Le président Barack Obama a reçu hier le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui presse les Etats-Unis de ne pas se laisser abuser par la récente «offensive de charme» diplomatique des Iraniens. MM. Obama et Netanyahu se sont retrouvés dans le Bureau ovale pour un entretien bilatéral et un déjeuner de travail. Avec son hôte, le dirigeant américain a discuté du processus de paix récemment relancé avec les Palestiniens, mais aussi de la Syrie et de l'Iran, a indiqué la Maison Blanche. Sur ce dernier sujet, la semaine dernière a été marquée par des développements spectaculaires : les Iraniens ont accepté de reprendre les négociations sur leur programme nucléaire et les chefs de la diplomatie des deux pays, John Kerry et Mohammad Javad Zarif, se sont rencontrés jeudi en marge de l'Assemblée générale de l'ONU. Et vendredi, un coup de téléphone historique s'est produit entre M. Obama et son nouvel homologue iranien Hassan Rohani. Depuis son investiture en août, ce dernier, élu avec le soutien des réformateurs, a multiplié les déclarations apaisantes et les ouvertures envers l'Occident, à rebours de la rhétorique enflammée de son prédécesseur ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad. La conversation de 15 minutes entre MM. Obama et Rohani, sans précédent à ce niveau entre Iraniens et Américains depuis la révolution islamique de 1979, a été marquée par un ton «cordial», selon un haut responsable de la Maison Blanche. M. Obama, devant l'Assemblée générale de l'ONU mardi dernier, avait dit vouloir donner une chance à la diplomatie pour tenter de résoudre le dossier nucléaire, contentieux majeur entre le gouvernement iranien et l'Occident. Mais il avait réclamé des «actes» des Iraniens pour prouver leur bonne foi. «Nous sommes conscients de toutes les difficultés qui nous attendent», a-t-il affirmé vendredi après avoir parlé à M. Rohani, tout en se disant persuadé qu'il existe «une base pour une solution» avec l'Iran, soumis à des sanctions qui étouffent son économie. «Belles paroles» Washington et ses alliés soupçonnent le programme nucléaire iranien d'avoir des visées militaires, ce que Téhéran dément. La Maison Blanche n'a pas exclu un recours à la force en cas d'échec de la diplomatie mais a fait valoir que l'Iran n'avait pas encore commencé à assembler une bombe atomique et qu'il était encore temps de discuter. Israël, à portée des missiles iraniens, considère que ce programme constitue une menace pour son existence. Le gouvernement de M. Netanyahu a évoqué à mots à peine couverts une opération militaire unilatérale visant les infrastructures nucléaires de la République islamique. M. Rohani a assuré qu'il avait reçu mandat du Guide suprême Ali Khamenei, véritable maître du jeu politique à Téhéran, pour négocier, mais il a aussi insisté sur le fait que développer l'énergie nucléaire constituait le droit souverain de l'Iran. Il s'agit d'un point de désaccord majeur entre MM. Obama et Netanyahu : le président américain a concédé que Téhéran pouvait développer un programme «pacifique», tandis que son allié israélien réclame désormais le démantèlement des installations atomiques, dispersées sur le territoire de la République islamique. Contrairement à M. Ahmadinejad, qui avait nié l'Holocauste, M. Rohani a condamné «le massacre des juifs par les nazis», tout en ajoutant que ce «crime» ne justifiait pas «l'occupation» israélienne, également «condamnable» à son sens. Mais pour M. Netanyahu, le remplacement de M. Ahmadinejad par M Rohani n'a rien changé, et devant l'Assemblée générale de l'ONU aujourd'hui, il tentera de convaincre que la menace iranienne n'a pas diminué. Avant son arrivée à Washington, la télévision israélienne a évoqué la position du Premier ministre, citant son entourage : «Si les négociations avec l'Iran ne conduisent pas au bout du compte à un démantèlement du programme nucléaire iranien et pas simplement à sa surveillance, Israël se considérera comme étant libéré de ses engagements dans ce processus diplomatique entre le monde occidental et l'Iran.» «La signification est qu'Israël pourra décider d'attaquer seul l'Iran», selon la même source. Avant de partir pour les Etats-Unis, M. Netanyahu a dénoncé «l'offensive de charme» du président iranien, affirmant avoir «l'intention de dire la vérité face à l'offensive de belles paroles et de sourires».