De notre envoyé spécial à M'Sila, Kamel Amarni Abdelmalek Sellal accélère la cadence. A raison d'une visite par semaine à l'intérieur du pays, le Premier ministre «sature» l'espace public et offre au pouvoir une présence politique et médiatique compensatoire à l'éclipse d'Abdelaziz Bouteflika. Jeudi dernier donc, Sellal s'était rendu dans la wilaya de M'sila avec une bonne dizaine de ministres. «Le gouvernement, comme vous le voyez, n'a pas pris de congé. Nous sommes toujours sur le terrain. Aujourd'hui nous sommes ici à M'sila,, la semaine prochaine à Naâma, la semaine d'après dans une autre wilaya etc.». C'est le Premier ministre qui parle. Il s'adressait aux élus locaux et aux représentants de «la société» civile locale, qu'il rencontrait à l'université Mohamed-Boudiaf. «Nous nous sommes engagés à accomplir notre mission et veiller à l'application du programme du gouvernement et à veiller sur les préoccupations du citoyen». Ce disant, Sellal attaque de plein fouet le vif du sujet : «Ce qui s'est passé à Bordj Badji Mokhtar, ce n'est pas un grand conflit. C'est juste une tribu contre une autre tribu et l'Etat est intervenu et nous maîtrisons parfaitement la situation». Cette malheureuse affaire a coûté la vie à 9 personnes, comme le confirme le ministre de l'Intérieur Daho Ould Kablia. «Les responsables de cette tragédie seront présentés devant la justice et seront jugés conformément aux lois en vigueur», annoncera Sellal qui saisira ce cas pour revenir sur la situation générale du pays. «Je vous dis cela pour vous réaffirmer aussi que l'Algérie continuera à combattre le terrorisme sans le moindre répit. Certes, la porte est encore ouverte dans le cadre de la loi sur la réconciliation. C'est vrai aussi que la situation est globalement maîtrisée mais il y'a quelques soubresauts, par moment, à Tizi Ouzou, à Bouira et quelques autres endroits». Le Premier ministre fait ici allusion aux poches restantes des groupes d'Aqmi dans la région du centre et au sud et auxquelles il promet «l'enfer». «Comme je l'ai dit récemment (lors de sa visite à Jijel Ndlr», nous avons une grande puissance que nous utiliserons pour assurer notre sécurité et notre stabilité. Nous continuerons à combattre les terroristes mais aussi la contrebande». Sellal cite comme exemple «la lutte inlassable que mènent nos services de sécurité contre les trafiquants de carburants aux frontières Ouest, Est et Sud». Cela dit, il réaffirme la position doctrinale de la politique étrangère de l'Algérie. «Nous n'enverrons jamais aucun de nos soldats en dehors de nos frontières. Nous n'avons l'intention d'intervenir ni nous ingérer nulle part. Mais si jamais quiconque tente de s'ingérer en revanche dans nos affaires, à ce moment là, ce sera une autre affaire, une autre histoire». Ces «rappels» incessants de Sellal ne sont pas fortuits. Ils s'expliquent aisément par la situation bouillonnante dans toute la région du Sahel, au Moyen-Orient et plus particulièrement en Egypte. «J'en ai marre de répéter les mêmes remarques, partout !» Comme à l'accoutumée, Sellal consacre durant ses visites dans les wilayas une grande part à l'économie nationale. A M'sila, il insistera sur trois secteurs phare dans cette wilaya des Hauts-Plateaux : l'agriculture, l'industrie et le tourisme. «M'sila peut à elle seule faire vivre toute l'Algérie avec ses potentialités immenses dans l'agriculture. Il faudrait toutefois introduire un peu de modernité dans ce domaine». L'agroalimentaire peut constituer un socle pour une grande industrie dans la wilaya : «L'autre atout de cette wilaya, c'est l'industrie (...) Tous ceux qui ont de l'argent et veulent investir, nous les aiderons. Même le privé nous l'aiderons. D'ailleurs, la seule instruction que j'ai donnée aux walis, est celle de faciliter au maximum l'acte d'investir. Nous n'avons pas le choix, il nous faut réhabiliter notre base industrielle». Le Premier ministre insiste sur ce point. «Dans les années 1970, l'industrie participait à hauteur de 15 % dans l'économie nationale. Nous en sommes à seulement 4,5, aujourd'hui. Nous avons reculé à cause de la décennie noire. Mais l'ambition du gouvernement est de revenir à un taux de 6 % entre 2014 et 2019. Je le dis et je le répète, le pétrole, seul, ne suffit pas». Le pays ne peut plus continuer à poursuivre la politique économique qui est la sienne depuis l'indépendance. Comme par exemple ignorer ses potentialités touristiques. «Il faut que Bou Saâda retrouve sa place au plan touristique. Et plus généralement, il est temps que l'Algérie revoie sa vision dans ce domaine. Le gouvernement a un grand projet pour ce secteur et projette, d'ores et déjà, d'augmenter de manière significative, nos capacités hôtelières et il faut absolument changer cette vision qui consiste à voir le développement du tourisme comme une menace pour nos valeurs. Nous n'avons peur de rien !». En fait, dans ce domaine comme dans bien d'autres, c'est une question de mentalité à une carapace décidément hermétique. N'est-ce pas qu'avec des moyens financiers astronomiques, l'on continue, partout, à bâtir des horreurs en guise de «nouvelles villes», de «nouvelles cités», de «logements» etc. «Mais j'en ai marre de répéter à chaque fois la même chose !» Ici, c'est Sellal qui «explose» à la vue d'un nouveau site urbain à Bou Saâda : «Mais d'où vous nous ramenez ces couleurs horribles ? Un immeuble en rose bonbon ? Mais tu vis vraiment au Moyen-Age, toi ! C'est quoi ça ? Une poupée Barbie ?». La victime du jour, un responsable de l'urbanisme, tente de se défendre : «Je vais vous donner les détails...». Il est coupé sèchement : «Non ! Je ne veux aucun détail. Tout cela ne me plaît pas du tout»... Toujours le même type de dialogue.