Une délégation de l'ESGN en visite d'information au siège de l'APN    Communication: M. Meziane appelle les journalistes sportifs à se conformer à la déontologie de la profession    Le recteur de Djamaâ El-Djazaïr reçoit le Directeur général pour la région MENA à la Commission européenne    Chargé par le président de la République, M. Attaf arrive à Helsinki    Des cadres et officiers de la Gendarmerie nationale en visite au Conseil de la nation    Guichet unique d'investissement: le gouvernement examine des modifications sur le décret exécutif relatif aux actes d'urbanisme    Début à Alger des travaux du 25e Congrès panarabe de rhumatologie    Relizane: un programme riche et varié pour faire connaître le patrimoine culturel de la région    Les juridictions internationales doivent accentuer la pression sur le Makhzen pour libérer les détenus sahraouis    ANP: 12 éléments de soutien aux groupes terroristes arrêtés en une semaine    Maghreb Pharma Expo: le secteur pharmaceutique mobilisé pour renforcer l'intégration locale    Le téléphérique de Constantine reprend du service    Ghaza : le bilan de l'agression génocidaire sioniste grimpe à 51.305 martyrs et 117.096 blessés    Oran: ouverture de la 15e édition du Salon international du tourisme, des voyages, des transports, de l'hôtellerie et de la restauration    Ligue 1: le président de la FAF exhorte les responsables de clubs à veiller au bon déroulement des matchs dans un esprit de fair-play    Ooredoo au rendez-vous de l'ICT Africa Summit 2025    Les agriculteurs mostaganémois dénoncent et défient les spéculateurs    Des associations espagnoles dénoncent    Sous les eaux : Quand la pluie révèle l'incompétence    L'économie algérienne fortement tributaire de la rente des hydrocarbures    L'arbitre de la rencontre USMK-PAC au box des accusés !    Les tombeaux royaux de Numidie proposés au classement ''dès l'année prochaine''    Convergences transcendentalement divergentes entre l'art et la religion    L'arbitrage au centre des critiques    FAF: "Ziani va nous rejoindre à la DTN"    Haltérophilie: Kamel Saïdi élu membre du bureau exécutif de l'UA de la discipline    Tissemsilt: décès du Moudjahid Adila Salah    Un programme sportif suspendu    L'entité sioniste occupe de nouveaux territoires palestiniens    L'UA approuve la démarche du leadership régional de l'Algérie    Une épreuve pas facile à supporter    Sur les traces de l'architecture ottomane dans l'ancienne capitale du Beylik du Titteri    15.000 moutons accostent au port d'Alger    Les lauréats des activités culturelles organisées dans les écoles et collèges honorés    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



A fonds perdus
Liberté rime avec dignité et ordre public
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 02 - 2014


[email protected]
L'ordonnance du Conseil d'Etat français du 9 janvier 2014(*) fera date dans l'histoire du droit des libertés (principalement d'expression et de réunion) dans un pays qui clame haut et fort sa paternité sur les droits de l'Homme. Pour rappel, cette haute juridiction avait été saisie en appel, dans le cadre d'une procédure de référé-liberté, pour l'annulation d'une ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes et par laquelle ce dernier avait estimé que les troubles à l'ordre public susceptibles d'être provoqués par le spectacle de l'humoriste Dieudonné, M'Bala M'Bala, programmé le soir même, n'étaient pas suffisants pour justifier la mesure d'interdiction adoptée par le préfet deux jours auparavant.
Le référé-liberté est une procédure d'urgence qui présente la particularité d'avoir pour objet d'assurer la «sauvegarde d'une liberté fondamentale» face à «une atteinte grave et manifestement illégale» qu'une autorité administrative lui aurait portée.
La procédure de référé-liberté permet au juge de statuer dans un délai de 48 heures afin d'«ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale» (Art. L. 523-1, al. 2, code de justice administrative).
L'ordonnance du Conseil d'Etat donne plein effet à une circulaire du ministre de l'Intérieur, diffusée le 6 janvier 2014, qui rappelait les conditions dans lesquelles un spectacle pouvait faire l'objet d'une mesure d'interdiction. L'objet de ladite circulaire, prise au titre du pouvoir de police générale reconnu au ministre de l'Intérieur, était clairement formulé : «Lutte contre le racisme et l'antisémitisme – manifestations et réunions publiques – Spectacles de M. Dieudonné M'bala M'bala».
Anne Levade, professeur à l'Université Paris Est-Créteil, en fait une lecture exhaustive et pertinente dans une note récemment parue(**).
Elle revient sur le «mauvais procès» fait à l'ordonnance en question, qu'il s'agisse de la rapidité avec laquelle elle a été prise (le jour même), qu'il s'agisse de sa forte connotation politique ou qu'il s'agisse, enfin, de ce qui s'apparenterait à «une mise en application liberticide de la conciliation entre liberté d'expression et de réunion, d'une part, et exigences d'ordre public, d'autre part».
