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Face à l'explosion de la corruption transnationale
La Convention des Nations unies de 2003, un instrument sous-utilisé
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 07 - 2013

Ces derniers mois, tant en Algérie, que dans d'autres pays liés par des transactions commerciales internationales, les affaires de corruption transnationale ont explosé. La Convention des Nations unies de 2003 contre la corruption, signée et ratifiée par plus de 190 pays, dont l'Algérie, peut être un instrument idoine pour faciliter la coopération, indispensable dans le traitement judiciaire de ces affaires. Mais est-ce que cette convention, qui a déjà 10 ans d'existence, est utilisée dans ce sens ?
Une partie importante de la corruption est transnationale. Il est dès lors nécessaire que les autorités nationales coopèrent pour une répression effective. Plusieurs problèmes se posent : lorsque l'infraction a été commise dans plusieurs Etats, il faut pouvoir déterminer lequel sera compétent pour juger l'infraction ; lorsque l'autorité judiciaire compétente a été désignée, elle doit pouvoir disposer des moyens d'enquêter, au besoin en allant rechercher des preuves à l'étranger. Des règles de coopération judiciaire rapides et efficaces doivent donc être posées ; les coupables fuyant souvent la justice à l'étranger, les procédures d'extradition doivent être facilitées ; une fois le coupable identifié, il faut pouvoir organiser la confiscation et la restitution des produits de la corruption, même depuis un autre Etat. Toutes les conventions internationales et régionales mettent en place une forme de coopération mais il faut faire une mention particulière pour la Convention des Nations unies de 2003 contre la corruption de Mérida (signée et ratifiée par l'Algérie), concernant la récupération des avoirs détournés.
La compétence
La Convention des Nations unies contre la corruption énonce les règles de compétence dans son article 42. Elle prévoit trois cas de compétence obligatoire pour les Etats-parties : la compétence territoriale ordinaire ; une infraction commise à bord d'un navire ou aéronef battant son pavillon ou immatriculé dans l'Etat ; le cas d'un refus d'extradition d'un national par un autre Etat. Elle prévoit également trois cas de compétence facultative : lorsque l'infraction est commise contre l'un de ses ressortissants ; lorsque l'infraction est commise par l'un de ses ressortissants ou une personne résidante ; lorsque l'infraction est commise à son encontre. Prévoir des cas de compétence obligatoire permet de limiter les risques d'impunité. Néanmoins, dans certains cas, les tribunaux théoriquement compétents ne sont pas les plus à même de juger l'affaire.
Les règles facultatives de compétence permettent ainsi de pallier ces lacunes et d'assurer l'effectivité de la répression. Cela peut passer par l'octroi de la compétence aux tribunaux des pays exportateurs. C'est le cas dans la convention OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui a créé une infraction de corruption d'agent public étranger et en donne la compétence aux tribunaux de l'Etat dont l'auteur de l'infraction est ressortissant. En cas de compétences partagées, l'article 43 de la convention de Mérida impose aux Etats de «se prêter mutuellement assistance dans les enquêtes et les procédures concernant des affaires civiles et administratives relatives à la corruption».
Entraide judiciaire pour la recherche de preuves
Les cas d'actes de corruption internationaux sont de plus en plus fréquents. Pour réunir les éléments de preuve, le lancement de commissions rogatoires internationales est nécessaire. Sur le plan international, la commission rogatoire est un mandat donné par l'autorité judiciaire d'un Etat (Etat requérant) à l'autorité judiciaire d'un Etat étranger (Etat requis), le but étant que l'autorité de l'Etat requis fournisse, pour le compte et au nom de l'Etat requérant, une mesure d'instruction. L'Etat requis peut se voir demander de procéder à des interrogatoires, des saisies ou de localiser un suspect. En l'absence de convention, les procédures et les délais font qu'il est à la fois difficile et très long de voir une commission rogatoire aboutir. Elles sont, par exemple, systématiquement refusées lorsque l'infraction en cause est de nature politique. Les commissions sont transmises par voie diplomatique, elles passent par les ministères des Affaires étrangères de chaque Etat, qui les transmettent aux ministères de la Justice. Chacun a la possibilité de refuser cette demande.
