Par Arezki Metref [email protected] Pour sûr, Ath Yenni a bien besoin d'un petit toilettage ! Ça commençait à faire trop. Trop d'ordures semées à tout-va, trop de sacs en plastique, trop de trop. Hélas, à quelques exceptions près, ça ne diffère pas du reste de la Kabylie et de l'Algérie. Ces exceptions existent heureusement et elles sont le fait de l'organisation citoyenne des habitants comme à Zoubga, commune d'Illilten, un exemple à suivre. Il y a quatre ans, un groupe de citoyens d'Ath Yenni a pris conscience du danger sur l'écosystème que présentait l'incroyable envahissement des polystyrènes. Sous la présidence de Kamel Tirèche, ils créent Ecovolonterre dont la mission et l'ambition sont contenues dans l'appellation. Ecologie, volontariat, terre : tout est dit. Un premier volontariat est organisé en 2010 en collaboration avec une autre association, Relais Solidarité. Il a consisté en installations de poubelles publiques. Une décision suivie d'effet puisque l'APC. a emboîté le pas en généralisant l'initiative. L'autre action au crédit d'Ecovolonterre a une portée plus pédagogique. Elle consiste en une dotation en sac à pain en tissu pour tous les foyers d'Ath Yenni. Si cette initiative permet de renouer avec la tradition, elle vise surtout à réduire l'inouïe circulation des sacs en plastique engendrée par l'achat de pain. Le nombre de sachets sortant quotidiennement de chez le seul boulanger est impressionnant. Multipliez par le nombre de commerçants. C'est le vertige. On le sait depuis un moment déjà : le sachet en plastique pollue le sol, l'air, l'eau. Volatile, il vogue partout, y compris dans l'eau où les mammifères marins comme la tortue s'étouffent en s'alimentant de ce qu'ils confondent avec des méduses. La pollution du sol est garantie. Un sac en plastique se fabrique en une seconde. Il est utilisé en moyenne 20 minutes. Mais il faut 400 ans pour qu'il soit éliminé dans la nature. 1 seconde, 20 minutes, 400 ans ! Le 4 juillet prochain, Ecovolonterre organise une nouvelle édition de volontariat annuel : ramassage des ordures sauvages, des sacs en plastique, etc. Mais au-delà de cet acte d'utilité et de salubrité publique, le but poursuivi est davantage pédagogique et citoyen : faire prendre conscience de la nécessité de la préservation de l'environnement et du développement durable. C'est cela, l'écologie. On dit qu'elle est culturelle. Cette culture ne nous est pas inconnue. Elle a toujours été nichée dans le geste du montagnard ménageant la terre qui le nourrit. Comme jusqu'alors les volontaires (quelque 200 par édition) étaient plutôt des enfants, Kamel Tirèche, le président d'Ecovolonterre, lance un appel afin que les adultes et, surtout, les jeunes, ainsi que les femmes, les rejoignent. Quand on sait que ce volontariat écologique annuel se déroulera en plein Racont'Arts, ce festival itinérant qui fête sa 10ème édition à Ath Yenni, on se met à rêver à l'impact que cela produira et au symbole que cela revêtira. Une communion avec une forme d'universalité, celle de tous les gestes qui, partout dans le monde, convergent vers cette tâche sacrée : sauver la planète de la pollution. Le monde commence pour chacun par son village. Ecovolonterre ne s'arrête pas là. Le 12 juillet à 19h, réunion publique suivie d'un concert d'Idir, de Mouloud Kebbous et d'autres artistes, se tiendra à la mairie du 18e arrondissement de Paris. But : ramasser des fonds afin de rendre l'action permanente. Encore un acte citoyen qui renoue avec l'ancienne organisation solidaire et sociale de la Kabylie, et qui prouve la relative négligence de l'Etat ainsi que la capacité de s'en passer. Ce mal ne touche pas qu'Ath Yenni. C'est toute l'Algérie qui est gangrenée. Nous vivons sous la corrosion du plastique. Il est évident que si l'Etat ne bouge pas le petit doigt, c'est que de gros intérêts privés sont en jeu. La production de tous ces objets polluants profite à des entreprises privées bien en cour. Et pour boucler la boucle, la conscience citoyenne s'est évaporée. Il faut tout reprendre à zéro. Apprendre aux enfants dès l'école le respect de l'environnement, le respect de l'hygiène collective et surtout cette évidence que ce qui appartient à tous, au Beylik comme on dit, appartient aussi à chacun. Puisqu'on y est, sachons que Racont'Arts, ce festival atypique qui bourlingue de village en village, revient cette année d'où il est parti il y a dix ans. Ce sera du 2 au 9 juillet. Il se tient dans l'esprit d'humilité et d'audace contenu dans ce vers d'Antonio Machado : «Toi qui chemines, il n'y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant.» Le festival avait démarré en 2004, à l'initiative de trois mousquetaires : le peintre Denis Martinez, feu Salah Silem et Hacène Metref. Il fallait inventer le chemin. Il a mené à cette dixième édition et une aura presque internationale. Voilà comment les organisateurs définissent leur concept : «Racont'Arts est une histoire de travail collectif, certes. Il réunit dans la convivialité la plus absolue, artistes, bénévoles et villageois, sans aucun protocole. Mais c'est surtout une panoplie d'activités, dans une ambiance de cour des miracles. Le festival est multidisciplinaire et ne connaît aucune limite. Tout est bon à prendre dès lors qu'il s'agit vraiment de créativité. On y trouve de tout et pour tous les goûts : cinéma, théâtre, photos, littérature, poésie, musique, performances, installations, processions, expositions en tous genres ; programme pour les enfants. Beaucoup d'inventivité et beaucoup d'énergie pour une rencontre tout en mouvement. Le tout dans un patchwork incroyable ! Le festival occupe les espaces disponibles et ne rechigne devant aucune difficulté. Notre maître mot est l'adaptation à toutes les situations. Certaines activités qui peuvent paraître insolites dans notre pays portent désormais notre marque de fabrique : déambulation nocturne avec des bougies, à travers les ruelles de village ; rencontres intellectuelles (conférences, tables rondes) dans les tajemaits ; spectacles à domicile ou dans les cafés maures ; expositions dans les ruelles et placettes de village, etc. Sans oublier, car c'est le cœur palpitant de notre projet, l'action que mène inlassablement Martinez, depuis le début, dans les tajemaits.» On ne saurait mieux dire.