L'ordonnance ne constitue en aucun cas une exception ou une nouveauté. Elle reconduit une jurisprudence constante, même si elle recèle, par ailleurs, une teneur clarificatrice, nous dit Anne Levade.
Elle s'inscrit dans la tradition et le précédent – sanctionnant les atteintes portées à l'exercice de libertés fondamentales pour des exigences d'ordre public – pour trois raisons :
- d'abord, la décision est loin d'être inédite ou de constituer un tournant majeur. Dans les visas de son ordonnance, le Conseil d‘Etat rappelle trois «décisions» antérieures qu'il a rendues, «statuant au contentieux», entre 1933 et 2009, et qui, pour l'essentiel établissent que «le souci du maintien de l'ordre public doit être mis en balance avec le nécessaire respect des libertés». Comme le rappelle Anne Levade, «c'est dans la ligne de sa jurisprudence relative aux atteintes que l'autorité de police générale peut porter à l'exercice des libertés au nom de la sauvegarde de l'ordre public que le Conseil d'Etat allait statuer» ;
- ensuite, le principe de dignité se trouve, sans surprise aucune, réaffirmé. Ce principe est une composante de l'ordre public ; le Conseil d'Etat va toutefois en préciser les fondements et contours. Sont visés des «propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l'apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale» contenus dans le spectacle incriminé ;
- enfin, la motivation de l'ordonnance atteste de son classicisme : «les atteintes portées, pour des exigences d'ordre public, à l'exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées.
On mesure la pérennité de cette jurisprudence – ses origines remontent à 1933 – lorsqu'on s'éloigne des pulsions communautaristes, des préjugés et autres considérations liées à l'actualité immédiate.
Outre qu'elle reconduit une jurisprudence classique, l'ordonnance apporte, de l'avis d'Anne Levade, une motivation clarificatrice : «La complémentarité entre dignité de la personne humaine et ordre public matériel.»
Sont ici combinées «les deux dimensions de l'ordre public : d'une part, l'ordre public "matériel" et extérieur entendu comme le triptyque traditionnel "tranquillité, sécurité et salubrité publiques" et, d'autre part l'ordre public parfois qualifié d'"immatériel", par opposition au premier, et dont la principale – et peut-être unique – composante est (...) la dignité de la personne humaine».
S'agissant de l'articulation entre les deux dimensions de l'ordre public, le juge soutient que «c'est parce que risquaient d'être sérieusement et gravement troublés, ensemble, ordre public matériel et ordre public immatériel que le spectacle de Dieudonné pouvait être interdit».
Par ailleurs, l'ordonnance rappelle les propos «pénalement répréhensibles» tenus lors de spectacles antérieurement donnés par Dieudonné à Paris et qui sont «de nature à mettre en cause la cohésion nationale».
Mention majeure, inhabituelle : la sauvegarde de la dignité humaine est érigée ci en élément de «cohésion nationale» parce qu'elle touche au vivre-ensemble dans une société démocratique. Pour rappel, en 2007, dans l'affaire dite «de la soupe au cochon», les pratiques cultuelles des juifs et des musulmans étaient au centre d'un procès historique. En l'espèce, le juge des référés avait déjà clairement énoncé que l'atteinte à la dignité pouvait résulter de l'islamophobie autant que de l'antisémitisme, considérant que pouvait, pour ce motif, être interdite la distribution d'une soupe populaire à base de porc qui visait à exclure de la distribution les personnes de confessions musulmane et juive.
Ainsi, le caractère sacré des droits de l'Homme ne saurait excuser que soit franchie la ligne rouge du respect de la dignité humaine et de la protection de l'ordre public.
A ceux qui voient dans l'ordonnance du Conseil d'Etat un tournant «liberticide», Anne Levade rétorque en conclusion de son précieux commentaire : «En définitive, on le voit, le principal risque de l'hypermédiatisation qui l'a entourée est sans doute de sceller le fait que l'ordonnance du 9 janvier est d'abord un grand arrêt. Circonstanciée et très précisément fondée sur le plan juridique, elle ne saurait être analysée comme visant à redéfinir ou restreindre les conditions d'exercice des libertés d'expression et de réunion ; en revanche, elle montre l'aptitude du droit à se saisir de situations particulières et, disons-le, heureusement exceptionnelles».
A. B.
(*) CE, ord., 9 janvier 2014, ministre de l'Intérieur/ Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala M'Bala, req. 374508.
(**)Anne Levade, Le Conseil d'Etat aux prises avec l'affaire Dieudonné, Fondation Jean Jaurès, Thémis Observatoire Justice et Sécurité, note n° 6, 27 janvier 2014, 11 pages.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.