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Vieille laïcité-démocratie, nouveaux clergés
L'Algérie face à la menace du despotisme de l'argent
Publié dans Le Soir d'Algérie le 03 - 02 - 2014

La «décennie de la dernière chance» : de quelques vrais enjeux
Je trouve optimistes les vues de ceux qui pensent que l'Algérie aurait toute une décennie devant elle pour tenter son ultime chance de se sortir du chaos dans lequel elle ne cesse de s'enfoncer depuis 50 ans. Personnellement, je parlerai de quelques années, cinq à six tout au plus, tant les dangers sont imminents, omniprésents et graves : de la menace en spirale des «printemps» arabes, au ras-le-bol d'une population spoliée jusqu'à l'os, en passant par les bombes à retardement – déjà amorcées – du mégachômage endémique des jeunes, de la catastrophe dénommée éducation nationale, des rancœurs populaires devant la multiplication des Ali Baba et leurs quarante voleurs dépeçant à leur profit investissements publics, pétrole, gaz, sociétés nationales et ex-sociétés nationales devenues de prospères «entreprises privées». Cette décennie ou ces quelques années devront voir très vite l'Algérie devenir une nation digne de ce nom, un Etat de droit, une vraie «démocratie», laïque et républicaine, avec, comme en Malaisie par exemple (petit pays classé développé), un appareil économique, étatique et privé non corrompu et nationaliste, ayant autant à cœur l'enrichissement personnel que le développement du pays et de ses forces productives, ce qui est l'intérêt bien pensé et durable de tous. On n'a jamais autant parlé, un peu partout dans le monde, de démocratie-laïcité comme bases inévitables de prospérité économique et sociale. Et cela est particulièrement le cas, ces temps-ci, au Canada, au Québec où je peux observer tout cela à loisir infini. Devant tant de bruit entourant le débat sur la laïcité et les valeurs au Québec, en contexte de grogne étudiante face aux coûts des études, de sourde grogne populaire face à la multiplication des mises à pied, des baisses de salaire et des services publics, des dégâts dus à la dérèglementation néolibérale. Devant la montée, un peu partout dans le monde, d'idées communautaristes et xénophobes, je propose de revenir sur les origines des idées dites laïques et de laïcité, sinon de démocratie elle-même. On verra que ces idées ont, historiquement, bien plus à voir d'abord avec des révoltes contre l'exploitation des peuples, les inégalités et les injustices, que le seul retrait, stricto sensu, du religieux par rapport au politique : vaste chantier pour nos décideurs !
Origines : cesser l'exploitation concertée des peuples (laïkosen grec ancien)
Depuis des temps immémoriaux, ceux parmi les humains qui désiraient détenir et conserver des pouvoirs et privilèges réservés devaient s'appuyer sur des complices chargés (par la prétention de détention de savoirs spéciaux : cosmogonies, théologies, idéologies...) de faire accepter aux peuples la légitimité de ce désir. Ce sont ceux que l'on peut désigner par le terme clercs (qui a donné clergé), c'est-à-dire «ceux qui savent». C'est ainsi que sorciers, chamans, prêtres... se sont alliés, d'abord, à ceux qui avaient l'usage du plus ancien instrument de pouvoir : les armes (chasseurs, guerriers, noblesses de souche militaire). Ces clercs élaborèrent les savoirs devant servir à la légitimation de l'accaparement exclusif du pouvoir par un groupe social donné, en échange de quoi, ils obtenaient des privilèges garantis. Ce furent, de tous temps (les études ethnologiques le montrent) des justifications invoquant des raisons transcendantales (transcendant la condition humaine) conférant un statut spécial, hors du commun, immortel-divin aux accapareurs du pouvoir. Cette collusion clergés-politiques, sans doute née à des époques très reculées, a toujours constitué une farouche défense d'intérêts réciproques, défense indispensablement construite sur l'exploitation et la subordination de ceux qui deviendront sujets, puis simples citoyens. Ces derniers constituaient la chair à canon des guerres royales et seigneuriales, les sources de fort nombreuses taxes telles que tailles, cens, banalités, gabelles, champarts au bénéfice des seigneurs et dîmes, corvées, dons, indulgences à celui des clergés. Voilà pourquoi le roi français devint de «droit divin», le royaume d'Espagne «très catholique», le souverain anglais «doté de corps immortel», l'empire romain-germanique «saint», maints sultans «descendants du Prophète». En échange de cette sacralisation du politique et de ses privilèges, l'Eglise occidentale, par exemple, pouvait exploiter de son côté populaces et paysans, jusqu'aux excès culminant avec l'affaire des indulgences sous le pape Léon X, excès qui menèrent au schisme déclenché par Luther au XVIe siècle. Schisme survenu précisément en des temps dits de «Renaissance» (avec ses nouvelles idées plus humanistes, plus scientifiques et rationnelles...), un terreau fertile qui enfantera plus ou moins directement des Lumières et de ceux qu'on dénommera plus tard libres penseurs et rationalistes : les Rousseau (Discours sur l'inégalité des conditions, Le contrat social...), Montesquieu, Voltaire, Diderot. Il est de première importance de rappeler que leurs hérétiques idées furent d'abord dénonciation de l'exploitation concertée du peuple par le trio monarchie-noblesse-Eglise. Le tout trouvera un épilogue, notamment, avec la Révolution de 1789, mettant à bas le pouvoir Eglise-noblesse au profit du tiers-Etat, mais ouvrant la voie à une nouvelle classe de privilégiés : la bourgeoisie, principalement manufacturière, qui aura bientôt son clergé.
