoup d'amour, sinon il y a déjà les enfants abandonnés dans des pouponnières qui ne demandent qu'à trouver un foyer chaleureux», lâche-t-elle. Les no-kids rejettent ainsi le schéma d'une société stéréotypée. Convaincus de leur choix, ils tracent leur route sur le chemin de la vie en gardant toujours leurs contraceptifs à portée de main.