Le lancement de l'appel d'offres relatif à la licence de téléphonie mobile de troisième génération (3G), «une très bonne nouvelle» selon le président de l'Association des fournisseurs de services Internet (AAFSI), Ali Kahlane, qui en escompte un «sursaut» dans l'évolution des télécommunications, l'opportunité de rattraper le «retard» algérien, la contribution à l'augmentation du nombre d'internautes, le développement de l'industrie du contenu et de l'offre de services à valeur ajoutée. Le Soir d'Algérie : L'ARPT annonce le lancement de l'appel d'offres relatif à la licence de téléphonie mobile 3G. Quelle appréciation en faites-vous ? Ali Kahlane : C'est une très bonne nouvelle. Nous espérons que cet essai-là va être ultimement transformé. Ceci dit, c'est dommage que nous ayons attendu près de 10 ans pour profiter des bienfaits de cette technologie, sachant que les premiers tests d'Algérie Telecom datent de 2004 Saurons-nous un jour la cause ou les causes exactes de ce retard phénoménal, dont les explications voguent au gré des déclarations des ministres de la Poste et des TIC, des Finances ou même de l'ARPT elle-même ? En plus d'avoir été un autre révélateur de notre retard, et de la gestion de ce dernier, il a exacerbé encore plus l'exclusion de l'Algérie du concert des nations comparables aux nôtres. Notre pays n'a malheureusement pas su profiter pleinement des bienfaits des TIC. Est-ce que l'avènement de la 3G sera ce sursaut salutaire qui nous permettra d'arrêter cette loi des séries où les retards s'additionnent, les annonces se dénoncent, les réalisations s'enlisent et où la myopie d'une vision stratégique des TIC nous laissent avec le constat d'un triple échec : celui des Télécommunications, de la Poste et de l'Internet en regard aux investissements colossaux consentis par notre pays en 10 ans ? N'était-ce pas tardif, d'autant que la 3G est déjà opérationnelle ailleurs, de même que la 4G ? Pourquoi a-t-on privilégié la 3G et non la 3G+ ? Y a-t-il une différence ? Bien sûr que nous sommes malheureusement très en retard. Nous allons alors que le reste du monde est déjà dans la 4G ou est en train d'y migrer. Avec autant de temps pris pour lancer la 3G (débit moyen de 384 kbps pouvant culminer jusqu'à 1.9 Mbps) j'espère que les opérateurs ont en tout le temps du monde pour être au moins compatibles avec la 3G+ qui permettrait, théoriquement, d'atteindre des débits allant jusqu'à 14.4 Mbps. Sachant que les opérateurs, pour la plupart s'étaient préparés depuis longtemps à ce lancement, il est normal et naturel qu'ils commencent par la 3G avec un «glissement» progressif vers le 3G+ pour des raisons de rentabilisation des équipements acquis. Le lancement concret de la 3G aura-t-il un impact sur le marché de la téléphonie mobile? Sur l'économie nationale ? Comme partout ailleurs de par le monde, chez nous aussi, l'avènement de la 3G devra avoir un impact économique relativement rapidement. D'abord une demande plus soutenue sur la consommation Internet pure, parallèlement une demande tout aussi frénétique sera enregistrée sur les téléphones capables de connectivité, tels que les smart-phones de tous bord qui vont être en première ligne. Vu la demande, leurs prix devraient baisser pour les mettre à la portée de tous ceux qui ne pouvaient pas se les permettre hier mais qui ont grand besoin d'utiliser Internet aujourd'hui. Les clés USB vont permettre une connexion normalement de bien meilleure qualité qu'une ligne ADSL moyenne avec une stabilité adéquate. Tous ceux qui n'ont pas pu se connecter à Internet, jusqu'à présent, soit par manque de lignes téléphoniques, soit par non éligibilité de leur propre ligne à l'ADSL pourront désormais le faire. D'une manière plus générale, les gains seront une augmentation du nombre de connectés à Internet. Il devrait pour la première fois dépasser les 2 millions de connectés d'ici juillet 2014. Nous devrions compter alors au moins 14 millions d'internautes. Cela mettrait la pression sur les pouvoirs publics pour mettre en place des services en ligne à la disposition des citoyens dont l'accès facilité à Internet leur donnera envie de se connecter encore plus pour avoir des informations et, pourquoi pas, effectuer des démarches sans bouger de chez eux ou mieux encore, en toute mobilité! La demande d'informations en ligne devrait être telle, que cela devrait booster un développement de contenu utile et de qualité à mettre à la disposition d'un nombre de connectés qui va aller forcément crescendo. Cela donnerait aussi la possibilité à de jeunes startups, de se lancer dans le développement de contenus et d'applications mobiles avec lesquelles elles pourraient tout aussi bien attaquer le marché mondial. Enfin, cela permettrait aux opérateurs télécom de jouer la pleine concurrence non plus sur la consommation téléphonique pure mais de plus en plus sur la qualité des offres de services à valeur ajoutée qu'ils pourraient offrir au citoyen qui profiterait au mieux des prochaines générations de télécommunications mobiles. Propos recueillis par C. B.£ *Ali Kahlane est titulaire d'un doctorat (Ph.D en informatique de l'Univesrité d'Uxbridge en Angleterre. Fondateur de l'entreprise Satlinker, spécialisée dans les domaines de l'Internet, de la vidéo-conférence et de la voix sur IP, Ali Kahlane est actuellement président de l'Association des fournisseurs de services internet (AAFSI). Il est aussi membre du Conseil supérieur permanent de la recherche et le développement dans les TIC et de la Commission nationale du très haut débit auprès du ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la Communication.