Nouveau clergé : la finance-business à la US
A ce qui précède, on comprendra qu'il est fallacieux de réduire l'idée de laïcité-démocratie à la seule séparation entre religion et politique. La lutte contre les injustices et inégalités sociales y est aussi importante, sinon prépondérante. Est-ce fortuit si l'encyclique Rerum Novarum (sorte de réponse aux Conditions de la classe laborieuse en Angleterre en 1844 de F. Engels) sacralisant propriété privée et droits de gérance parut à l'apogée de la Révolution industrielle ? Est-ce aussi fortuit si, en toute fin du XIXe et début du XXe, apparurent les premiers gourous de l'économie-management moderne, Fayol et Taylor ? Ils furent les premiers «clercs» du nouvel ordre bourgeois-manufacturier qui domine largement aujourd'hui à l'échelle de la planète. Ils en engendreront d'innombrables autres. Ce nouveau clergé, dédié aux intérêts des faiseurs d'argent (money-making, comme on dit si bien et sans hypocrisie en anglais), fabriquera deux grandes idéologies présentées comme sciences : l'économie néoclassique-néolibérale et le management. S'entre-alimentant sans cesse à tour de rôle, ils ne sont qu'auto-renforcement tautologique de pseudo-savoirs : des techniques, habiletés et théories du «comment faire plus d'argent» présentées comme des connaissances. Ce clergé a ses gourous : Drucker, Simon, Porter... ses messes : congrès, colloques ; ses prédicateurs : animateurs-vedettes et experts des médias (propriétés de membres du clergé et dits
médias libres) ; ses fanatiques, intégristes et dogmes... (entre autres, le Nobel d'économie J. Stiglitz, utilise ces termes dans La grande désillusion, 2000) auxquels il faut croire (les journaux rapportent en ce moment que la BCE européenne ne croit pas ce que croit le FMI, qu'au Forum de Davos on croit autre chose). Ces dogmes sont marché autorégulé, libre concurrence, croissance infinie, justesse scientifique d'enrichissement illimité des riches (surhumains leaders, héros, génies, qui le méritent). Ils sont produits de temples : facultés d'économie néolibérale, écoles de business, instituts, avec leurs lieux sacrés : Harvard, Sloan, Wall-Street. En pleine connivence avec les milieux d'affaires (sauf de rares exceptions), ces temples fournissent les savoirs et les élites (nouveaux clercs) dont nos «Etats» (en fait plus que jamais comités de gestion des intérêts des dominants) se gavent : hauts commis, consultants, conseillers, éminences grises. Les milieux finance-business téléguident et dictent (c'est ce qui se dit actuellement à Davos où on dénonce le contrôle des Etats par la finance), pour leurs stricts intérêts égoïstes présentés comme sciences de l'économie et de la gestion lois et décisions étatiques (jusque et y compris politiques internationales, guerres...). Il faut toujours davantage socialiser les coûts et privatiser profits et privilèges (James O'connor, The Fiscal Crisis of the State, 1973) pour maintenir richesses des uns et pouvoir des autres.
Laïcité-démocratie moderne ? Séparer l'argent de l'Etat et rompre radicalement avec le modèle US !
