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L'entretien de la semaine Messaoudi Ahmed, psychologue clinicien, praticien en psychologie scolaire, au soirmagazine :
«C'est aux parents d'engager le dialogue pour déterminer les raisons de la crainte d'aller à l�
Dans cet entretien, Messaoudi Ahmed, psychologue clinicien, praticien en psychologie scolaire, met toute la lumière sur un phénomène qu'il ne faut pas toujours prendre à la légère et qui révèle parfois un réel mal-être chez l'enfant qui refuse d'aller à l'école. Par Katya Kaci Soir Magazine : En tant que psychologue, pouvez-vous nous dire ce que vous inspire le thème de «l'enfant qui craint l'école» ? Ahmed Messaoudi : Tout d'abord, j'aimerais faire une brève définition du concept de «l'école». Cette institution propre à chaque nation et à chaque culture moderne constitue une donnée essentielle dans le développement de l'être humain. C'est à l'école que se construit tout un chapitre de l'avenir social et une grande partie du devenir personnel de l'individu. Donc, lorsque votre enfant refuse d'aller à l'école, il faut tout d'abord que vous essayiez d'en déterminer les causes, et là, deux cas de figure se distinguent. Le premier, l'enfant refuse d'aller à l'école pour des raisons conscientes et rationnelles, dues notamment à un sentiment de crainte physique par rapport à un enseignant trop sévère, ou encore à des rapports peu amicaux avec les camarades de classe. Le second et le plus commun pour moi en tant que psychologue, c'est la peur irrationnelle et inconsciente de l'enfant qui, chaque fois qu'il doit rejoindre l'école, se met dans un état de panique physique et incontrôlable. Dans ce cas-là, les parents, qui ont tout essayé pour raisonner leur bambin, en arrivent au suivi psychologique, et c'est à partir de cette étape que le travail du psychologue entre en jeu afin de déterminer les causes profondes et souvent inconnues chez l'enfant qui craint d'aller à l'école. En prenant déjà le premier cas de figure, la peur consciente de l'école, comment peut-on (parents, éducateurs ou psychologues) aider l'enfant à dépasser cette crainte ? En premier lieu, les parents étant les premiers responsables du bien-être de leur enfant doivent prêter attention au comportement de ce dernier quand il refuse ou présente des appréhensions au moment d'aller à l'école. Le ou les parents doivent parler à leur enfant, discuter avec lui et le conduire à révéler le pourquoi d'une telle crainte afin d'y remédier en proposant par exemple de l'accompagner à l'école pour parler à son professeur et tenter ainsi de le rassurer. Cette piste peut de ce fait mener à découvrir que son fils, ou sa fille, se sent peu rassuré face à un enseignant peu affectueux ou humiliant. Nombre de professeurs ne voient en l'enfant qu'un quotient intellectuel à évaluer et à instruire, en éludant tout le potentiel émotionnel et psychologique de l'enfant. Une perspective d'ailleurs abordée par le professeur Simoussi Abderrahmane dans son ouvrage L'élève contre l'enfant, que j'encourage les professionnels du champ psychologique, les éducateurs et les enseignants à lire afin de trouver la clé d'une prise en charge effective et complète de l'enfant, notamment en cas de rejet de l'école. La cause consciente peut, par ailleurs, être expliquée par la crainte de l'enfant envers certains camarades d'école. Des petits caïds qui le violentent ou encore le fait qu'il soit considéré comme le bouc émissaire de sa classe mènent généralement à ce que l'enfant refuse d'aller à l'école, et dans ce cas-là, le parent doit jouer son rôle rassurant et d'accompagnateur et peut même, dans certains cas, intervenir auprès des encadreurs scolaires pour trouver une solution à cette situation. Et en ce qui concerne la peur irrationnelle et inconsciente de l'école, comment l'expliquez-vous et comment les parents doivent-ils prendre en charge leur enfant ? Nous avons dans le jargon professionnel le terme d'«Ajuriaguerra» qui renvoie au psychanalyste français du même nom et qui est défini comme : «Les enfants qui, pour des raisons irrationnelles refusent l'école et résistent avec des réactions de panique lorsqu'ils y sont forcés» ; des cas qu'on retrouve fréquemment dans les consultations psychologiques et durant lesquelles le professionnel doit travailler à interpeller l'inconscient de l'enfant et déterminer la portée et la symbolique de cette crainte.Ainsi, durant la prise en charge, le psychiatre retrouve des événements marquants qui changent le quotidien de l'enfant ; se retrouver en dehors de son environnement familial provoque chez l'enfant ce qu'on appelle «l'angoisse de la séparation», une angoisse qui se révèle chez les enfants de 5 à 7 ans chez lesquels la crainte d'être séparés des parents ou de la famille provoque des crises, parfois violentes, au moment d'aller à l'école. La timidité peut également être à l'origine de cette crainte vis-à-vis de l'école, car ces enfants n'arrivent pas facilement à tisser des liens avec les autres. Cependant, il est très rare que cette crainte dure longtemps, et les enfants timides réussissent avec le temps à dépasser leurs limites et à se mêler à leurs camarades de classe. La dyslexie et l'alexie, qui sont en fait des troubles liés à la difficulté de lire, sont aussi à l'origine de ce phénomène de rejet de l'école, car l'enfant, se sentant inférieur aux autres, refuse d'aller à l'école, et pour ce cas également, la prise en charge est obligatoire si l'on veut éviter l'échec scolaire. Il existe des cas extrêmes de phobie scolaire qui se matérialisent par des crises de larmes ou de colère aiguës, des maux de tête ou des vomissements chaque fois que l'enfant doit aller à l'école, et pour ces cas-là, la consultation psychologique est nécessaire afin que le professionnel mette en œuvre le travail d'investigation et de mise en lumièredes causes profondes qui bloquent l'enfant. Nous avons vu qu'avec une prise en charge effective, de nombreux cas de phobies scolaires trouvent une solution, mais estimez-vous que l'échec scolaire est, dans certains cas, dû à une crainte rationnelle ou inconsciente de l'école et qui n'a pas été correctement prise en charge ? Cela va de soi que lorsque l'enfant qui présente un cas de phobie scolaire, et ce, que la peur soit rationnelle ou non, n'est pas pris en charge par ses parents ou par les éducateurs, on débouche parfois sur l'échec et la déperdition scolaires. Et à ce propos, j'aimerais dire que tout enfant en échec scolaire est un enfant en souffrance ; une souffrance parfois exacerbée par les différentes humiliations des camarades d'école, des professeurs ou des membres de la famille. Les enfants qui subissent ce genre de pressions ont l'impression de n'exister qu'en tant qu'élève et non pas en tant que personne avec tout un apport cognitif, émotionnel et un développement psychologique et psychique. Un cas dans lequel la pratique pédagogique des éducateurs entre en compte, certains professeurs qui traitent l'enfant d'âne ou de cancre ne font, en fait, que tuer et casser la volonté de l'enfant, des pratiques d'un autre âge qui peuvent être la source de l'échec scolaire parce qu'elles décomposent l'enfant alors qu'il a besoin de soutien, de motivation et d'encouragement. Dans d'autres pays, par exemple, les notions évaluatives de «médiocre ou de faible» sont remplacées par «peut mieux faire» et cela afin de préserver tout le potentiel et l'estime de soi chez l'enfant.