El Hadj M'hamed El Anka, ou celui qui a facilit�, � travers ses mirifiques chants, l'acc�s aux grands po�tes maghr�bins du XVIe au XIXe si�cle et � leurs diff�rentes formes po�tiques, gardera � jamais le m�rite d'�tre le digne pr�curseur de la chanson cha�bi. Son �vocation, 26 ans apr�s sa disparition, avec la d�f�rence qui lui sied, n'est que juste consid�ration pour la l�gitimit� du titre de ma�tre qu'il a port� durant toute sa carri�re artistique ; lui qui a surpass�, � la faveur de sa passion et de sa pers�v�rance, la notori�t� de tous les meddahinequi l'on pr�c�d�. Et pourtant, le chemin de la r�ussite n'a pas �t� pour lui une sin�cure, loin s'en faut. Son chemin, � lui, �tait "jalonn� d'emb�ches" pour reprendre l'expression utilis�e par notre ami Rabah Sa�dallah dans son livre Le cha�bi d'El Hadj M'hamed El Anka. Ses pr�d�cesseurs, � l'image de Mohamed Bensma�ne, chanteur et po�te d�c�d� en 1870 � Alger, Mustapha D�rouiche, Ahmed Meka�ssi, Hadj El Habib, Mohamed Essafsafi, Malek Haddad, Mustapha Zaouche, Sa�d Derres, Sa�di Abderrahmane et Mustapha Nador, ont incarn�, il est vrai, le genre melhoun jusqu'� l'asseoir, sans conteste, sur son pi�destal. Mais, El Anka l'a port� au panth�on de la musique universelle pour le faire aimer de tous les Alg�riens. La musique cha�bi est, en effet, sortie gr�ce � El Anka de son alti�re Casbah o� lui-m�me naquit le 20 mai 1907. Sa musique conna�tra d'autres horizons parce qu'il a su alterner verbe et m�lodie pour n'en faire qu'une seule anthologie o� l'on peut savourer aussi bien la force po�tique que les enjolivements musicaux. Son cheikh Sa�dji Mustapha, dit Nador (1874-1926), lui a inculqu� sans doute ce que lui m�me n'a pu accomplir. Celui-ci a per�u, vraisemblablement, ses capacit�s d�s lors que Kehioudji, demi-fr�re de Hadj M'rizek, avait int�gr� le jeune A�t Ouarab Mohand Idir, alors �g� de 13 ans, dans son orchestre. Deux ans apr�s la mort de Cheikh Nador, El Anka r�alise l'enregistrement de 27 disques de 78 tours chez Colombia. Ainsi, toutes les formes po�tiques des a�des maghr�bins structurant le melhoun y sont chant�es. Le Meksour Dj'neh (aile bris�e), le Soussi Mezlouq (qacida en rosaire) ou le M'cheteb (qacida dodue) n'ont plus de secret pour El Anka pour qui les enseignements linguistiques et biographiques assur�s tour � tour par Sid- Ahmed Ibn Zekri et Sidi-Ali Oulid Lekhal lui seront d'une grande utilit� jusqu'� forcer l'admiration du roi du Maroc qui l'invita, en 1932, � s'y produire � l'occasion de la f�te du tr�ne. A force de chanter les po�sies pan�gyriques de Abdelaziz El Meghraoui (546- 1606), de Ben Ali Ould Er'zine (1737- 1822), Sidi Lakhdar Benkhlouf (mort en 1660 environs � l'�ge de 125 ans), Sidi Kaddour El Alami (742-1850), pour ne citer que ces grands bardes, El Anka devint � son tour meddah Ennabi. Et pour se rapprocher davantage du Proph�te (QSSSL), il accomplira en 1936 le p�lerinage aux lieux saints de l'Islam. Sur le bateau El Mandoza qui le m�nera jusqu'� la tombe de celui qu'il aimait appeler la prunelle de ses yeux, il ne s'emp�chera pas de composer sa fameuse chanson El Houdja. A la m�me ann�e, chantera en kabyle sa c�l�bre chanson Ammi �zizen(� cher fils). Le l�gendaire porte-drapeau de la po�sie melhoun d�c�dera le 23 novembre 1978 � Alger apr�s avoir interpr�t� pas moins de 350 po�sies, produit environ 130 disques et laiss� derri�re lui une pl�iade d'�l�ves qui continuent aujourd'hui � perp�tuer fid�lement sa tradition. Cette tradition dont El Anka a fait sa raison d'�tre pour l'inscrire dans la l�gende car " Esseid eymout yak seid oualew" qui " yechref menou ledh'yed khayfa" (Le lion meurt mais restera lion. M�me vieillissant, les loups le redoutent toujours). C'est le couplet r�v�lateur de son fier temp�rament qu'il a magistralement chant� avant de nous quitter pour toujours.