Par Boubakeur Hamidechi [email protected] A l'échelle des allégeances, Sidi Saïd n'a pas de pareil. Une notoriété tout à fait singulière pour un obscur syndicaliste que le hasard des évènements propulsa au-devant de la scène nationale et qui ne sut jamais faire la part de la lumière du monde politique et les exigences du combat pour lequel il était assigné. Et c'est ainsi que l'UGTA s'est retrouvée compromise dans des enjeux étrangers à sa vocation au point d'en être réduite à un instrument politique et un levier de manœuvre du pouvoir, toutes les fois quand cela lui était nécessaire. Pour bien dater la dérive syndicale, il suffit de retenir les péripéties des présidentielles de 2004 à travers d'abord, l'inexplicable parti-pris de campagne de son secrétaire général puis le zèle indélicat qu'il déploya personnellement et qu'il «inspira» en même temps à sa base pour stigmatiser quiconque exprimerait un avis contraire. Sans trop s'attarder sur la somme de subterfuges qu'il a accumulés tout au long de son second mandat (2008 à ce jour) et ce, afin de demeurer dans la galaxie du pouvoir, force est de souligner par contre son rôle de nervi qu'il tint pour briser tous les débrayages initiés par les courants syndicaux autonomes. Cela est d'autant plus significatif qu'il en vint à instruire des procès d'intention... politique aux enseignants lors des grèves scolaires quand ceux-là ne revendiquaient modestement que des revalorisations de statuts. Or, après une période d'effacement s'expliquant par la perte de repères due à la complexité de la situation actuelle, il semblerait que certains signaux lui seraient parvenus. Boussole en main, Sidi Saïd est donc appelé à faire amende honorable auprès de Saïdani ! Tenu d'honorer le potiche du FLN, il caresse l'espoir qu'en retour, celui-ci plaiderait à nouveau sa cause en bonne et due forme. En effet, il est exact, comme le rappelle notre confrère du Soir d'Algérie de ce jeudi, que l'année 2014 n'est pas seulement celle des présidentielles, elle est également celle de la tenue du congrès électif de l'UGTA ! Comprenez donc que cette convergence du calendrier constitue une opportunité idéale de transaction. En échange d'un Sidi Saïd aux ordres de campagne pour un 4e mandat de Bouteflika, il bénéficiera alors de larges soutiens pour sa reconduction à la tête de l'organisation syndicale. Et c'est simplement pour ce marchandage pitoyable que l'UGTA se résigne à dérouler le tapis rouge au factotum du FLN. Il est vrai qu'il n'y a rien d'étonnant à cette démarche car, depuis longtemps, la cause de l'UGTA est entendue, grâce à son inamovible SG. En effet, comme au temps des organisations de masse, satellites du parti unique, Sidi Saïd réactualise cet ancien catéchisme. Pour lui, il n'y aurait d'efficacité syndicale que dans la mesure où celle-ci ferait la courte échelle aux intentions des pouvoirs et s'adapterait à leurs desiderata en toutes circonstances. Or, la version qu'il en a donnée sur le terrain est condamnable à plus d'un titre dès l'instant où l'interface politique qui gouverne le pays n'a jamais fait de secret quant à ses inclinations ultralibérales. A l'UGTA on connaissait sûrement les projections idéologiques du Bouteflikisme dès 1999. Ses dirigeants, d'ailleurs, en eurent un avant-goût lorsqu'il entreprit le démantèlement du tissu industriel au prétexte de sa faible productivité. Certes, il y eut quelques velléités pour s'y opposer mais, très vite, l'on fit marche arrière. Et c'est ainsi, qu'avec presque la bénédiction du syndicat, nos usines devinrent des friches et que les promesses d'une mutation économique, ne se sont jamais accomplies. C'était dans ces contextes très particuliers sur le front social que cette organisation ouvrière aurait dû conforter sa légitimité en s'y opposant, quitte à agiter l'arme de la grève. Au contraire, elle se résigna souvent au louvoiement quand elle ne joua pas au pompier de service lorsque la grogne des salariés et des chômeurs dérangeait le pouvoir. Depuis, elle n'a cessé de perdre du crédit sur le terrain social avec des taux de syndicalisation qui ont été vertigineusement érodés. Instance de médiation sans la base, ou presque, l'UGTA, à l'image des notables qui la dirigent depuis 10 ans, est paradoxalement contrainte aujourd'hui de quémander des soutiens pour sa survie à un parti politique, fût-il le plus influent. Emouvant délabrement d'une prestigieuse cathédrale ouvrière alors qu'il y avait moins de 20 ans les courants politiques sollicitaient son expertise, voire sa caution dans les débats. Sidi Saïd et les comparses du Conseil national ne sont pas étrangers au rétrécissement de l'audience de cette prestigieuse organisation. Ils en seraient de surcroît à l'origine de sa faillite. Inévitable celle-ci, pour peu qu'un concours de circonstances politique permettrait à l'Algérie de tourner la page du Bouteflikisme en 2014. Car, pour avoir œuvré, d'ailleurs dans l'intérêt de leur carrière, à cet arrimage contre-nature jusqu'à faire d'elle un réseau électoral parmi tant d'autres, Sidi Saïd et compagnie ne sont finalement parvenus qu'à mener le syndicalisme au discrédit auprès de ceux qui, jadis, lui prêtaient des vertus d'avocat. Telle qu'elle se présente actuellement, cette «centrale», déjà à la marge du monde du travail, est effectivement, bien loin de rappeler qu'elle fut la bonne adresse pour exprimer les doléances et les craintes de la précarité. Fortement intégrée dans l'armature du régime, elle survit dans une sorte d'humiliation insidieuse de la part du gouvernement, lequel ne la considère que comme un appendice de l'exécutif comme l'ont illustré plus d'une fois les surréalistes «tripartites». C'est ainsi qu'apparaissent désormais ceux qui l'animent : le premier d'entre eux sous les habits d'arlequin et les autres comme des marionnettes dans un théâtre d'ombres orphelin de public.