Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a longuement insisté, jeudi, à partir de Jijel où il était en visite officielle, sur la situation régionale de l'Algérie. «Aujourd'hui, beaucoup à l'étranger nous demandent, avec insistance, de jouer un rôle de puissance régionale. Mais l'Algérie ne cherche pas le leadership. Nous voulons l'apaisement et non l'embrasement». Sellal s'exprimait ainsi au lendemain de sa rencontre avec Abdelaziz Bouteflika. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) Mercredi dernier en effet, le journal télévisé de l'ENTV annonçait et montrait des images de cette rencontre «inédite», suivie, jeudi, soit le jour même de la visite de Sellal à Jijel, par une autre annonce similaire de l'ENTV, montrant Bouteflika avec le chef d'état major de l'ANP, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah. «Le président a chargé le chef d'état major d'assurer la sécurité de nos frontières», précise le communiqué officiel. C'est dire que la «sortie» de Sellal n'était pas du tout spontanée. «Le gouvernement est sur la bonne voie. L'Algérie connaît et connaîtra encore une stabilité sur tous les plans. C'est vrai que des insuffisances existent. Mais nous connaissons une stabilité certaine, même si nous sommes entourés par un volcan !». Sellal fait bien sûr allusion à la situation en Tunisie, dans la région du Sahel et même en Egypte. «Aussi, et malgré ce que nous connaissons à nos frontières, votre gouvernement maintient le cap. L'Algérie est à l'abri de toutes ces turbulences, de ce qu'on appelle l'hiver arabe ou je ne sais quoi encore», insistera encore le Premier ministre lors de son intervention au cours de la traditionnelle réunion avec les élus et les représentants de «la société civile» de la wilaya de Jijel. Il tenait encore à rassurer : «Nous ne parlons pas d'embellie financière. Non ! Il nous faut être vigilants et penser aux générations futures. Car, il ne faut jamais oublier par où nous sommes passés. Nous, nous n'oublierons jamais les années 1990. Rappelez-vous toujours qu'à cette époque, l'Algérie n'avait même pas de quoi importer un bateau de blé». Le chef de l'exécutif reviendra plusieurs fois à la charge sur cette affaire. «Je vous rassure, nous avons une puissance d'enfer ! Oui, nous avons une puissance d'enfer mais que nous n'utiliserons jamais en dehors de nos frontières ni contre nos enfants». Sellal, toujours : «L'Algérie possède les moyens et les potentialités pour assurer sa défense.» Un pays comme l'Algérie qui a vécu «une décennie pleine de difficultés qui ont failli entamer l'existence même du peuple et de l'Etat, n'a de leçons à recevoir de personne (...) et aujourd'hui, elle connaît une conjoncture très favorable dans tous les domaines et ce, en dépit de certains problèmes qui suscitent, par moment, l'indignation des citoyens et c'est légitime». Sellal donnait l'impression d'un Premier ministre sûr de lui et dit ne rien craindre, y compris pour la prochaine rentrée sociale. «Nous avons pris nos dispositions pour la rentrée sociale» «Certains nous parlent à chaque fois d'une rentrée sociale explosive, d'agitations sur le front social etc. Je leur réponds que le gouvernement a pris ses dispositions pour une rentrée paisible. Nous avons déjà consacré deux réunions pour préparer les rentrées scolaire et universitaire dans de bonnes conditions. Il y'aura également une conférence économique et sociale en septembre». Et sur ce sujet, Sellal tenait à «recadrer» le patron de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd qui, lui, parle d'une «tripartite» élargie aux syndicats autonomes. «Non, ce ne sera pas une tripartite. Ce sera une conférence économique et sociale qui regroupera tous les partenaires importants». A Jijel, comme dans toutes les wilayas visitées jusque-là, Sellal reprend ses thèmes favoris. D'ordre économique, notamment. En visitant une exploitation agricole, il criera son indignation : «Ce n'est pas normal. Il y'a un problème. Il faut faire un effort. Nous ne sommes pas satisfaits de la production. L'eau existe. Les aides de l'Etat aussi. Alors où se situe le problème ?». Dans une wilaya aux potentialités impressionnantes en la matière, Sellal était en terrain idéal pour dénoncer ce qu'il appellera «l'auto-suffisance». «Il nous faut dépasser cette mentalité d'autosuffisance. Nous avons les moyens de nous hisser à un autre niveau, celui d'exporter nos produits agricoles (...). De nos jours, l'économie mondiale, c'est de pouvoir exporter. Tout le reste n'est que littérature !». A Timizert, dans la daïra d'El Aouana, la visite d'un pôle urbain donnera à Sellal l'occasion de dénoncer, encore une fois, cet incroyable manque d'imagination de nos promoteurs immobiliers. «Mais c'est quo çà ? C'est quoi cette couleur ?!». Dès son arrivée sur le site, Sellal est visiblement frappé par ce contraste consistant à construire une horreur architecturale dans un lieu paradisiaque ! «Mais ici, ce n'est pas l'intérieur du pays ! Regardez un peu cette belle façade maritime ! Faites moi quelque chose de très beau, ici ! Mais cassez-vous un peu la tête, voyons ! Prévoyez aussi des cafés, des terrasses et tout ce qui cadre avec la façade maritime (...)». Comme souvent, le Premier ministre ne manquera pas d'ordonner de tout refaire. En mieux, bien sûr.