C'est en termes de «grand projet» que le ministre de l'énergie et des Mines, Youcef Yousfi, parle désormais de l'exploitation des gaz non-conventionnels. Aucune réserve politique, donc, au lancement de cette exploitation dont les répercussions environnementales sont pourtant au cœur d'un débat qui est loin d'être tranché. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) Les journées d'études sur les «Tight and Shale Réservoirs», qui se tiennent depuis hier au Sheraton d'Alger à l'initiative de l'Institut algérien de pétrole (IAP), auront, au-delà de la didactique nécessaire à la compréhension d'un dossier hautement polémique, le mérite de préciser l'intention, jusque-là, indicible du gouvernement. Et qui plus indiqué que le ministre de l'Energie et des Mines, rescapé du dernier remaniement ministériel, pour décliner la feuille de route qui se veut transition du conventionnel vers le non-conventionnel. Dans son allocution d'ouverture des travaux, lue par son conseiller Ahmed Mecheraoui, Youcef Yousfi parle d'un «grand projet pour les hydrocarbures non-conventionnels» et de «conclusions très encourageantes» s'agissant des études déjà effectuées. «Nous sommes assez avancés pour proposer des projets concrets d'hydrocarbures non-conventionnels (Tight Gas, Shale Gas et Oil Gas)». Le ministre de l'énergie et des Mines devait également préciser que les blocs pour l'exploration des gaz de schiste sont identifiés. Il ne reste, a-t-il ajouté, que les accords nécessaires pour l'engagement des projets. Mais pourquoi donc prendre option alors que le débat sur le sujet n'est toujours pas tranché ? La raison relève de la contrainte, soulignée par Yousfi lui-même et confirmée par de nombreux cadres de Sonatrach-amont. Le souci majeur qui a dicté cet engagement pour l'exploitation des gaz de schiste est l'épuisement des réserves de gisement gazier de Hassi R'mel, pendant que l'Algérie se doit à la fois d'assurer sa sécurité énergétique mais aussi d'honorer ses engagements contractuels. «Notre ambition, c'est de garantir à notre pays sa sécurité énergétique à très long terme et de continuer à assurer nos engagements contractuels pour permettre le financement du développement socioéconomique recherché», a souligné Yousfi. Aucune échéance n'est fixée Si la feuille de route est là, engagée et presque finalisée dans son chapitre études, l'échéance pour l'exploitation effective des gaz de schiste n'est toujours pas arrêtée. C'est ce qu'a souligné Saïd Sahnoune, vice-président-amont. Ce dernier a indiqué que les gisements identifiés sont prometteurs, le potentiel évalué, a-t-il dit, est de 707 TSF. Une réserve qui placerait l'Algérie au 4e rang mondial. Mais faudra-t-il aussi réussir l'exploitation qui nécessite, outre la maîtrise des coûts excessivement élevés, une dizaine de millions de dollars pour un seul puits, mais surtout réussir la transition du Service au Puits (conventionnel) vers une industrie manufacturière impérative dans l'exploitation des gaz de schiste, qui nécessitent des forages de puits approchés et nombreux dans un même champ. On n'en est pas encore là. La phase est à la consolidation des données, a précisé Sahnoune. Il faudra compter quelques années encore pour assister à l'entame de la phase exploitation proprement dite, laquelle suppose la réunion au préalable d'une multitude de conditions qui vont de la maîtrise technique au palliatif de sécurité sur l'environnement. Car les géologues continuent à alerter sur les risques patents de la contamination de la nappe albienne par les rejets chimiques, ceci en sus de l'épuisement de la nappe elle-même. «La ressource albienne sera considérablement entamée, car la fragmentation hydraulique suppose des volumes énormes d'eau. Car comme les gisements identifiés se trouvent près de l'Albien, c'est de cette nappe que l'eau sera puisée. La nappe sera également contaminée, inéluctablement, par les rejets chimiques, car le procédé d'extraction suppose l'usage d'adjuvants chimiques», a averti un cadre de Sonatrach-amont, sous couvert de l'anonymat.