Par Maâmar Farah [email protected] Au début, nous pensions que l'été indien, ce long intervalle qui prolonge la belle saison au-delà des limites imposées par le calendrier, allait faire quelques embardées supplémentaires, piétinant les plates-bandes de l'automne, avant de s'essouffler sur les premières pentes d'octobre. Non ! L'été indien, plus vigoureux que jamais, a poussé, poussé. Jusqu'à fin novembre. Et, sans crier gare, voilà l'hiver qui arrive en trombes, bousculant un automne dont on se demande si jamais il a existé ! Et, dans quelques mois, les naïfs qui attendront le retour du printemps seront bien servis : on passera directement d'un hiver tardif à un été torride ! Mince alors, mais où sont passées les quatre saisons ? Jadis, la Méditerranée était connue pour ses quatre saisons, contrairement aux autres régions aux climats extrêmes. Les météorologues sont désorientés. Ils font appel aux climatologues pour nous expliquer un phénomène qui doit être sérieusement étudié, et pas seulement «traduit» au jour le jour pour les profanes que nous sommes, à partir des cartes satellites. Il y a un dérèglement sérieux, c'est sûr ! Ce ne sont pas les habituelles surprises du vendredi où la pluie inattendue gâche le pique-nique, ni les petites perturbations que l'on accueille avec le sourire : il y a un problème assez grave et il nous faut plus qu'un bulletin météo pour en saisir toute la complexité. En effet, si le météorologue interroge le ciel pour nous dire s'il va faire beau ou mauvais le lendemain, il est incapable de nous donner des explications satisfaisantes sur le long cours. Bien sûr, nos météorologues ont tendance à nous rassurer. C'est l'anticyclone des Açores... Oui, pas de doute. Cet anticyclone est devenu aussi populaire que n'importe quelle marque de lessive. Ou alors, l'air glacial provenant du pôle Nord a été stoppé dans sa progression vers l'Europe. Habituellement, il se baladait sans problème ; mais, cette année, il a dû attraper un rhume et s'est retrouvé au lit... El Niño. Qui ne connaît pas El Niño, petit bambin joufflu comme un cumulus, léger comme un zéphyr, mais méchant comme une vague d'ouragan. Non, ce n'est pas El Niño... Et puis, il faut faire vite avant la pub et le journal ! Conclusion optimiste : le climat tempéré reviendra bientôt... Mais si, effectivement, pluies et neiges de «saison» nous réconcilient avec monsieur Hiver, des spécialistes anglais nous prédisent des années à venir plus chaudes encore que tout ce que nous avons vu cette décennie et la précédente ! Une vérité déjà : dix des douze dernières années sont les plus chaudes depuis 1850. Et puis, il y a les tempêtes, les ouragans, les typhons, les cyclones, de plus en plus meurtriers. Accompagnés de tsunamis destructeurs, ces phénomènes imprévisibles font des ravages et laissent des régions entièrement dévastées. Par ailleurs, un fait inquiétant est en train d'alerter les experts en climat, mais aussi les écolos et les industriels du tourisme et des sports de montagne. Les glaciers sont en train de fondre d'une manière inquiétante. Selon une étude publiée par l'agence de l'ONU pour l'environnement, 30 glaciers de référence ont perdu environ 66 centimètres d'épaisseur en moyenne en une année. Mais la perte depuis trente ans est de l'ordre de 10,5 mètres ! Prévision des climatologues : les glaciers des Alpes disparaîtront d'ici 2050 ! En Afrique du Nord, le désert avance plus vite que prévu et les spécialistes prédisent que le Sahara gagnera une centaine de kilomètres dans quelques décennies, installant sable et désolation sur une zone connue actuellement comme étant la steppe et les Hauts-Plateaux. Autant dire que le Sahara sera aux portes de la Méditerranée dans certaines régions. Saluons quand même la décision du gouvernement algérien de lancer un second barrage vert, même si elle a trop tardé... Cela fait longtemps que la presse aborde les