A entendre le ministre de l'Agriculture prier les producteurs de lait en sachet de ne pas détourner la matière première subventionnée par l'Etat, pour en faire d'autres usages, il est à se demander où sont passés les moyens de régulation et surtout de contrôle mis en place par l'Onil. Mehdi Mehenni - Alger (Le Soir) Si la sortie sur le terrain d'Abdelwahab Nouri a quelque peu tardé, vu que la tension sur le lait se fait sentir depuis déjà plusieurs jours, ses déclarations n'ont pas manqué d'étonner. En visite d'inspection ce lundi, à l'Office national interprofessionnel du lait et des produits dérivés (ONIL), de Boufarik, il a appelé les producteurs à faire «preuve de nationalisme et de sens de la responsabilité», pour ce qui est de l'utilisation de la poudre de lait importée et subventionnée par l'Etat. Cette matière première qui est censée être strictement intégrée dans la production du lait en sachet qui est fixé à 25 DA, est souvent détournée pour la production de produits dérivés, tels que les yaourts et les fromages. Et face à cette situation, qui est pour beaucoup dans la crise de lait qui secoue actuellement le marché algérien, le ministre préfère recourir à la morale pour responsabiliser les producteurs indélicats. Pourtant, l'Onil qui a instauré un nouveau cahier des charges redéfinissant à partir de janvier 2012, la distribution et l'exploitation de la poudre de lait soutenue par l'Etat, dispose de moyens de régulation et surtout de contrôle. A plus forte raison qu'il existe une commission ad hoc qui siège au ministère de l'Agriculture et qui est chargée de fixer les quotas de poudre de lait accordés aux différentes laiteries privées et publiques. «Nous ne comprenons pas pourquoi la visite d'inspection du ministre s'est limitée à une unité de production publique, pourtant d'aucuns n'ignorent pas que le problème réside au niveau des producteurs privés qui n'honorent pas souvent leurs engagements...», se confie un cadre du secteur. Ce dernier explique aussi que la hausse des prix et la rareté de cette matière première sur le marché international ne justifie pas à elle seule le manque d'approvisionnement du marché algérien : «La filière du lait est très complexe et nécessite un suivi permanent. Le comité interprofessionnel du lait qui regroupe l'ensemble des acteurs de la filière doit se concerter en permanence et travailler à pérenniser la production et la faire évoluer. Or, ce comité ne s'est pas réuni avec le ministre depuis belle lurette». Notre interlocuteur évoque également le manque d'anticipation sur les cours du marché international, et se demande pourquoi l'Onil a attendu que les prix grimpent pour lancer un avis d'appel d'offres pour l'acquisition de matière première. «Nous aurions pu constituer un stock au moment où les prix étaient stables et surtout la matière disponible», ajoute-t-il. Enfin, il est à signaler que dans les couloirs du ministère de l'Agriculture, les murmures portent sur une triste démarche : «Nous avons l'impression que les responsables du secteur sont dans une logique politique plutôt que celle de garantir la sécurité alimentaire du pays».