Il a fêté ses 95 ans en juillet. Nelson Mandela a tiré sa révérence ; il ne s'est pas éteint car les grands hommes ne s'éteignent pas. «Je suis Algérien, disait-il en reconnaissance à l'Algérie d'alors.» Il restera vivant et son combat un exemple pour tous les hommes épris de liberté et de justice. Il a tant donné : les plus belles années de sa vie - dont 27 ans en détention - pour son combat contre la forme la plus abjecte de domination des peuples, l'Apartheid, qui a fait de son pays une vaste prison pour les populations noires. Sa victoire et celle de son peuple acquises, il devient le premier président Noir d'Afrique du Sud. Avec l'élégance qui caractérise justement les grands hommes, il quitte le pouvoir et ne s'y accroche pas comme une sangsue, cette espèce si répandue en ces temps qui courent ! Le combat de Mandela va rencontrer dans le début des années soixante, celui de la lutte algérienne pour la libération nationale. Si le système de domination coloniale en Algérie diffère de l'Apartheid, leur socle à tous les deux est identique : domination d'êtres humains par d'autres ; spoliations, racisme, massacres, assassinats... Le jeune avocat qu'était devenu Nelson Mandela, qui militait déjà en tant qu'étudiant contre l'Apartheid, accompagné de Robert Reisha, futur représentant de l'Afrique du Sud en Algérie indépendante, fut envoyé par l'ANC (Congrès national africain) pour rencontrer des responsables de l'ALN, quittant pour ce faire clandestinement l'Afrique du Sud. L'ANC était alors à un tournant dans sa lutte anti-Apartheid. Face aux exactions répétées des tenants du pouvoir raciste, suite aux très nombreux massacres perpétrés à Soweto, Sharpeville... et aux multiples assassinats de militants, l'organisation a décidé d'une autre étape de son action en passant de la lutte non violente à la lutte armée. Le mouvement national algérien ayant connu ce passage, il devenait important pour les combattants sud-africains de se rapprocher et de profiter de l'expérience algérienne. C'est ainsi qu'accueillis très secrètement dans la zone de l'Etat-major Ouest, ils auront, raconte Nourredine Djoudi, qui fut l'interprète et le témoin privilégié de cette rencontre et plus tard ambassadeur d'Algérie à Pretoria, à s'informer, des journées et des nuits durant, auprès de Cherif Belkacem et antérieurement avec Chewki Mostefaï et Mohamed Lamari, des questions liées «à la préparation des conditions nécessaires au déclenchement de la lutte armée : choix rigoureux et formation des premiers combattants, stockage des armes, des munitions, des aliments et des médicaments...». Et à propos justement de la formation, l'Algérie s'engage alors à former les combattants de l'armée anti-Apartheid d'Afrique du Sud alors même que le pays était encore sous domination française. A l'indépendance, Ben Bella invite Mandela en 1962 au défilé militaire. Financement de l'ANC et ouverture de camps d'entraînement militaire pour les combattants sud-africains sont alors fournis ou mis à disposition. La mise sous les verrous en 1964 par les autorités de Pretoria de Mandela et sa condamnation à la prison à vie ne vont pas faire fléchir le soutien et l'assistance de l'Algérie au combat anti-Apartheid. A sa libération en 1990, après 27 ans d'enfermement, Mandela se souviendra de ce que l'Algérie a apporté à son combat et à celui de son peuple. Il consacre sa 1re visite à notre pays, cette même année 1990 et déclare alors : «Je suis algérien, je suis arabe, je suis musulman», poursuivant qu'il a été le premier Sud-Africain à avoir été entraîné aux armes en Algérie. «Quand je suis rentré dans mon pays pour affronter l'Apartheid, je me suis senti plus fort.»