Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Malheureusement, une fois de plus, la fin de la convalescence du Président n'a pas eu lieu. Tant de fois annoncée et, pour des raisons toujours inexpliquées, différée, elle alimente, non seulement, les rumeurs mais suscite, également, de la gêne dans le premier cercle qui lui sert, depuis 5 mois, de «sas» politique. Annoncé, sans la moindre précaution interrogative, le premier Conseil des ministres de l'année 2013, qu'il devait présider, est reporté sans explication. Même Sellal, habituellement disert pour désamorcer les doutes et la spéculation, se réfugie depuis mercredi soir dans le silence. Et c'est ainsi, qu'au malaise latent qui traverse la totalité de la classe politique, est venue se greffer à nouveau l'anxiété quant à la véracité des assurances délivrées au sujet de son état de santé. Après un intermède au cours duquel il fut certifié, grâce à quelques coups médiatiques, que sa maladie relevait du passé, revoilà le temps des incertitudes par la faute de ceux qui n'ont eu de cesse de faire «joujou» politiquement avec des paramètres relevant exclusivement de la science médicale et des impondérables de la nature. Il est vrai, par contre, que cette joute qui consiste essentiellement à brouiller toutes les données du destin national ne concerne que les strates de la nomenklatura et, de fait, la presse dont la raison d'exister la pousse à en parler. Car, dans la réalité du quotidien de ce pays, il existe deux «communautés» d'Algériens qui n'ont plus d'échange et s'ignorent jusqu'au mépris. D'une part, celle qui continue à prospérer et à se multiplier dans le terreau de la politique et, d'autre part, la multitude restante qui n'a plus confiance en la première. Entre ce qui s'appelle péjorativement «la rue» par opposition aux «salons de la prédation», il n'y a plus de passerelle d'où l'apparence tout à fait fausse que l'Algérie est remarquable par sa stabilité. En oubliant que les remissions de la contestation sociale couvent toujours sous elles des volcans, les actuels sorciers du régime persistent à jouer au poker menteur en réactivant, par la manipulation des réseaux, l'idée que des mandats peuvent aisément s'additionner. Or, comme l'a formulé avec ironie un médecin de notre connaissance, à «El Mouradia, disait-il, il y a un malade à soigner et pas un Président à courtiser pour l'instant». D'une certaine manière, il accusait ce cercle restreint qui contrôle les institutions du pays de recourir, à ce qui pourrait s'appeler en termes de droit, à «un abus de faiblesse». Alors que certains confrères avaient vite conclu, au lendemain du 11 septembre, que Bouteflika «est toujours le maître du jeu politique», ils redécouvrent incidemment deux semaines plus tard (ce mercredi 25 septembre) qu'à ce propos, rien n'est moins sûr. Chef de l'Etat à temps partiel, c'est-à-dire selon les cycles que lui permet désormais une santé chancelante, doit-il en toute conscience accepter des sollicitations qui pourraient flatter un ego tout en mettant en péril un pays déjà mal en point ? Rien n'interdit, malgré le huis clos qui caractérise le fonctionnement de sa présidence, de penser que, dans la solitude, il n'avait pas envisagé l'éventualité de son départ. Ce ne serait pas donc un déficit de lucidité stratégique qui l'obligerait maintenant à tergiverser sur ses intentions mais plutôt le fait qu'il ne soit pas, lui-même, tout à fait le maître de ses décisions ! Beaucoup d'entre elles auraient été prises à son insu qu'il n'a fait qu'entériner pour de simples modalités de calendrier. Car, entre le 27 avril, date de son hospitalisation et ces dernières semaines, son entourage avait plus d'une fois réécrit le scénario qui le concernait. D'ailleurs, au creux de la maladie n'a-t-on pas, scrupuleusement, envisagé de lui donner seulement la possibilité de poursuivre jusqu'à son terme son mandat ? Puis, au fil des discordes réelles et des luttes intestines dans une «certaine» institution, a commencé à germer un étonnant consensus qui ferait de lui l'alternative à ceux qui commençaient à prôner l'alternance. C'est ainsi qu'un Président durablement diminué par la maladie est redevenu un candidat de secours pour les 5 années à venir... Or, quand bien même il se convainc qu'il peut demeurer au palais et que l'on s'occupera sans souci du formalisme de sa réélection, peut-il par ailleurs ne pas se méfier du syndrome de la rue et de son mécontentement qui, partout, ont fait la preuve de leur «nuisance» face à ce genre de tentation ? L'impopularité de son régime, dont les échos lui sont souvent parvenus, n'est-elle pas un argument dissuasif intellectuellement lorsque, de surcroît, il vous manque et l'énergie de battre campagne et surtout la latitude d'avoir les mains libres ? Car, c'est quand même ce personnage haut en couleur et au verbe caustique qui brocardait, dix ans auparavant, les «Présidents stagiaires» et refusait que l'on fasse de lui un «trois quarts de chef d'Etat». Or, en acceptant ce compromis de n'être qu'un prince-lige, il s'apprête à tenir le rôle de marionnette à durée déterminée ! Une perspective peu glorieuse pour une carrière si longue.