J'ai répété à maintes reprises, lors de mon passage en Algérie en juillet 2013, que lesdits pays «émergents» du Brics allaient connaître un repli imminent à cause du repli structurel de l'économie occidentale, que l'Europe allait, avec sa façon de guérir sa crise de maux néolibéraux avec plus de néolibéralisme, ne faire qu'aggraver les choses, que la paupérisation générale de la planète allait s'accentuer à cause de l'insensée hausse infinie de l'hyper-richesse des riches, que le monde ne pouvait continuer sa suicidaire façon de conduire ses affaires selon la gouvernance dominante de type US... Or, voilà que, en ce début de 2014, des institutions aussi importantes que bien pensantes : le Forum de Davos, l'OIT, Oxfam... annoncent la panne de croissance du Brics ; la régression de l'Europe au rang de pays émergents ; la nécessité de réinventer la gouvernance (sortir de la mondialisation et du néolibéralisme) ; l'urgence de donner plus d'importance au côté de la demande et au salariat... Mais l'Algérie, hélas, semble plus que jamais aveuglée par les chimères de l'économie-management à la US et celles de son clergé (milieux d'argent/business et ses écoles) lorsque l'on voit importer par nos hauts instituts supérieurs de formation des «doctorats» (inventés par les USA) dits DBA, Doctorate in Business Administration qui ne sont que gonflage de MBA et dits, textuellement, diplômes professionnels centrés sur l'application des théories managériales et non sur l'avancement ou l'élaboration de théories ; des programmes de turbo-MBA destinés à «former», en quelques semaines, des cadres et dirigeants qui se croiront, comme le dit un certain Mintzberg, savants et fondés scientifiquement à prendre des décisions aux conséquences qui dépassent leurs capacités. Est-ce cela réinventer la gouvernance ? Napoléon disait qu'un Etat qui dépend des banques (il dirait aujourd'hui finance-business) n'est maître ni de ses décisions ni des intérêts qu'il défend. Un certain Tolstoï, aristocrate à son époque, disait que les peuples ont faim parce que les dominants mangent trop. L'ampleur grandissante des inégalités sociales (Inequality for All de R. Reich ; inquiétude n°1 de l'actuel Forum de Davos ; du dernier rapport de l'OIT...) due à cette collusion business-Etat est imposée par des politiques (dites scientifiques-économiques) d'enrichissement infini des riches qui, forcément, se fait au détriment du salariat, de la nature et des services publics (Oxfam 2014 : la fortune des 85 personnes les plus riches équivaut à l'avoir de 50% des habitants de la planète ; une journée des 100 tops PDG du Canada égale le revenu familial moyen annuel canadien, etc.). Quand un tel milieu qui prétend détenir le savoir bénéfique à tous (un clergé donc) s'acoquine, pour des intérêts égoïstes, aussi étroitement avec le milieu des décideurs publics (managers du privé devenant ministres et vice-versa... comme jadis cardinaux et chanceliers), il n'y a ni Etat, ni démocratie, ni laïcité. La frustration populaire monte et exige des boucs émissaires. On peut aisément l'abreuver de démagogie, de coupables tout désignés, de diversions de basse politique. Mais demeure le problème de fonds : des richesses communes scandaleusement accaparées par des minorités toujours plus riches et plus arrogantes. Donc, la laïcité-démocratie, bien sûr, mais d'abord la vraie, celle qui sépare tout clergé, quel qu'il soit, de l'Etat. Les kippas, croix et tchadors... ne sont qu'artefacts secondaires et viennent bien après. Le nouveau clergé qui menace l'Algérie s'appelle les forces de l'argent et ses commensaux : «experts» en management made à la US, écoles de gestion à la US, haut diplômés en pseudos savoirs au service du money-making infini maquillés en objectives sciences du développement. Que nos décideurs actuels et futurs méditent ce passage de Thomas More, datant du XVIe siècle, (Utopia, 1516) :
«Les riches diminuent, chaque jour, de quelque chose le salaire des pauvres, non seulement par des menées frauduleuses, mais encore en publiant des lois à cet effet. Récompenser si mal ceux qui méritent le mieux de la République semble d'abord une injustice évidente, mais les riches ont fait une justice de cette monstruosité en la sanctionnant par des lois. C'est pourquoi, lorsque j'observe les Républiques aujourd'hui les plus florissantes, je n'y vois qu'une certaine conspiration des riches faisant au mieux leurs affaires sous le nom et le titre fastueux de République. Ils poursuivent un double but : premièrement, s'assurer la possession certaine et indéfinie d'une fortune plus ou moins mal acquise ; deuxièmement, abuser de la misère des pauvres, abuser de leurs personnes et acheter au plus bas prix possible leur industrie et leurs labeurs. Et ces machinations décrétées par les riches au nom de l'Etat sont devenues des lois.»
O. A.
*Ph.D., full professor, HEC Montréal, auteur de Halte au gâchis,en finir avec l'économie management à l'américaine, Arak éditions, 2013.


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