L'enquête menée par le parquet de Milan a révélé que Sapiem a versé plus d'un milliard et demi d'euros à deux sociétés syriennes travaillant en Algérie. Sur ce montant, 850 millions d'euros ont été arrachés par la société de Farid Bedjaoui, présenté comme le trésorier de notre ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil. Cette somme représente les travaux de sous-traitance attribués par Saipem à la société syrienne OGEC, dans laquelle Farid Bedjaoui détient 48%. Le journal italien Espresso, qui a publié hier ces informations, révèle encore que les responsables de la société Saipem surfacturaient systématiquement les prestations et rajoutaient à chaque fois une marge de 3% destinée exclusivement à la partie algérienne en charge du secteur de l'énergie. Guardia di Finanza, la brigade financière italienne, travaille depuis des mois pour identifier tout le réseau entourant cette société OGEC, qui servait de couverture à de grandes opérations de corruption, impliquant aussi bien les responsables italiens du groupe ENI que l'ancien ministre algérien de l'Energie, Chakib Khelil et son trésorier Farid Bedjaoui. La brigade financière, ajoute le journal, a réalisé une avancée importante dans l'enquête menée sur les relations établies entre le patron de l'ENI, Paolo Scaroni, et Chakib Khelil. Ces accointances ont été mises en évidence grâce aux confessions de Tullio Bears, un ancien dirigeant de Saipem en Algérie, qui refuse d'être le bouc émissaire dans cette affaire. Cet ancien responsable a révélé encore avoir assisté à des «réunions privées» à l'hôtel Bulgari à Milan entre Varone (qui représentait Saipem) et Bedjaoui, qui désignait OGEC comme sous-traitant. Après ces réunions, Varone lui avait ordonné de rajouter 3% de plus sur les prix, déjà exagérés, d'OGEC, pour créer un surplus destiné à payer les bonnes personnes, a-t-il précisé devant les enquêteurs. Il faut noter que sur 850 millions, cette marge de 3% représente quand même une somme de 25 millions d'euros, empochée par ces «bonnes personnes» que les enquêteurs italiens n'ont pas encore identifiées. Les enquêteurs du parquet de Milan ont démontré que le groupe syrien a reçu de Saipem des commandes de sous-traitance en Algérie, dont le montant global s'élève à 850 millions d'euros. Ils ont constaté qu'avant 2006, OGEC réalisait un chiffre d'affaires annuel qui ne dépassait pas 20 millions de dollars. Mais entre 2007 et 2008, OGEC a obtenu de Saipem la somme de 623 millions pour les travaux qui lui ont été confiés en Algérie. Qui protège encore OGEC ? Les révélations du journal italien, qui confirment les informations publiées dans notre édition du 15 août dernier, permettent de remonter facilement à Chakib Khelil et son réseau qui a permis la déstructuration de la Sonatrach afin de faciliter l'instauration d'un système corrupteur avec les sous-traitants étrangers. Chakib Khelil est parti mais OGEC continue de faire la loi en Algérie. A ce jour, son carnet de commandes est important. Elle sous-traite encore des travaux attribués par des entités publiques, autres que la Sonatrach. Cette petite société de traitement du tubing se permet même de narguer Tayeb Louh et son ministère du Travail en imposant des soudeurs syriens et égyptiens, au détriment des travailleurs algériens. Ces derniers, s'ils venaient à être recrutés par OGEC, le sont pour une durée très courte et signent leurs contrats de travail sans même avoir le droit d'en garder une copie. Il y a quelques mois, un entrepreneur algérien s'est vu carrément châtié par les deux sociétés étrangères Saipem et OGEC pour la seule raison qu'il avait refusé d'employer des soudeurs syriens. Il a préféré utiliser une main-d'œuvre algérienne pour la formation de laquelle l'Etat a dépensé des sommes colossales. Pour son obstination, l'entrepreneur algérien s'est vu contraint d'accepter la résiliation des deux tiers des contrats qui le liaient à Saipem et OGEC.