excès du climat qui laissent des bilans catastrophiques. Mais, préoccupés par des problèmes plus terre-à-terre, les humains ne prêtaient guère attention à ces constats alarmants, et encore moins aux avertissements des spécialistes nous invitant à limiter l'émission de certains gaz dits «à effet de serre» et à changer nos habitudes de vie. Cependant, ces mêmes experts n'arrivent pas à se mettre d'accord sur la cause de ces changements déroutants du climat. La politique, en s'invitant dans leur débat, les empêche de désigner le même coupable. Résultat : la communauté scientifique se divise en deux. Le premier camp affirme que le réchauffement, comme le refroidissement, sont des cycles naturels et que, si la Terre se trouve aujourd'hui dans une situation de redoux, ce n'est la faute de personne. Et de nous citer des phases similaires qui ont jalonné l'histoire de notre planète. Le second camp est plus catégorique : il n'y a rien de naturel dans la dégradation actuelle. L'homme en est responsable. L'effet de serre qui fait pousser les températures et déstabilise les saisons est le résultat des émissions de gaz divers. Cela va des vapeurs dégagées par les activités industrielles au gaz carbonique de nos voitures, en passant par d'autres types d'émanations provenant des climatiseurs, des réfrigérateurs, et même des petites bombes aérosol que nous utilisons quotidiennement. Certains pays sont montrés du doigt. Les Etats-Unis d'Amérique apparaissent comme le principal pollueur de la planète. Mais il y a aussi d'autres nations qui participent activement à la dégradation de la couche d'ozone et à l'effet de serre. Nous citerons, par exemple, la Chine qui, pour faire fonctionner son gigantesque parc industriel, a besoin d'énormes quantités de matières polluantes, à l'instar des produits énergétiques. Son taux de croissance époustouflant est l'arbre qui cache la forêt. Il faut plus que l'alarmisme des climatologues pour gagner cette nouvelle guerre contre le réchauffement du climat, menace mortelle pour la Terre. L'implication des politiques est une nécessité absolue en ces temps où l'ultralibéralisme installe une forte mentalité de profit qui tourne le dos aux questions écologiques. Pourtant, les opinions paraissent plus sensibilisées que jamais par la cause de la nature. De par ses effets sur leur vie quotidienne, ce réchauffement n'est plus une vue de l'esprit ou un sujet réservé à l'élite scientifique. Les pouvoirs politiques, très liés aux milieux industriels, ne sont pas connus pour être des adeptes de la protection de l'environnement. Au moment où les armes tonnent plus que jamais, avalant les centaines de milliards de dollars, il est scandaleux que les gouvernements concernés ne trouvent pas l'argent nécessaire pour la protection de l'environnement. Le chemin est encore long. Mais puisse ce climat totalement déboussolé, — où les quatre saisons montrent parfois le bout de leur nez en une seule journée —, donner à réfléchir aux décideurs. La planète bleue n'appartient pas seulement à notre génération. Elle est aussi le bien de nos enfants et de nos petits-enfants. Dans quel état allons-nous la leur léguer ? Réfléchissons-y tous ensemble et mobilisons-nous pour que les saisons retrouvent leur cycle naturel. Ainsi, les enfants pourront voir de leurs propres yeux ce qu'ils apprennent dans les livres : oui, les feuilles mortes sont le signe de l'automne et le printemps est bel et bien la saison de la nature en éveil, des fleurs égayant les champs et des papillons virevoltant dans les prés. Cependant, au rythme où vont les choses, ce rêve semble irréalisable car la voracité du capitalisme, poussé de plus en plus vers ses extrêmes par une Droite plus injuste que jamais et une Gauche désormais alliée du grand capital, fera en sorte que la nature continuera d'être dévastée, donnant libre cours aux folies du climat et à ses furies meurtrières.