Par Kader Bakou Le mérite de cette génération de chanteurs chaâbis n'est pas reconnu comme il se doit. Mourad Djaâfri, Nacereddine Galiz, Sid Ali Driss, Didine Karoum, Nacer Mokdad, Abderrezak Guennif et tant d'autres sont apparus sur la scène artistique à un moment crucial de l'histoire de l'Algérie et de la chanson chaâbie. La décennie noire avait réduit considérablement l'activité culturelle et artistique dans le pays. Le chaâbi, à l'époque, subissait ce qu'on appelait «la conjoncture», et était sérieusement concurrencé par le raï jusque dans ses fiefs traditionnels, comme Alger, Blida ou Mostaganem. La plupart des grands maîtres du chaâbi avaient, pour diverses raisons, arrêté de chanter. d'autres, comme El Hachemi Guerouabi, étaient partis à l'étranger. C'est alors qu'apparaît une nouvelle vague de chanteurs chaâbis qui va donner un air de renouveau à ce genre traditionnel. Comme par miracle, les jeunes, qu'on croyait définitivement conquis par le raï et les genres et styles musicaux modernes, sont revenus vers le chaâbi. Aujourd'hui, cette génération d'artistes «sauveurs du chaâbi» a mûri. Mais les gens continuent généralement à leur refuser le titre de «cheikh» (maître), très important dans cette musique. Ce titre demeure l'apanage des artistes de la génération précédente, celle, notamment de Boudjemaâ El Ankis, Amar Ezzahi, Abdelkader Chaou ou Mazouz Bouadjadj. La génération, appelons-là de Mourad Djaâfri, a pourtant des qualités. elle est instruite et maîtrise mieux la langue arabe. Ceci fait qu'elle comprend mieux les vieux textes du «q'sid» et évite certains défauts de prononciation constatés chez les «anciens». N'oublions pas aussi que beaucoup d'artistes chaâbis, parce que analphabètes en arabe, recouraient au «charabia», cette méthode consistant à écrire en alphabet latin des textes ou des poèmes d'origine en langue arabe. Y a-t-il une «génération sacrifiée» dans le monde du chaâbi ? Finalement, il est difficile de devenir «maître» dans un domaine où on dit : «cheikh bla cheikh mahou cheikh» ? (un maître sans maître, n'est pas un maître). K. B.