À peine arrivé dans le championnat de France, Falcao pourrait déjà aller voir ailleurs. Le journal espagnol Marca annonce que le joueur colombien de Monaco aurait été proposé au Real Madrid, alors que la presse anglaise évoque l'intérêt d'Arsenal et des clubs de Manchester pour l'attaquant. Est-ce vraiment crédible ? Au début, la rumeur faisait sourire. Maintenant, elle enfle. Après que le quotidien espagnol Marca a affirmé que l'attaquant de l'AS Monaco Falcao aurait été proposé au Real Madrid, c'est au tour du journal britannique Daily Star d'annoncer que le Colombien serait suivi par les membres du «Big Four» de la Premier League. Le numéro 9 monégasque a démenti ses rumeurs, affirmant «croire au projet» du club. Alors que son avenir avait déjà enflammé une partie de la presse en mai dernier, et alors qu'il s'est engagé le 31 mai avec le club du Rocher pour un contrat courant jusqu'en 2018, Falcao se retrouve de nouveau au cœur de la gazette des transferts. Au-delà des prétendues velléités de départ du Colombien relayées, et indépendamment de son démenti, que révèle cette rumeur sur la réalité du football professionnel contemporain ? Un tel transfert est légalement possible Le fait que Falcao se soit engagé au début du mercato ne change rien à sa qualité de joueurs disponible. La Fifa autorise chaque fédération à déterminer deux périodes annuelles de transferts de joueurs, dont la limite principale concerne le nombre de mouvements d'un joueur au cours d'une même saison. L'article 5 du «Commentaire du règlement du statut et du transfert des joueurs» édicté par la Fifa stipule en effet que : «Un joueur ne peut être enregistré auprès de plus de trois clubs successifs par période allant du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante. Durant cette période, le joueur ne peut jouer en matches officiels que pour deux clubs.» Or, ces restrictions concernent la saison dans son intégralité, et non les différentes périodes de transferts. Il est ainsi tout à fait possible que Falcao, actuellement enregistré par l'AS Monaco pour le compte de la Ligue 1 et déjà double-buteur en championnat, soit transféré dans un autre club qui l'enregistrera à son tour pour son championnat, et qui le fera jouer. Cette hypothèse condamnerait simplement le Colombien à ne pas pouvoir être transféré une nouvelle fois au mercato d'hiver. Dans l'histoire de la Ligue 1, de telles situations ont déjà eu lieu. Par exemple, à l'été 1999, le défenseur sénégalais Lamine Diatta avait été transféré de Toulouse à l'Olympique de Marseille, avant d'être transféré de l'OM au Stade Rennais deux semaines plus tard. Générer une rumeur pour vendre du papier Vu qu'un tel transfert est possible, et indépendamment de la réalité des velléités de départ de Falcao, les journaux s'engouffrent dans la piste d'un transfert du Colombien. Néanmoins, la crédibilité d'un départ du Monégasque interroge, la presse française la qualifiant d'»improbable». Le faisceau d'indices mobilisés par Marca et le Daily Star pour étayer cette rumeur s'appuie sur la supposée inquiétude de Falcao à diviser son salaire par deux si Monaco établissait son domicile fiscal en France, ce qui lui ôterait automatiquement ses avantages. De fait, outre les bruits de couloirs, cette rumeur provient de la conjonction de la possibilité d'un nouveau transfert de Falcao et de l'obligation du club du Rocher à s'établir fiscalement en France à l'horizon d'un an. Des indices relativement minces. Néanmoins, il faut inscrire cette rumeur dans le marché de la presse en période de mercato. Comme le met en relief So Foot», la presse espagnole, dont Marca, active les spéculations et l'usine à rumeurs en période de transferts. Dans ses propos rapportés par le mensuel, l'agent français François Gallardo, établi en Espagne, affirme que «50% des rumeurs des journaux espagnols ne sont pas fondées». De même en Angleterre, à en croire Dani Hidalgo, journaliste pour le quotidien As, toujours à So Foot : «Dans la presse anglaise ou turque, des rumeurs peuvent être inventées de toute part.» Générer une rumeur à même d'amener le public à cliquer sur un lien ou à acheter un journal permet ainsi à ces titres de se différencier au sein du marché concurrentiel de la presse. Falcao, un pur produit de la spéculation Que la rumeur du départ de Falcao soit fondée ou infondée, celle-ci traduit un dernier aspect du football contemporain : sa financiarisation. Lors d'un transfert, le joueur et son agent perçoivent respectivement une prime à la signature et une commission, cette dernière pouvant soit juridiquement monter jusqu'à 10% du salaire annuel du joueur, soit un certain pourcentage sur le montant de transfert du joueur transféré dont il représente les intérêts. Ainsi, dans ce second cas, un nouveau transfert de Falcao au sein de la même période de transfert signifierait une nouvelle prime pour le joueur et, surtout, une nouvelle commission pour son agent. Une telle situation interpelle, mais serait crédible dans le cas précis de Falcao. Comme le rappelle Libération, Falcao est un «pur produit de la spéculation», du fait qu'une partie de ses droits économiques appartiennent à un fonds d'investissement qui touche une partie du montant de chaque transfert. Cette configuration économique conduit ainsi à considérer le footballeur comme un produit financier. Ce qui, en soi, serait la forme suprême de la libéralisation économique du football. Songeons notamment à l'inflation du prix d'Eduardo Tuzzio entre son transfert de San Lorenzo au Servette de Genève, puis du club suisse à l'OM, entre juin et juillet 2001, les montants en jeu ayant triplé durant la période. Ce transfert avait d'ailleurs conduit à un procès pour avoir généré des commissions occultes. Ainsi, qu'elle soit fondée ou infondée, la rumeur de transfert envoyant d'ores et déjà Falcao dans un nouveau club révèle plusieurs aspects de la réalité du football contemporain, tant par son assise juridique singulière que par les marchés économiques et financiers la caractérisant. Et si, finalement, la rumeur touchant Falcao ne faisait pas tant sourire que ça ?