Entraide judiciaire pour l'enquête
Les juges résidents sont des juges amovibles que l'on envoie dans le pays où l'enquête se déroule, pour faire la jonction avec le juge local.
L'article 46 de la Convention de Mérida précise les modalités de la coopération, dans la limite des traités et accords déjà en vigueur sur le sujet : collaboration durant les procédures d'enquête (depuis les auditions jusqu'à la localisation du produit du crime) ; transmission d'informations (sans que cela doive porter préjudice aux enquêtes déjà en cours au niveau national) ; le secret bancaire ne peut être un obstacle à l'entraide judiciaire ; l'extradition de personne incarcérée pour audition, sous certaines conditions. Cette collaboration peut néanmoins être refusée, par exemple en cas d'incompatibilité avec le droit interne de l'Etat sollicité.
Entraide judiciaire pour l'extradition
L'extradition est la procédure par laquelle un Etat accepte de remettre un individu se trouvant sur son territoire à un autre Etat afin que celui-ci le juge ou, s'il a déjà été jugé, afin de lui faire exécuter sa peine. C'est une procédure formelle très stricte. L'extradition ne peut intervenir que sur le fondement d'un accord international. Appelé traité d'extradition et souvent bilatéral, il n'existe pas entre tous les Etats. Toutes les conventions internationales, dont celle des Nations unies dans son article 44 sur la corruption, prévoient qu'elles peuvent servir de fondement juridique pour l'extradition entre deux Etats les ayant ratifiées. Il existe ensuite des conditions propres à l'infraction en cause. Elle doit faire l'objet d'une double incrimination : autrement dit que les faits reprochés soient également incriminés par les deux systèmes législatifs.
Cette infraction doit avoir un certain degré de gravité, calculé par rapport au seuil d'emprisonnement. L'extradition est enfin interdite dans un certain nombre de cas : les infractions militaires, politiques, et dans certains cas pour les infractions fiscales et douanières.
Par la signature de ces conventions internationales, les Etats s'obligent à incriminer pénalement les actes de corruption, ce qui permet de remplir l'exigence de double incrimination. De plus, certaines conventions dont celle de Mérida rappellent que cette condition est remplie pour les infractions couvertes par la convention (article 44). En ce qui concerne la nature des infractions, la Convention des Nations unies, toujours dans son article 44, interdit aux Etats de refuser l'extradition pour un motif d'infraction politique ou qui touche à des questions fiscales.
Malgré ces aménagements du droit commun de l'extradition que prévoient les conventions internationales en matière de corruption, celle-ci conserve un caractère «diplomatique» qui la rend incompatible avec la garantie d'une répression effective, même si la Convention de Mérida demande aux Etats-parties d'accélérer les procédures (article 44).
Confiscation et restitution des produits de la corruption
Ce sont les dispositions-clés de la Convention des Nations unies contre la corruption car c'est la seule convention internationale à évoquer aussi explicitement cette question.
Confiscation. L'article 55 de la Convention impose aux Etats de confisquer tout produit d'une infraction couverte par la convention qui se produirait sur son territoire, à la demande de tout autre Etat-partie compétent pour connaître cette infraction.
Cet article prévoit également les mêmes procédures pour l'identification, la localisation, le gel et la saisine des produits.
Restitution. L'article 57 de la Convention prévoit une procédure de restitution des produits confisqués. Plusieurs cas de figure sont envisagés :
- en cas de soustraction ou de blanchiment de fonds publics, l'Etat dans lequel se trouvent ces biens doit les restituer à la demande de l'Etat victime ;
- pour les produits de toute autre infraction prévue par la Convention, la restitution est également obligatoire si l'Etat apporte les preuves effectives du droit de propriété antérieur.
Les biens pourront également lui être restitués en réparation du préjudice que la victime a subi. Malheureusement, cette Convention des Nations unies contre la corruption demeure sous-utilisée dans le traitement judiciaire des affaires de corruption transnationale. La prochaine conférence des Etats-parties de cette Convention, 5e édition, doit avoir lieu en novembre prochain au Panama : y parlera-t-on d'entraide judiciaire ?


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