Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Comme dans le régime matrimonial des familles recomposées, celle de l'actuel pouvoir politique est déjà traversée par des querelles de sérail, quelques semaines à peine après que l'alliance eut été scellée. C'est ainsi que, dans la courtisanerie d'El-Mouradia, les plus en vue se donnent en spectacle par allusions interposées. Après que Sellal, ce porte-voix patenté agissant en quasi vice-président, ne se fut déchaîné contre Saïdani, lui reprochant les analyses compromettantes qu'il avait fournies à la presse étrangère, ce dernier réplique en laissant entendre que tout cela relevait d'une sournoise «machination» arguant de sa bonne foi que jamais ses propos n'ont dépassé la ligne rouge. A première vue, la mise au point du chef du FLN peut être perçue comme l'aveu d'une simple erreur de langage, qu'il a d'ailleurs vite fait d'en imputer son amplification à la «mauvaise interprétation» faite par la presse. Mais derrière ce mélodrame, écrit et interprété par le Premier ministre à Sétif, la fâcherie n'est pas tant dans le contenu de l'interview accordée à l'agence anglaise Reuters, ni même dans l'entrefilet évoquant la fin de la primauté de l'armée dans l'Etat. Elle aurait pour origine un agacement subjectif du chef de l'exécutif par intérim, lequel aurait bien aimé se charger de recevoir cette presse étrangère afin de délivrer les messages idoines. Unique voix officielle en l'absence de Bouteflika, il reprochait au falot de Saïdani de vouloir tenir un rôle qui n'est pas le sien. Bien plus qu'une affaire d'égo, cette «ingérence» d'un «leader» de parti dans la stratégie de communication du régime lui paraissait, non seulement comme un grossier dérapage mais de plus, elle prive le centre du pouvoir d'une opportunité de faire lui-même sa promotion à l'international. C'est qu'à ce propos il y eut, par le passé, un précédent et Sellal s'en est sûrement souvenu, d'où sa crise de nerfs en province. En effet, cela remonte au printemps 2008 lorsque Bouteflika, himself, avait accordé une interview à cette même agence Reuters à partir de laquelle les indigènes d'Algérie apprirent qu'il allait postuler pour un 3e mandat et, pour ce faire, s'apprêtait à amender dans ce sens la Constitution. Or, malgré l'usure du temps et les circonstances exceptionnelles que connaît le président de la République, il est apparu inadmissible, pour son entourage, qu'un second couteau de surcroît à la botte du clan en question, se soit chargé de délivrer l'oracle d'un 4e mandat sans l'aviser préalablement. Formellement, l'on n'a donc retenu contre Saïdani que le «délit» d'atteinte à la préséance ! Alors qu'il n'a maladroitement fait qu'imiter le Président, face aux mêmes interlocuteurs de Reuters, Saïdani ne serait effectivement coupable que de «récidive par imitation», si l'on peut qualifier ainsi le fameux entretien. Car la première entorse aux us du pouvoir et à l'éthique politique c'était quand même Bouteflika qui l'avait accomplie en mars 2008 ! Et c'est par conséquent à lui que l'on doit encore retourner ces mêmes reproches. La classe politique a, sans doute, toujours en mémoire la désinvolture du Président qui a préféré passer par les relais médiatiques étrangers pour parler de ses intentions personnelles et la suite de sa carrière. Elle s'en est même émue que le chef de l'Etat ait pu se confier hors des frontières et refuser de débattre au sein des institutions nationales. Certes il avait la réputation d'être indélicat avec la presse locale mais cela ne l'empêchait guère de prendre directement langue avec l'opinion afin de plaider pour son ambition et de convaincre de ses respectables desseins pour le pays. Il ne l'avait fait en 2008 et de nos jours il accorde les mêmes visas à son clan pour maintenir le black-out sur la suite à donner pour les dernier 6 mois de son mandat. Laissant le soin à quelques caciques de parler en son nom, il cultive une sorte d'ermitage dont il pense qu'il lui sera bien plus profitable que s'il en sortait de son effacement et rompait avec son mutisme. Bien que grandement fatigué, son entourage est en train de lui façonner une image de «père de la nation» installé ad-vitam sur le socle du pouvoir comme une icône de recours. C'est là tout le paradoxe des protocoles compassionnels qui, au lieu d'accompagner vers la porte de sortie deviennent en politique, un atout pour se faire «réélire». Le marketing politique qui s'affine au fil des semaines va justement dans ce sens-là. Celui de faire la promotion du zaïmisme patriotique au sein duquel celui qui l'incarnera sera moins un intendant de l'Etat qu'un guide de la nation. Sellal, notamment, y travaille à la diffusion de cette «idée». Petit Marco-Polo sillonnant les 48 provinces, il décline le Bouteflikisme comme l'unique doctrine de la stabilité et la prospérité. Or, dans ce matraquage médiatique, aux accents oratoires médiocres et primaires, ce souffre-douleur qu'est Saïdani a pourtant cru se reconnaître quelques talents ou du moins certaines compétences. Autrement dit, à travers la manière de Sellal de se dépenser sur tous les fronts, il a voulu en faire son modèle, de même qu'il désirait qu'il en soit son mentor. Sauf qu'il s'est pris les pieds dans le tapis rouge des chasses-gardées de la communication politicienne alors qu'il était assigné à la mobilisation des Kasmas d'un appareil de propagande. En fait, le conflit entre Sellal et Saïdani n'était rien d'autre qu'une pitoyable scène de ménage.