En 2004, je n'ai pas souvenir que le candidat Benflis ait axé sa campagne sur une réhabilitation de l'ex-FIS. Il y a dix ans, il s'était présenté en opposition contre Bouteflika après avoir fait main basse sur le FLN tout en ambitionnant d'être le fédérateur de toutes les oppositions au pouvoir. S'inscrivant dans un contexte de rapports tendus entre l'armée incarnée alors par le général Lamari et le Président Bouteflika, la candidature d'Ali Benflis paraissait jouir de l'appui de la haute hiérarchie militaire. Et de ce fait, il était donné comme un possible vainqueur du scrutin. Le général Lamari ayant déclaré que l'armée ne soutenait personne, qu'elle était neutre, d'aucuns avaient alors compris que celle-ci laissait tomber Abdelaziz Bouteflika. En tout cas l'illusion Benflis aura duré le temps de la campagne électorale. Il aurait dû alors méditer le propos du Président-candidat le dernier jour de sa campagne à la salle Harcha affirmant que celui qui ne remporterait pas l'élection présidentielle dès le premier tour à une majorité écrasante n'avait qu'à rester chez lui. Certes, en 2014 la donne n'est plus la même. Abdelaziz Bouteflika, diminué par la maladie, mène une campagne par procuration. Mais, depuis quelque temps, Ali Benflis affiche de nouveau une posture de fédérateur de toutes les oppositions pour sortir de la crise, comme en 2004, sauf qu'à l'époque si mes souvenirs sont bons, il n'incluait pas l'ex-FIS comme solution de cette crise. «Je suis un homme de réconciliation nationale et j'ai suffisamment de courage pour réunir tout le monde autour d'une grande table, le pouvoir et tous les acteurs politiques, pour éteindre la fitna et trouver ensemble une solution à la crise. La crise multidimensionnelle qui secoue le pays depuis 25 ans est toujours là, malgré les tentatives de la rahma, de la concorde civile et de la charte pour la réconciliation nationale, car aucune de ces solutions n'est allée aux profondeurs de cette crise politique et sécuritaire entre autres dimensions», déclarait-il il y a quelques jours. D'abord réduire la crise à une « fitna», qui est par définition un terme religieux, c'est la réduire à un conflit religieux. Or, elle est fondamentalement politique. Qui plus est, l'Algérie de 2014 n'est plus dans cette configuration politique caractérisant la fin des années 1990 et le début des années 2000 où l'affrontement entre l'islamisme djihadiste soutenu par tout ou partie de l'ex-FIS et l'Etat et la société constituait la contradiction principale du moment. Pour faire court, cet affrontement ne structure plus le champ politique en 2014 ! Ce sont les problèmes sociaux, les attentes sociales, le chômage des jeunes, le développement et l'emploi, la corruption, le besoin de libertés et la refondation de l'Etat sur des bases démocratiques qui structurent désormais le champ politique et médiatique algérien. Ali Benflis se trouve ainsi en porte-à-faux avec les propos de Mouloud Hamrouche au forum de Liberté qui, pointant la gravité de la crise, en appelle à une nécessaire transition et à des décisions courageuses impliquant l'armée comme solution de la crise. Ainsi qu'avec l'appel de Liamine Zeroual rappelant les sacrifices consentis par l'armée, les forces de sécurité et la société grâce à qui la menace terroriste a été considérablement réduite et, partant, a rendu caduque, parce que décalée, la réhabilitation de l'ex-FIS. Lui aussi appelle à une nécessaire transition. Ce qui ne signifie bien sûr nullement que l'idéologie islamiste sous-tendant l'islamisme radical a totalement disparu. Bien au contraire, grâce à la réconciliation nationale, le salafisme rétrograde est en train d'effectuer un retour graduel dans l'espace social via les réseaux sociaux, les mosquées squattées par les salafistes et même à travers les médias audio-visuels. Dès lors, pourquoi réintroduire un parti dissous dans le jeu politique alors que cette question n'est plus à l'ordre du jour parce qu'elle n'est plus d'actualité ? Est-ce par méconnaissance des réalités d'une Algérie et d'une société ayant changé —nous sommes à l'heure d'internet et des réseaux sociaux — par rapport à des dirigeants qui continuent de regarder le pays à travers un rétroviseur ? On ne lui fera pas l'injure d'avoir passé un deal avec certains dirigeants de l'ex-FIS dans l'espoir de ravir les voix de ce qu'il reste de l'électorat islamiste, tout comme on ne lui reprochera pas son silence durant la décennie noire. Mais, toujours est-il, me semble-t-il, que sa proposition de réhabilitation de l'ex-FIS, d'éteindre la «fitna» s'inscrit dans une vision décalée de la réalité algérienne. Dommage. H. Z.