Par Hassane Zerrouky Commençons par la fête de l'Aïd. En dépit d'un prix se situant autour de 65 000 dinars, de nombreux Algériens se sont serré la ceinture pour s'offrir un mouton de 40 kg qui, une fois égorgé, donne autour de 20 kg de viande, soit un kilogramme de viande à 2 500 dinars ! A ce prix, les maquignons, aidés par le discours religieux encourageant l'achat du mouton, font un chiffre d'affaires faramineux ! Pourtant, le sacrifice du mouton n'est pas obligatoire. Mais combien sont-ils ces imams ayant assez de courage pour le dire aux croyants le vendredi jour de grande prière ? Dans les années 1970 et même 1980, il était rare de voir ces scènes que l'on voit aujourd'hui dans les villes, y compris dans les quartiers huppés, des moutons, parfois des hordes de moutons, parqués au pied des immeubles, dans les cages d'escalier, voire sur les balcons. A l'époque, quand la chose se produisait, les gens en riaient. Plus aujourd'hui où chacun exhibe son mouton sur son balcon comme un signe de bonne religiosité. Dans ces années-là, l'Etat, via les Souks-el-Fellah – ils servaient au moins à ça – proposaient des quarts de mouton à des prix défiant toute concurrence pour ceux qui n'avaient pas les moyens de s'acheter une bête vivante. Et les gens s'en contentaient... Sauf certains courants islamistes qui, déjà, fustigeaient le «socialisme impie» ! En relation avec l'Aïd, cette phrase de Amar Saïdani piquée dans le Soir d'Algérie de lundi prononcée devant une assemblée de militants à Ourgla : «Les portes des candidatures à la plus haute magistrature sont fermées au sein du FLN. Je suis là pour vous dire que notre candidat est connu, il s'agit d'Abdelaziz Bouteflika.» Or, le candidat désigné par le chef de l'ex-parti unique n'a ni annoncé sa candidature (c'est un peu tôt) ni assisté à la grande prière de l'Aïd al-Adha. Qu'en conclure ? Autre fait ayant défrayé la chronique, la retransmission «pirate» du match de football entre le Burkina Faso et l'Algérie par l'ENTV. Des voix se sont élevées pour la qualifier de «procédé honteux», «d'acte de vol», etc. Certes, du point de vue de la logique néolibérale, la méthode employée par la télévision nationale est discutable. Mais il ne faut quand même pas pousser, nous n'allons pas nous faire les avocats d'Al-Jazeera et de ses patrons qataris ! Ce sursaut d'orgueil de l'ENTV ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. Qu'Al-Jazeera ait demandé l'ouverture d'un bureau à Alger n'est pas le vrai problème. En fait, si elle se permet d'exercer un tel chantage, et si elle se permet d'acheter les droits de retransmission d'un match opposant des équipes nationales, privant du coup les TV nationales africaines de le diffuser, et si en Europe cela est impossible, c'est parce qu'en Afrique et singulièrement au Maghreb, Al-Jazeera est en terrain conquis. C'est l'expression du triomphe de la diplomatie de l'argent, des pétrodollars au service d'un agenda politique prônant des projets de société réactionnaire et rétrograde à l'opposé des aspirations populaires. Et c'est un secret de Polichinelle de dire que cet émirat minuscule, sans passé historique, créé de toutes pièces par les Britanniques, qui cherche à jouer dans la cour des grands, bénéficie d'une certaine complaisance de la part de nos officiels. Au point qu'ils se taisent quand ce petit bout de désert, fort du soutien de Washington, profite de l'effacement diplomatique de l'Algérie pour l'attaquer frontalement, et ce, tout en bénéficiant de marchés en Algérie même. Et comme si cela ne suffisait pas, le relais est pris par Al-Jazeera, qui est, faut-il le rappeler, la propriété de la famille princière qui gouverne ce pays ! De ce fait, il ne s'agit pas d'un média indépendant mais d'un média quasi-officiel. C'est l'arme médiatico-politique du Qatar comme l'illustre son parti-pris pour les islamistes tunisiens et égyptiens, sans compter les mensonges déversés sur la Syrie et les «daawa» politico-religieuses du prêcheur millionnaire cathodique Al-Qaradawi ! Pour finir, rappelons que la chaîne qatarie, qui se targue de faire de l'information, et qui s'est trouvée des défenseurs chez nous à l'occasion du match Burkina-Algérie, a passé sous silence la condamnation en février dernier, en deuxième instance, à 15 ans de prison, du poète qatari Mohammed Al-Ajami, alias Ibn Al-Dhib. Son crime ? Un poème ayant déplu à la famille princière. Extrait : «A quand le tour des pays commandés par des ignares et qui tirent leur gloire des forces américaines ? (...) Vous qui importez tout de l'Occident, que n'importez-vous le droit et la liberté.» Ce faisant, l'ENTV a également passé sous silence cette condamnation !