Dans son discours d'investiture organisée, jeudi, à Bamako, le président Ibrahim Boubacar Keita a minimisé le rôle de l'Algérie dans la résolution de la crise malienne. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) Les absents ont toujours tort. Le dicton a pris tout son sens, jeudi, lors de la cérémonie d'investiture du nouveau président malien. L'Algérie, représentée par son Premier ministre du fait de l'incapacité de son Président à effectuer le voyage jusqu'à Bamako, a été reléguée au second plan. Dans son discours, Ibrahim Boubacar Keita a tout juste consacré deux paragraphes à son voisin du Nord. «Mention particulière à la République algérienne, pour son soutien constant et engagé sous la direction de notre aimé et estimé le Président Abdelaziz Bouteflika. Depuis le temps de la très glorieuse indépendance, où depuis Gao, avec l'heureuse complicité de notre feu père le gouverneur Bakara Diallo, ils s'occupèrent du pont sud dans la patriotique lutte de libération de l'Algérie, glorieux temps où le père de l'indépendance du Mali, feu Modibo Keita, et Ahmed Ben Bella ont tissé des liens d'une fraternité décidément irréfragable». L'Algérie et Abdelaziz Bouteflika n'auront pas droit à plus de considération. Oubliée l'aide militaire et humanitaire ainsi que le rôle des troupes de l'Armée nationale populaire qui ont participé — sans pour autant pénétrer sur le territoire malien — à prendre en étau les groupes terroristes. Oubliée également la dette malienne que l'Algérie a effacée. Un discours d'investiture est toujours porteur de messages. On retiendra que celui d'IBK a surtout été consacré à encenser le Maroc de Mohammed VI. Le roi, présent à Bamako, a eu droit à un véritable panégyrique. Six minutes de louanges et d'éloges. «Majesté, merci, oui grand merci Sir, pour l'incommensurable et insigne honneur à notre peuple et à notre modeste personne par votre présence auguste ici aujourd'hui. Oui Majesté, vous êtes chez vous car à Tombouctou, nous nous sentons à Fès et qu'à Fès vous vous sentez à Tombouctou et à Djenné. Ainsi, nos rapports tissés au long des siècles, fécondés par Ahmed Baba et tous les éminents jurisconsultes qui ont fait la gloire de Bilad Essoudane et de Tombouctou. Présidant le Conseil de sécurité de l'ONU en le temps nous, nous en avions le plus grand besoin, votre pays, Majesté, a tout mis en œuvre, de concert avec tous nos pays amis et au premier rang desquels la France du président Hollande pour l'adoption des résolutions qui permettront la libération du Mali. Notre pays ne l'oubliera pas, Sir. Nous n'oublierons pas non plus que, n'écoutant que son devoir de solidarité, permettra et autorisera le survol de son territoire pour que les Rafales venant de la lointaine Saint-Dizier viennent mettre fin aux rêves prétentieux et criminels des djihadistes qui pensaient nous asservir. Majesté, roi Mohammed VI, souverain chérifien, commandeur des croyants, roi du Maroc, votre participation à notre début de mandat cinquante ans après celui qui a incarné au plus haut point la dignité et l'honneur du Mali eut reçu votre père, le très vénéré, Sa Majesté le roi Hassan II. Sir, votre présence ici, aujourd'hui, est un signe incontestable d‘estime et d'amitié dont nous vous saurons éternellement gré. Votre action récente en faveur du respect des émigrés est une éloquente illustration de votre engagement pour l'homme. Bienvenue, Majesté, sur cette terre où vous n'êtes point étranger.» Même la France de Hollande et le Tchad d'Idriss Déby Itno, deux Etats engagés militairement dans la lutte contre les terroristes au Nord-Mali, n'ont pas eu droit à autant d'égard. C'est donc le Maroc, pays du Maghreb qui ne dispose d'aucune frontière directe avec les Etats du Sahel, qui a joué le premier rôle. Au-delà de la mauvaise foi du nouveau président malien, la «cérémonie» de jeudi confirme — une nouvelle fois — la déroute de la diplomatie algérienne.